Garibaldi à travers le monde…
Ecrit par Gabriel GANDOLFO le 1 déc, 2025 dans la rubrique Histoire / Istoria | 0 commentaires
Giuseppe Garibaldi, le Héros des deux Mondes
C’est au cours de mes nombreux voyages sur différents continents que j’ai pu voir combien « Pepin », l’enfant de Nice, avait marqué les esprits. Partout fleurissent des monuments ou des rues dédiés à celui-ci.
Garibaldi demeure la figure historique incontestée de Nice, célébrée aussi bien par George Sand, Alexandre Dumas ou encore Victor Hugo. Son épopée, qui lui valut une stature internationale et le surnom de « héros des deux mondes », est peu commune et mérite d’être contée.
Giuseppe Garibaldi est né le 4 juillet 1807 à Nice, laquelle était alors sous administration française depuis l’invasion des troupes révolutionnaires du général d’Anselme le 28 septembre 1792, suivie par un simulacre de plébiscite (décembre 1792) et une annexion du Comté le 31 janvier 1793 (ce point est important pour la suite). Sa maison natale, située sur l’actuel quai Papacino, a été détruite lors de l’agrandissement du port Lympia sous la mandature (1878-1886) d’Alfred Borriglione: une plaque commémorative a été apposée en 1932 par une association italienne, ni les Français, ni même les Niçois n’en ayant eu l’idée (Photo 1).
Comme son père était un marin d’origine génoise, le jeune Giuseppe servit d’abord tout naturellement dans la marine sarde, le Comté étant entre-temps retourné au royaume de Piémont-Sardaigne à la faveur de la Restauration opérée en mai-juin 1814 par le roi Victor-Emmanuel 1er profitant du séjour forcé de Napoléon à l’île d’Elbe. Mais en 1833, il adhéra à la société secrète la Jeune-Italie (Giovine Italia) fondée par l’avocat génois Giuseppe Mazzini (1805-1872) qui complotait contre le roi de Piémont-Sardaigne Charles-Albert en faveur d’une république italienne unifiée et démocratique. Sa participation à cette activité subversive l’obligea à s’exiler en 1834 en France, à Marseille où il exerça un temps comme professeur de mathématiques. Mais après sa condamnation à mort par contumace décrétée par le roi Charles-Albert et craignant la police française, il préféra fuir en Amérique latine où il va devenir un véritable guérillero.
De 1837 à 1841, il lutta d’abord contre l’empereur du Brésil, pays où il rencontra Anita Ribeiro da Silva (1821-1849), qu’il épousera en 1845. Puis, de 1841 à 1848, il aida l’Uruguay à se rebeller contre l’Argentine et son dictateur Rosas. En 1843, il forma une Légion italienne, composée d’exilés comme lui et vêtus de rouge (les fameuses « Chemises rouges »), qui s’illustra notamment lors de la bataille de San Antonio le 8 février 1846 : la presse européenne relatant ses exploits, c’est ainsi que naquit le mythe garibaldien.
Revenu en 1848 en Europe, Garibaldi fonda à Milan un corps de volontaires, harcelant les Autrichiens qui, depuis le Congrès de Vienne de 1815, occupaient toute l’Italie du Nord, mais les défaites de l’armée sarde à Custozza (25 juillet 1848) puis à Novare (23 mars 1849) provoquèrent l’abdication du roi Charles-Albert et la fuite de Garibaldi en Suisse. Il n’y resta pas longtemps et, au printemps 1849, il se mit au service de la république romaine contre les forces d’intervention françaises d’Oudinot, le 2e duc de Reggio (et fils du maréchal napoléonien qui était le 1er duc), mais n’empêcha pas la chute de Rome le 2 juillet 1849. Avec ses volontaires, il se réfugia alors en Toscane, d’où il fut chassé par les Autrichiens, rancuniers. C’est le 4 août 1849, dans les marais de Comacchio, qu’Anita, son épouse qui l’avait suivi fidèlement dans tous ses périples, mourut d’épuisement : Giuseppe la fera inhumer à Nice, au cimetière du Château, dans la sépulture familiale où elle sera rejointe par sa mère Rosa Garibaldi en 1852 et sa jeune sœur Teresa, morte à l’âge de trois ans dans l’incendie de la maison familiale.
Après la Toscane, Garibaldi se réfugia à Gènes où il fut arrêté par les autorités piémontaises en raison de ses idées républicaines et de nouveau condamné à l’exil : on peut alors suivre sa trace à Tanger, à Gibraltar, à Liverpool, à New York (où il fut marchand de chandelles!), au Pérou, au Chili, en Australie, en Indochine et jusqu’en Chine ! Le gouvernement sarde finit par lui pardonner et il put revenir en Italie en 1854, renonçant à son idéal républicain, s’éloignant de son ami Mazzini pour se rallier à la maison de Savoie. Il acheta une partie de l’île de Caprera, située entre Corse et Sardaigne (photo 2), futur lieu de sa sépulture.
Quand l’Autriche déclara la guerre au roi Victor-Emmanuel II, ce dernier lui confia la mission de mener la campagne de 1859 : Garibaldi leva alors 5000 chasseurs alpins, il fut victorieux à Varese (26 mai), entra à Brescia (13 juin) et se rendit en Italie centrale pour y déclencher une insurrection, mais il dût y renoncer sur l’intervention du Piémont. Après l’armistice du 11 juillet 1859, le roi sarde devait honorer les clauses de l’alliance contractée avec Napoléon III qui l’avait aidé contre les Autrichiens en échange du « rattachement » (sic) de la Savoie et du Comté de Nice à la France. Garibaldi était opposé à une telle annexion et c’est plein d’amertume qu’il conduisit néanmoins avec l’appui de Cavour, favorable à une unité italienne, « l’expédition des Mille » : parti avec ses volontaires de Gènes, il débarqua le 11 mai 1860 à Marsala en Sicile, prit Palerme et, après sa victoire de Milazzo sur les troupes napolitaines du roi Ferdinand, il traversa le détroit de Messine (20 août) et remonta jusqu’à Naples afin d’en chasser les Bourbons du royaume des Deux-Siciles. Le 7 septembre 1860, il put ainsi accueillir à Naples le roi Victor-Emmanuel et lui offrir tout le Sud de l’Italie.
En 1861, Garibaldi fut élu député de Nice au parlement de Turin et exhorta les minorités des Balkans à lutter contre l’Empire austro-hongrois. Résolu de faire sans tarder de Rome la capitale de l’Italie, il s’opposa à la politique prudente du Piémont. Passant outre, il décida d’agir seul avec ses volontaires, mais fut battu à Aspromonte (août 1862) où il fut grièvement blessé. Amnistié, il put se retirer à Caprera. Pas pour longtemps ! En 1863, il prit la tête de la révolution polonaise anti-russe. Pendant la guerre de 1866, quand l’Italie s’était alliée avec la Prusse contre l’Autriche pour libérer la Vénétie, Garibaldi se battit dans la région du lac de Garde, mais sans grand succès. C’est finalement grâce à la victoire prussienne que les Italiens purent obtenir la Vénétie par le traité de Vienne (3 octobre 1866). Il restait encore à délivrer Rome, mais la tentative des garibaldiens provoqua une intervention française (jeu des alliances oblige) et échoua à la bataille de Mentana en novembre 1867. Mais à chacun de ses échecs, nonobstant ses indéniables succès, Garibaldi fut arrêté par son propre gouvernement et renvoyé en résidence surveillée sur l’île de Caprera, cruellement déçu et se rendant compte qu’il avait été sans cesse manipulé par le régime italien.
Il en voulait aussi à l’Empire français, et ce ne fut qu’après la capitulation à Sedan de Napoléon III (2 septembre 1870) lors de la guerre franco-prussienne, que Garibaldi se mit au service de la IIIe République en acceptant de prendre la tête de l’Armée des Vosges et de combattre en Bourgogne avec ses Chemises rouges et ses fils Menotti et Ricciotti, mais son caractère et l’indiscipline de ses troupes le rendirent insupportable aux yeux du commandement français. Auréolé néanmoins par le peuple français, il fut élu le 8 février 1871 député de Nice, de Paris, de la Côte d’Or et d’Alger (en ce temps-là on pouvait être élu dans plusieurs villes aux législatives). Mais les parlementaires à majorité monarchiste, effrayés par son soutien à un programme séparatiste niçois, l’empêchèrent sous les injures et les quolibets de s’exprimer à la Tribune et son élection fut invalidée dès le 13 février par l’Assemblée Nationale qui siégeait à Bordeaux (Paris étant en proie au siège des troupes prussiennes et aux fureurs de la Commune) au prétexte fallacieux qu’il n’était pas Français (alors même qu’il était né, on l’a dit, pendant la première annexion de Nice par la France !). Ce qui suscita la colère d’Émile Zola et surtout celle d’un autre député qui, après un discours mémorable à la Chambre, en démissionna avec fracas un mois plus tard : ce député n’était autre que Victor Hugo… Dépité et fatigué, le vieux condottiere se retira sur son île de Caprera. Il fut encore élu député de Rome en 1874 où il reçut du parlement italien une rente nationale de 100.000 lires. Giuseppe Garibaldi rendit l’âme sur son île le 2 juin 1882.
Mais dès 1871, les Niçois ont rebaptisé la Plassa Vitour en Place Garibaldi où en 1891 a été érigée une statue du héros en piédestal (photos 3 à 5) : on peut y voir deux allégories féminines symbolisant l’Italie et la France et deux lions assis sur des canons avec deux dates, 1860 pour l’expédition des Mille (et surtout pas pour le rattachement de Nice à la France, auquel Garibaldi était opposé) et 1870 pour les combats en Bourgogne.
Les restes de Giuseppe ne sont pas à Nice (il est inhumé sur l’île de Caprera) pas plus que ceux de son épouse Anita qui ont été, sur la demande de Mussolini, transférés en 1932 sur le mont Janicule à Rome en suprême hommage. Giuseppe et Anita ont eu deux fils qui ce sont distingués à leur tour. L’aîné prénommé Menotti (1840-1903), né à Mostardas au Brésil, participa dès 1859 aux campagnes de son père ; il fut député d’extrême-gauche au Parlement italien de 1876 à 1900. Un autre de ses fils, Ricciotti (1847-1924) natif de Montevideo en Uruguay, forma en 1914, à l’imitation de son père en Bourgogne, une Légion garibaldienne qu’il mit au service de la France contre l’Allemagne impériale ; il se rallia ensuite à Mussolini. Les deux fils sont enterrés à Rome.
Le souvenir de Garibaldi est encore partout vivace tant en Italie qu’en Amérique latine (photos 6 à 9) : rares sont les villes qui n’ont pas une rue, une place, une avenue ou un boulevard qui porte son nom.
Gabriel Gandolfo, Nissa, Decembre 2025.