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Ai pas vergougna…
Pendant de trop longues années les Niçois, sous la pression de l’état jacobin, ont baissé la tête
Il serait peut-être temps de se rebeller contre les concepts incapacitants que l’on nous a inculqué depuis un siècle et demi.
De cen qu’ai dich, de cen qu’ai fach, ai pas vergougna
De mièu joia, de mièu lagrima, ai pas vergougna
Si j’ai pris cette chanson de Mauris comme référence, c’est qu’elle résume bien toute l’histoire des Niçois et de ce que les générations qui nous ont précédé ont subi.
1860, après des accords secrets menés entre deux parties avides d’expansionnisme, une grande forfaiture est accomplie par le dernier roi de Piémont-Sardaigne qui, non seulement, abandonna sans scrupule la terre de ses ancêtres, mais, se permit de disposer du Comté de Nice qui s’était mis sous la protection de la Maison de Savoie par l’acte de dédition de 1388. Par cet acte, Nice reconnaissait le Comte de Savoie comme son souverain et, dans toute son histoire, ne trahira jamais celui-ci (ni ses successeurs, devenus Ducs puis Rois). Il était évident que si le dépositaire de la Maison de Savoie (en l’occurrence le dernier roi de Piémont-Sardaigne) venait à abandonner sa souveraineté sur le Comté de Nice, celui-ci devait recouvrer sa liberté première : c’est pourquoi nous pouvons parler de forfaiture pour ce qui s’est passé en 1860.
Depuis, l’annexion de notre pays par la France, une entreprise de « francisation » à outrance fut entreprise : suppression de notre Université (car lieu de transmission du savoir, de la culture, de l’histoire…donc, dangereuse), suppression de notre Sénat qui faisait office de cour d’appel (on ne voulait pas que les justiciables niçois soient jugés chez eux), monopolisation des moyens de production, colonisation par l’apport massif de populations nouvelles venues de France, contrôle des organes d’information et surtout mise en place de ce monstre qu’est « l’Éducation Nationale Française » qui se chargeât d’enseigner aux petits Niçois une histoire qui n’était pas celle de leur pays.
Subitement, nous apprîmes que nos ancêtres étaient les Gaulois, que notre drapeau était fait de trois bandes tricolores, que notre pays s’était construit par la volonté de grand personnages tels François I°, Louis XIV, Napoléon I° voire Napoléon III, alors que ces tristes personnages sont ceux qui ont fait le plus de mal à notre patrie.
On nous a dit que notre seule langue était le français, alors qu’avant nous parlions trois langues dans notre pays (dont le français) : nous ne pouvions comprendre pourquoi, d’un seul coup, on nous privait de deux langues.
Plus tard, quand arrivèrent les hussards noirs de la république, comme on appelait les instituteurs sous le gouvernement de Jules Ferry , furent mises en place des mesures encore plus contraignantes pour éradiquer les langues enracinées dans tous les coins de l’hexagone. C est ainsi qu’apparurent les trop malheureusement célèbres panneaux en Bretagne sur lesquels était inscrit « Interdit de cracher par terre et de parler breton ». C’est ainsi que les petits niçois qui était pris par leur « maître » en train de parler leur langue, le « Nissart » (j’englobe sous ce terme tous les parlers du Comté : beaucoup d’enfant du haut-pays ne parlant la plupart du temps chez eux que le Gavouot), étaient sévèrement punis. On en était arrivé à culpabiliser les adultes : combien d’entre nous n’ont ils pas entendu leur mère leur dire, dans leur tendre enfance : « ne parles pas niçois, c’est vulgaire ! »
« Et tout ça », comme le chantait Maurice Chevalier (Ndlr : un chanteur français qui eut sa célébrité, pour ceux qui ne le connaissent pas), « ça fait d’excellents français » que l’on envoyait, ensuite, se faire trouer la peau pour la république une et indivisible.
Mais, un jour, les indigènes des « territoires occupés » en ont eu assez de se conformer au modèle standardisé que la puissance jacobine voulait imposer partout. Ici où là, on vit se multiplier des chanteurs, des conteurs, des musiciens, des écrivains…enracinés dans la culture de leurs ancêtres. On vit les « fest-noz » (et même les « fest-dez ») fleurir aux quatre coins de la Bretagne . On vit les chants polyphoniques renaître en Corse ou au Pays-Basque. On vit les gens du terroir ré-apprendre la langue dont ils avaient été privés pendant si longtemps. On vit des écoles enseigner dans la langue maternelle des enfants de tous ces pays. On vit les danses traditionnelles drainer de plus en plus de monde. En un mot, on vit les cultures renaître.
Dans ce vieux monde dans lequel les états-nation ont fait leur temps, à une époque ou les nations modernes sont au bout du rouleau, dont la lassitude est telle qu’elles n’envisagent même plus de se défendre et s’en remettent à la dictature de l’économie mondiale en oubliant tout réflexe de survie, nous voyons bien que seules les « Patries Culturelles » conservent leur capacité à réunir les peuples autour de leur mémoire collective. Les citoyens de ces nations usées se retournent vers les seuls endroits où ils sentent qu’il y a une communauté vivante basée sur la culture et l’histoire : ils savent bien, au fond d’eux mêmes, que c’est dans ces creusets forgés par les générations de ceux qui les ont précédés, là ou l’on parle une langue enracinée, sur une terre chargée de l’histoire de leurs ancêtres, porteur d’une culture, qui fut bien malmenée mais qui a traversé les siècles, qu’ils pourront se retrouver eux-mêmes.
Il est temps aujourd’hui de dire à notre jeunesse : relevez la tête, n’ayez plus honte d’être ce que vous êtes, affirmez votre identité culturelle qui est tout aussi respectable que les autres.
Toi, jeune Niçois, qui voulais te rebeller face au conformisme ambiant et qui l’exprimais par des slogans que nous avons tous mis en avant : « M’en bati, sièu Nissart ! », Pihas garda, sièu Nissart ! » *1 etc… Aujourd’hui, ton seul mot d’ordre est : « Ai pas vergougna, sièu fier d’estre Nissart » *2.
*1 (Expressions qui se traduisent par « Je m’en fous, je suis Niçois », « Prends garde, je suis Niçois »)
*2 (Expression signifiant: « Je n’ai pas honte, je suis fier d’être Niçois »)
Parfait !
Rien à rajouter globalement, si ce n’est que la maison de Savoie n’a jamais trahie ses engagements envers qui que ce soit, et encore moins envers les Niçois. Pour notre plus grand malheur à tous, le responsable de cette forfaiture, qui alla jusqu’à abandonner à l’ennemi héréditaire le pays dont il portait le nom: la Savoie, ne faisait pas partie de la famille. Il n’était autre que l’enfant abandonné récupéré au couvent par la gouvernante, pour cacher au roi et à la reine la mort du jeune prince dans son berceau.
Cette histoire est bien connue*, y compris des « pseudos Savoie » actuels… La défunte reine mère elle-même ne le cachait pas**.
En tout cas merci pour ce beau travail, même s’il serait justice, je crois, de corriger ce point important d’Histoire.
Excellente journée à tous.
* Cf à ce sujet, les écrits de feu Alain ROULIER et bien sûr de Jean de PINGON.
**Ce qui n’enlève en rien à leur qualité de Roi d’Italie fondateur de la dynastie (du reste pas le premier enfant trouvé de l’Histoire) au prix de cette forfaiture et du génocide qui devait en suivre.