L’Olivier dans le Comté de Nice
Ecrit par Robert-Marie MERCIER le 1 mai, 2017 dans la rubrique Traditions / Tradicioun | 0 commentaires
Il y a quelques jours nous avons participé à la « Fête de l’Olive » qui se déroulait à la Maison de l’Environnement.
Il y avait de nombreux stands des producteurs locaux, des syndicats professionnels de l’olive, des associations nissardes, de la radio bilingue « Paraula Libre », et beaucoup d’animations pour petits et grands. Il y avait, aussi, des expositions de photos et d’instruments relatifs à la culture de l’olive. J’ai été sollicité pour faire une conférence sur l’olivier et je vous présente le texte de cette conférence à présent.
Conférence sur l’olivier dans le Comté de Nice
Bonjour,
Ma conférence n’a aucune prétention technique à propos de l’olivier et des métiers qui en découlent car, lors de cette journée, vous avez eu largement le temps de rencontrer des professionnels et des spécialistes bien plus compétents que moi en ce domaine.
Donc, je ne vais pas chercher à vous intéresser en vous disant que l’olive de Nice est de la variété « cailletier » (lou caiètié en nissart) ni vous abreuver de chiffres sur la production locale et, si je suis le premier ravi que nous ayons une AOP Olive de Nice, dont nous pouvons être fiers, je ne m’attarderai pas plus sur ce sujet.
En fait, comme nous le faisons régulièrement avec mon association et le site « Racines du Pays Niçois » je me situerai plutôt dans une perspective historique de l’olivier dans le Comté de Nice et sur son aspect enraciné dans notre terroir, faisant partie intégrante de notre identité.
Pour ceux d’entre vous qui ont eu le plaisir de participer à nos « Promenades à travers le temps en Pays Niçois … de la Préhistoire à nos jours », vous avez pu constater que notre Pays Niçois ne s’est pas fait en un jour et que nous avons intégré de nombreuses populations qui ont enrichi notre culture par des apports de la leur.
Même si, avant tout, les Niçois sont un peuple de « montagnards face à la mer » comme j‘ai entendu un conférencier venu d’ailleurs le dire un jour, il n’en est pas moins vrai qu’ils sont aussi partie prenante dans cet ensemble de peuples qui ont une certaine « culture méditerranéenne » en commun, culture qui tisse un lien fort entre ces peuples qui bordent la « Mare Nostrum ».
Il faut savoir que, à l’origine, la culture de l’olivier s’était fortement développée dans la Grèce antique pour prendre une place importante dans la vie de tous les jours et favoriser les échanges commerciaux de celle-ci.
Lorsque les Phocéens d’Asie Mineure, qui étaient une composante de l’Empire Grec, partirent sur les flots pour traverser la Méditerranée, sous les ordres d’un certain Pythéas, et venir fonder des comptoirs plus à l’Ouest, ils emportèrent avec eux cette culture de l’olivier et, par voie de conséquence, l’huile d’olive qui était un des éléments essentiels de leur cuisine. C’est ainsi que les Phocéens qui débarquèrent à Carras pour venir se fixer sur le rocher qui dominait l’anse des Ponchettes et y fonder Nikaia apportèrent avec eux l’olive et l’olivier. A cette époque là, selon Pline l’ancien, l’olivier était alors absent de la péninsule italique. Pourtant, au VI° siècle avant notre ère, le magistrat athénien Solon promulgua des lois qui autorisaient les Athéniens à faire le commerce de l’huile d’olive. Puis, au IV° siècle avant notre ère, quand Alexandre le grand conquit la partie orientale de la Méditerranée ainsi que l’Empire Perse, le commerce se développa encore plus. Cependant, quand les Romains, à la demande des habitants de Nikaia, vinrent avec leurs garnisons se fixer à Cemenelum (le Cimiez actuel), ils avaient alors acquis la technique de culture de l’olivier. C‘est ainsi qu’ils amenèrent, eux aussi, dans leurs bagages, l’olivier et l’huile d’olive (et dans le même temps les techniques de vinification). La cuisine niçoise doit d’ailleurs beaucoup aux Romains qui leur amenèrent également le « garum » (poissons laissés à fermenter dans une jarre) qui sera, en fait, l’ancêtre du « pissalat ».
Il faut savoir que cette « culture de l’huile d’olive » avec toutes les méthodes de production qui en découlaient, put vraiment se développer grâce à la parution de manuels techniques comme ceux du botaniste grec Théophraste, des agronomes latins Caton et Pline et du Carthaginois Magon. L’unification, autour de la « Mare Nostrum », de tous les pays riverains de la Méditerranée par l’Empire Romain, va faciliter les échanges entre ceux-ci. Il faut dire quand même que l’huile d’olive avait trouvé de nombreuses utilisations en dehors de la cuisine : l’éclairage, les soins pour le corps, les pratiques sportives ou religieuses….
Plus tard, après la chute de l’Empire Romain, ce seront les Génois et les Vénitiens qui permettront le développement de l’oléiculture par l’essor du commerce très fructueux qu’ils entreprirent avec l’Orient. De nouvelles utilisation de l’huile d’olive vont apparaitre vers le IX° siècle telle que la fabrication du savon ou l’apprêtage des textiles. La culture de l’olivier va continuer son expansion jusqu’à son apogée au XIX° siècle. Il en sera de même dans le Pays Niçois car toute notre cuisine, en fait, tourne autour de l’huile d’olive et de l’olive elle-même.
Malheureusement, les oliviers vont déjà être victimes, chez nous, du tourisme, qui bien souvent détruit ce qu’il venait chercher. Avec le développement des séjours des riches hivernants Anglais ou Russes, le succès de l’œillet auprès de ceux-ci va entrainer l’abandon de beaucoup de plantation d’oliviers pour que l’on plante des œillets à la place, œillets dont la vente est alors beaucoup plus lucrative pour les Niçois.
Après ce bref rappel historique de la culture de l’olivier dans le Comté de Nice, nous allons montrer la forte intégration de celle-ci dans notre patrimoine culturel niçois, intégration que nous pouvons constater au travers du vocabulaire très riche et très fourni dans notre langue niçoise des métiers de l’olive et de l’olivier.
Les oliviers (li oulivié) sont cultivés sur des planches qui s’appellent non pas des restanques (terme provençal) mais sur des faissa (dont le mur de soutènement est l’aberga). On va gauler les olives , acanà li òuliva avec la gaule (lou sairoun) et elles vont être recueillies sur les draps de gaulage, lu lançoulas.
Il faut savoir que le moulin à huile ne se dit pas moulin en nissart mais defici…..
Le meunier à huile est lou déficié, et son aide l’aide-meunier est l’agaié. Ceux-ci travaillent dans le pressoir, la pressa o lou destrech.
Le lieu de trituration s’appelle la pista et le grand râteau qui tourne est lou rabaiaire
La meule est la mouòla, la roue s’appelle la roda, au centre il y a la poutre, la jaina, le centre de la cuve est lou tinoun, et le bassin de déversement et de décantation a pour nom l’infèr (d’où le nom de l’huile de rebut pour faire le savon, l’ òli d’infèr). Pour mettre les olives à presser (li ouliva) il y a des sacs, les petits sacs de fibre, lu espourtin et les sacs de jute , li espagnoulèta. Pour recueillir l’huile il y a les barils , lu cartin e lu barièu, le seau à bec est la bidoula et la louche cylindrique, la cassa. On utilise aussi l’entonnoir, lou tourtairòu, le broc, lou douil, le râteau pour remuer les olives, lou bouledou, le racloir, la rasclèta, la maye à huile est lou cèbe. On utilise aussi la jarra (la jarre), la dourca (la burette à huile), la ceguignòla (la manivelle). Le mécanisme de la vis est lou cariage et le trou d’écoulement est la mourtaira.
Cette liste n’est, bien sûr, pas exhaustive, car il existe un bien plus grand nombre de termes qui traite de ce sujet.
Toutes les catégories d’olives ont bien été répertoriées dans notre langue niçoise : il y a lou caiétié (l’olive de Nice), l’ouliastre (variété sauvage issue des noyaux), lou pignou (fruits allongés), lou blancai (fruits plus ronds), lou blavié (à fruits transpirant le suc), l’araban, lou rousset, lou russan, lou Lucquès, lou Salounènc, l’Espagnòu….
Pour finir cette conférence, je citerai un proverbe niçois « O per davans , on per darrié, lou déficié la vous fa parié ».
Je signalerai aussi que cette culture de l’olive est bien présente dans notre répertoire musical avec la très belle chanson « Toumba l’ouliva «
Enfin, si j’avais un souhait à formuler, c’est que demain nous ayons un label du Comté de Nice (en plus de l’AOP) couvrant les productions de notre Pays Niçois, un label « Produch en Countéa »