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Francis Gag
Dans cette galerie de portrait sur nos grands ancêtres, il n’y a pas que des personnages de pouvoir, des bâtisseurs et des combattants…
Il est une autre catégorie essentielle dans l’histoire de notre pays…les artistes qui furent souvent les premiers résistants face à la volonté d’autres nations de faire disparaitre notre essence même.
Aujourd’hui, je vous parle, ici, d’un temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître. En ce temps là, il était habituel de brancher le poste de radio, la télévision n’ayant pas encore monopolisé notre quotidien. Et dans les années 50, à Nissa, bien sûr,un grand nombre d’entre nous entendaient, sur les ondes, une vieille dame qui n’avait pas la langue dans sa poche une vieille Nissarde qui ne pouvait qu’habiter le « babazouk » et qui nous délectait de ses réparties devenues fameuses avec le temps.
C’était l’illustre « Tanta Vitourina » qui venait, chaque jour, chez nous, pour nous raconter les dernières histoire de Nice et des environs. Et les plus jeunes d’entre nous, à l’époque, étaient persuadés qu’il s’agissait d’une vieille dame un peu polissonne qui leur parlait à la radio.
Mais, en fait, derrière cette « ficanassière » se cachait un des auteurs les plus prolixes du théâtre Nissart, un défenseur et propagateur de « la nouostra lenga », un éveilleur de peuple comme il en existe peu, malheureusement, l’immense Francis Gag, aujourd’hui, physiquement disparu, mais sans cesse présent au travers de ses œuvres qui sont devenues immortelles.
Il faut dire que lorsque nous avons ouvert cette nouvelle rubrique « Nos grands ancêtres » tout le monde était persuadé que nous ne referions uniquement vivre la mémoire des bâtisseurs et des guerriers qui ont fait notre histoire. c’est oublier, un peu vite, que les artistes sont souvent les premiers combattants des peuples et les premiers bâtisseurs des mémoires collectives. Francis Gag avait toute sa place, et une des premières, parmi nos grands anciens.
Dans l’année 1900, au début du siècle dernier, naissait à Nissa, dans une famille modeste, le petit Francis Gagliolo. Issu du peuple de Nice, il restera toujours, même quand sa notoriété fut assurée, un homme du peuple, peuple qu’il connaissait si bien. C’était un enfant du Comté de Nice, bien que celui-ci eut perdu sa souveraineté depuis une quarantaine d’années à sa naissance. Il était un un enfant du Comté par ses racines : son père était Ligure et sa mère Piémontaise. Il retrouvait à travers eux une terre natale qui se trouvait être le territoire de l’ancien Comté, bien rétréci, par la volonté de la France , après que cette dernière l’eut annexé illégitimement.
Le petit Gagliolo, comme tous les enfants de son âge, passa sa jeunesse dans les rues de la ville de Nice, rues dans lesquelles il se nourrit de cette culture si particulière qu’est la notre avec en plus les bruits et les odeurs qui ne se trouvent qu’ici. Il fut abreuvé des conversations imagées qui font le quotidien des Nissarts, captant, ici et là, un mot, une expression voire un juron dont la saveur prend tout son sens quand cela est formulé dans la langue du pays. Et , en grandissant, il se rendit compte qu’il ne pouvait rester simple spectateur de ces scènes prises sur le vif mais qu’il devait, non seulement être un héritier de cette culture mais aussi un transmetteur de celle-ci. C’est ainsi, que Francis Gagliolo, qui était, à l’âge adulte devenu artisan-teinturier de profession, laissa sa place, petit à petit, en Francis Gag, l’artiste…à la fois, chanteur, comédien, conteur, poète, mime puis auteur et metteur en scène. Toutes ses créations sont adressées au peuple de Nice, dont il était issu et qu’il aimait tant. Francis Gag est un auteur populaire parce qu’il connaît bien le peuple avec le quel il, partage les mêmes valeurs de sincérité et de sagesse. Quand on lit ou que l’on écoute Francis Gag, on sent bien qu’il aime ce peuple tant l’affection est grande au travers de l’ironie.
Il deviendra un des auteurs les plus prolixes de la langue nissarde mais également un interprète hors pair, car Francis Gag ne pouvait se contenter d’écrire, il lui fallait aussi transmettre ses productions littéraire par voie orale et c’est pour cela que le conteur poète devint comédien et créa, à 36 ans, sa propre troupe de théâtre pour offrir au public de son pays la possibilité d’accéder au théâtre dialectal. Ainsi est né le « Théâtre Niçois de Francis Gag »
Il va, ainsi , donner le jour à un florilège de pièces de théâtre qui sont reconnues pour être des chefs d’oeuvre de la littérature nissarde (et par extension de la littérature romane voire de langue d’oc).
Des pièces comme Lou Sartre matafièu( création 1922), Ensi va la vida, Calèna, la Pignata d’or (création 1936), lou vin dei padre( création 1937),les deux vieux, la marche à la crèche (création 1964), Segne Blai e Guilhaumeta (création 1981) sont encore jouées aujourd’hui dans le théâtre qui porte son nom, dans le Vieux Nice.
Mais cela ne suffisait pas à ce boulimique de la culture nissarde, et vingt ans après avoir créé le « Théâtre Niçois de Francis Gag », il s’attela, à 56 ans, à la préservation de nos traditions (chants, danses, musiques et costumes) en créant le groupe folklorique (en un temps ou ce mot n’avait pas le sens péjoratif qu’il a aujourd’hui) « Nice la Belle ». Francis Gag voulait, au travers de ce groupe, mettre en avant ses recherches permanentes de costumes, danses et musiques authentiques du « Païs Nissart ». Pour tout cela, il sera élu Majoral du Félibrige en 1960 (Cigalo de Camp-Cabèu).
Mais il est un personnage qu’il s’était créé lors de la seconde guerre mondiale, personnage sur mesure qui, tout au long de ces années, le suivit (ou plutôt mena sa carrière en parallèle avec lui), je veux parler de Tanta Vitourina, cette mégère sympathique qui invectivait les « maufatan » sur les ondes et qui nous donnait toutes les nouvelles de notre pays à travers « radio babazouk ». Tout les Niçois vous le diront : Tanta Vitourina était considérée comme faisant partie de la famille, de chaque famille. D’autant que ce personnage avait fini par exister vraiment : elle avait échappé à son créateur et menait sa propre vie. Tanta Vitourina aimait le, peuple de Nice et celui-ci le lui rendait bien.
C’est pourquoi, ce rêveur impénitent doublé d’un humaniste qu’était Francis Gag, donna une mission à Tanta Vitourina : celle de créer une institution pour les vieux de Nice. A 62 ans, fort de sa notoriété (et de celle de son personnage) il entreprit de fonder « l’Oeuvre des petites vieilles » pour aider les personnes âgées en détresse (et particulièrement les femmes du peuple qui se retrouvaient seules, d’où le nom de son œuvre). Cette œuvre initiale deviendra, un peu plus tard, la « Fondation des Amis de Tanta Vitourina », fondation qui fera bâtir, sous l’impulsion de son créateur , grâce à la générosité et au bénévolat, une maison de repos au Broc sur la rive droite du Var.
Cet homme infatigable, ce créateur prolixe, cet « artiste engagé » au service de la culture nissarde, n’arrêtait jamais. Il fut sans doute celui sans qui notre culture et notre langue auraient disparues aujourd’hui. Il inspira des générations de jeunes Niçois et fut le père spirituel des jeunes artistes de l’époque : Jean Luc Sauvaigo, Alan Pelhon et Mauris. Comme il aimait à le dire: « la vida es un pantai » et c’est pourquoi il vécut sa vie comme un rêve mais, lui, fit de ses rêves des réalités. Il rendit l’âme à 88 ans sans jamais s’être arrêté alors que l’on venait juste d’inaugurer un théâtre à son nom.
Toute sa vie fut consacrée à cette terre qu’il aimait par dessus tout et il communiquât sa passion à tout son entourage. En premier lieu, son fils Pierre Louis qui, avec sa femme Francine, continua l’oeuvre après la disparition du grand homme en 1988, et aujourd’hui, son petit fils Jean Luc Gagliolo qui permet au public niçois attaché aux traditions de revoir nombre des créations de son grand-père.
Francis Gag fut certainement un de nos « grands ancêtres » et j’aimerai que les jeunes Niçois qui apprennent aujourd’hui la langue de leurs pères, à tous les artistes de notre Comté, musiciens, conteurs et poètes, à tous les responsables d’associations, de groupements, d’amicales et autres organisateurs de spectacles et de festins, que, si aujourd’hui ils peuvent encore défendre et promouvoir notre langue et notre culture, afin qu’elle ne meure pas, tout cela est possible par l’action qu’a mené tout au long de sa vie ce grand Monsieur qui s’appelait Francis Gag.
Monsieur Gag, merci.
Pròpi una bòna idea de rendre un omenatge au mai gran niçard contemporan, Francis Gag. Merci a vautres. Mas perqué aver illustrat lo principi de l’article per una peça dei Bastian Countrari ?
Anna-Maria, il me semble au contraire que : Bastian Countrari, est un peu l’esprit frondeur du Nissart… Viva…