A propos des rues de Nice: une volonté de réviser notre histoire ?

Y-a-t-il une réelle volonté d’enterrer l’histoire de notre Pays Niçois de la part des édiles niçois ?

 

En regardant de plus près les noms des rues de notre ville, on a l’impression que notre histoire commence après l’annexion frauduleuse de 1860. Ce phénomène s’est accentué après la disparition de notre dernier Consul, Jacques MEDECIN. 

 

Il y a quelques temps, je lisais le quotidien local dans lequel il y avait deux pages consacrées aux rues de Nice et à leur appellation. La journaliste qui l’avait écrit regrettait que les noms de personnages célèbres n’apparaissent pas au fronton de nos rues. Mais, en y regardant de plus près, celle-ci ne citait aucun Niçois dans ses propos.  Nous aussi, nous sommes bien  d’accord que l’attribution des noms de rues prête à la critique, mais pas pour les mêmes raisons que la journaliste de Nice Matin.  Alors que celle-ci semblait s’étonner que les noms de grands rois de France n’apparaissent pas aux coins de nos rues, nous, pour notre part, nous nous étonnons que de célèbres Niçois soient si peu considérés dans leur ville.

Certains pourraient s’étonner de ne pas voir une avenue ou un boulevard Jacques Médecin (quelles que soient les reproches que l’on puisse lui faire) à côté des autres maires de la ville, alors que, dans le même temps, on attribue une grande artère à ce sinistre personnage qu’est Adolf Thiers qui a ordonné de faire tirer sur le peuple de Nice en son temps (n’oublions pas, aussi, qu’il fut également le fossoyeur de la Commune).  N’oublions pas, non plus, que l’on a donné à une des plus grande place de Nice le nom du traitre Masséna, qui s’engagea dans les troupes d’occupation du Comté de Nice (Lorsque le général Jacques Bernard d’Anselme pénètre dans la ville de Nice le 29 septembre 1792 à la tête des troupes françaises d’occupation du Comté de Nice, Masséna participe aux exactions et à la répression du mouvement barbet contre-révolutionnaire. Originaire du pays et le connaissant parfaitement, il est de ce fait particulièrement apprécié par sa hiérarchie- sources Wikipédia). Dans tout pays, en temps de guerre, porter l’uniforme de l’ennemi était passible du tribunal militaire et, à cette époque, de la condamnation à mort. Que dire de cette rue attribuée à l’Abbé Grégoire, pourfendeur zélé des langues régionales (Puis, à partir de 1793, pendant la Convention, au sein du Comité d’instruction publique où il se montre très actif, il lutte pour l’éradication de ces patois. L’universalisation de la langue française par l’anéantissement, non seulement des patois, mais des langues des communautés minoritaires (yiddish, créoles) est pour lui le meilleur moyen de répandre dans la masse les connaissances utiles, de lutter contre les superstitions et de « fondre tous les citoyens dans la masse nationale », de « créer un peuple ». Sources Wikipedia).  Un personnage immense de l’Histoire du Comté de Nice est relégué dans une petite rue de 50 mètres de long à peine: je veux parler d’Andrèa Provana de Leyni (dont la statue monumentale se trouve à l’entrée du palais Royal de Turin) alors que l’on a attribué une rue dix fois plus longue à Tobias Smolett, un voyageur qui n’aimait pas vraiment Nice et le Pays Niçois (Extraits d’un de ses récits concernant les « festins » niçois qui se placent entre le printemps et l’été : « [Hommes et femmes] se réunissent dans les plus beaux habits et dansent au son du fifre et du tambour. Des étalages ambulants offrent de la pacotille, des bibelots à offrir, des gâteaux, du pain, des liqueurs, du vin. Toute la société de Nice s’y rend. J’ai vu toute une noblesse à l’un de ces festins, qui se tenait sur la grande route en été, mêlée à une foule immense de paysans, de mules et d’ânes. Elle était couverte de poussière et transpirait de tous ses pores dans la chaleur excessive de l’été. Je serai fort ennuyé de savoir d’où peut naître leur plaisir dans ces occasions ou bien d’expliquer pourquoi ils vont tous à ces rendez-vous, à moins que cela ne leur soit prescrit comme une pénitence ou comme un avant goût du purgatoire.).  Pourquoi un personnage comme Stephen Liegeard, un Dijonnais qui a inventé le terme de Côte d’Azur (terme à connotation touristique et marchande, que les habitants du Pays Niçois rejettent), qui n’a jamais mis les pieds à Nice (il n’est jamais allé plus loin que Cannes) a une rue à Nice ? Pourquoi n’a t on pas attribué une rue à l’immense Francis Gag ? Pourquoi l’incontournable  Rosalinde Rancher doit il se contenter d’une rue de quelques mètres ? A côté de cela il est vraiment indécent d’attribuer une rue à ce misérable François 1° qui s’allia aux turcs pour venir nous assiéger en 1543. Et que dire de cette rue Bonaparte, lui qui vint occuper Nice au nom de la république « une et indivisible » ? La municipalité actuelle en a rajouté une couche dernièrement en débaptisant le Quai Cassini pour lui donner le nom de ce triste sire qui a mis l’Europe à feu et à sang et a pillé tous les pays qu’il a occupé, je veux parler de Napoléon I°, empereur autoproclamé des français, une véritable honte pour les niçois. Quant au boulevard Napoléon III, c’est une insulte pour nous Niçois. Il est proprement scandaleux, autre exemple,  que notre écrivain populaire, Louis Nucéra, n’ait pas sa rue en bonne place à Nice. Quant à certains personnages niçois célèbres comme Alexandre Michaud de Beauretour qui eut un destin exceptionnel, si un petit (tout petit) square lui fut attribué (coincé entre plusieurs croisements de routes), sa plaque a aujourd’hui disparu. Enfin, une rue des Barbets (nos résistants niçois du 18° siècle) a bien été votée à l’unanimité au conseil municipal sans que, depuis 5 ans, l’inauguration de cette rue n’ait été faite ni sa plaque apposée.

Il y a là, une véritable volonté de réviser notre histoire voire de faire un silence complet sur celle-ci.  Il faut lire, à ce sujet, l’excellent livre de Suzanne Cervera, « Antimodernisme et rejets dans la presse niçoise de la Belle Époque »

L’ébauche d’une crise identitaire. (http://cdlm.revues.org/2373). Extraits de son livre: Bref les édiles devraient être choisis parmi les Niçois les plus méritants et connus pour leur indépendance et leur loyauté, des oiseaux rares, semble-t-il ! Une méfiance absolue envers le régime et l’ensemble du personnel politique, s’exprime sans discordance dans un concert des critiques, la plus répandue étant l’accusation de corruption et de faillite du suffrage universel, rendu même responsable, en 1883, de l’incendie du théâtre italien. « Quand il pleut, gèle ou neige à Paris,
A Nice on peut contempler Môssieu le Maire,
Mais lorsque les mauvais temps sont finis
C’est au Sénat qu’on le voit se complaire…
Moi je peux sûrement vous dire
Comment tout cela finira…
Pour regarnir sa tirelire
Môssieur le Maire nous imposera ! ».

Le seul point sur lequel nous pourrions être d’accord avec la journaliste est qu’il manque des noms célèbres d’artistes et d’écrivains qui ont aimé notre Pays Niçois et l’ont chanté. Mais combien de noms de rues portant les noms d’ennemis de Nice faudra t il débaptiser afin de faire une place à ceux qui la méritent.

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