Entretien avec…. Olivier Pasquetti

Dans ce site, nous avons pour vocation de promouvoir et défendre notre culture et notre histoire. Une des éléments les plus marquants d’une culture est la langue. Nous avons décidé d’aller à la rencontre d’un de ses défenseurs les plus ardents.

C’est dans un petit bar près du Lycée où il enseigne que j’ai rencontré Olivier Pasquetti. Un certain nombre d’entre vous le connaisse mais il y en beaucoup parmi vous, ardents défenseurs de notre culture nissarde, pour qui ce nom est inconnu. En fait, Olivier Pasquetti fait partie de ces « travailleurs de l’ombre », de ceux qui œuvrent quotidiennement, loin des caméras et autres appareils photographiques médiatiques et qui , patiemment, bâtissent un socle solide pour l’avenir et la pérennité de notre langue.

Olivier Pasquetti (à seneca) mé ¨Patrice Arnaudo

Olivier Pasquetti (à seneca) mé ¨Patrice Arnaudo

 

Robert-Marie MERCIER: Bonjour Olivier, très heureux de vous rencontrer.

Olivier PASQUETTI: Bonjour mais c’est moi qui suis à la fois heureux et surpris que vous m’ayez proposé cette rencontre.

RMM: Tout d’abord, Olivier Pasquetti, qui êtes vous.

OP: Je suis Niçois, né à Nice, d’un père Nissart et d’une mère Sospeloise. J’ai passé toute mon enfance à Nice et y ai fait ma scolarité. Après le lycée, je me suis inscrit à la faculté des Lettres de Nice pour y suivre mes études supérieures afin de devenir professeur de langue régionale.

 

Pihas Garda ! Sièu Nissart
RMM: Que ce terme de « langue régionale » ne me plait pas. Je le trouve un peu réductionniste et ne retransmet pas ce qu’il y a derrière une  » langue enracinée ».

OP: Bien sûr, mais c’est le terme employé dans l’Education Nationale française.

RMM: mais vous avez toujours voulu être professeur de Niçois ?

OP: c’est à partir de la classe de seconde qu’est née ma motivation pour devenir professeur de langue nissarde. Ce sont les professeurs que j’ai connu au Parc Impérial qui assuraient le cours de Niçois. En premier lieu, Madame Sgaravizzi puis, par la suite, Monsieur Dalmasso. ce sont eux qui m’ont donné l’envie de transmettre ma langue. Pour ce faire, il fallait que je me dirige vers une carrière d’enseignant et c’est ainsi qu’en sortant du lycée, je me suis, tout naturellement inscrit à la faculté de Lettres. J’ai d’abord obtenu une licence de langue d’oc qui fut suivie de l’obtention du Capes en 2006.

RMM: Et vous voilà enseignant. Et après ?

OP: Dans un premier temps, j’ai eu un poste de stagiaire, vous vous en doutez et je dus m’exiler loin de Nice. J’ai tout d’abord enseigné à Toulouse avant d’être titulaire, pendant deux années à Gap.

RMM: J’imagine qu’il vous tardait de pouvoir revenir à Nice.

OP: En fait, je suis revenu dans l’académie de Nice en 2009, mais pas dans ma ville ni dans le Comté. J’ai enseigné pendant 4 années de l’autre coté du Var, à Mougins, Cannes et Grasse. Cela dit, je n’étais pas très loin du pays.

RMM: Vous avez fini par y revenir ?

OP: Oui, enfin, en 2013, je suis nommé à Nissa et j’y enseigne aux Lycée Masséna, Lycée Maulnier et Collège Mistral.

RMM: Revenu au pays, la boucle est bouclée et vous avez atteint vos objectifs ?

OP: Pas complètement car, en parallèle, j’ai entamé, en 2008, un Master suivi du Doctorat et je suis en train de finaliser la réalisation de ma thèse (que je vais soutenir très bientôt), une thèse sur Joan Luc Sauvaigo.

RMM: En dehors de votre vie professionnelle, vous vous êtes engagé dans l’action avec l’APLR (Association des Professeurs de Langues Régionales). Parlez nous un peu de cette association.

OP: l’APLR, cette association a été fondée en 1997 par Anne-Marie Sgaravizzi, Steve Betti et bien d’autres. Steve Betti en sera le premier président et passera le flambeau à Patrice Arnaudo en 2002. Cette association va grandir et , personnellement, j’y adhère en 2009 lors de mon retour au pays. En 2011, avec l’accord des anciens, une nouvelle génération dont je fais partie arrive à la direction (Jérémie Marçais, Marc Antoine Orsini et bien d’autres….) Heureusement, nous pouvons nous appuyer sur les anciens tels Patrice Arnaudo, Michel Pallanca, Anne Marie Sgaravizzi, etc.

RMM: Quelle est la finalité de votre association ?

OP: Ce qui nous distingue des autres associations nissardes est que nous sommes une association professionnelle. Et, de ce fait, ayant tous les mêmes problèmes, nous tirons dans le même sens. C’est une grande force pour nous car il faut bien savoir qu’il est assez difficile d’évoluer dans le système de l’Education Nationale qui est un gros bloc monolithique. Et comme notre rôle est de faire passer le message des langues locales enracinées dans ces structures, l’association nous est d’une aide précieuse dans notre tache.

 

RMM: Vous êtes peu visible pour la communauté nissarde au quotidien. A quoi cela est du ?

OP: En effet, un des problèmes les plus importants que nous rencontrons est du au fait qu’il y a peu de mobilisation dans la société civile pour notre culture et notre langue. mais je pense que nous y reviendrons tout à l’heure.

RMM: Quels sont vos buts et vos stratégies ?

OP: Nous agissons selon 3 axes. Le premier est pédagogique ( vis à vis des élèves, entre nous, et par la maintenance d’un lien permanent), le deuxième est administratif ( il nous faut, sans cesse, être présents dans les instances municipales, départementales, régionales et auprès des administrations telles le rectorat ou l’académie), le troisième est communicationnel (relation avec les parents d’élèves, relation avec toutes les associations nissardes, auprès de nos élèves afin de les amener vers la culture : si parmi nos 4000 élèves 200 s’investissent plus tard dans les associations culturelles Nissardes nous aurons déjà fait un grand pas).

RMM: Quels sont vos moyens de communications ?

OP: Au niveau de la communication, nous avons créé, et ce pour une communication interne, une plate-forme numérique d’échanges entre les enseignants de l’APLR (ainsi ils peuvent échanger des informations, des cours, etc.). Nous préparons, à l’heure actuelle, un ouvrage numérique en relation avec le CERL (Centre Européen de Réforme pour les Langues). Nous poursuivrons nos actions médiatiques telles celles menées dans le passé comme les questionnaires auprès des candidats aux différentes élections loco-régionales (nous l’avons déjà fait 2 fois dont la dernière pour les municipales de l’an dernier). Parmi nos projets, des actions communes de plus en plus nombreuses avec les associations nissardes pour les aider à promouvoir notre langue. Il faut absolument multiplier les applications en lenga nouostra.

RMM: Une question me trotte dans la tête depuis un certain temps déjà. Vous n’êtes pas sans savoir Olivier, que au sein de l’Académie Française, il existe depuis longtemps une section du Dictionnaire, chargé de prendre en compte les évolutions de la société et d’adapter (voire de créer) les mots utiles à cette évolution. Ne pense vous pas qu’il serait indispensable, si nous voulons que notre langue continue à être parlée, que nous ayons une structure identique qui nous donne les outils nécessaires pour pouvoir parler du monde moderne dans notre langue ?

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OP: Bien sûr, j’adhère totalement à cette idée de faire évoluer la langue, car une langue qui n’évolue pas va finir par se scléroser et mourir. A cet égard, il nous faudrait assurément avoir une structure de révision de notre dictionnaire permanente pour adapter notre langage à la société… nouvelles technologies, nouveau mode de vie, nouveaux mots.

RMM: Il y a un sujet que je veux absolument aborder. Vous savez que la mouvance nissardophone à Nice est très réticente quand on parle d’Occitan. Certains le sont par ignorance ou enfermement dommageable. Un grand nombre, qui sait bien que notre langue niçoise fait partie des ces langues d’oc, de cette famille de langues romanes, est réticent vis à vis de l’occitan. Pour beaucoup d’entre nous, l’Occitan en tant que tel, n’existe pas. Que pouvez vous nous dire à ce sujet ?

OP: Je sais et perçois tous les jours cette défiance vis à vis de l’occitan. Est ce que l’Occitan en tant que tel existe ? Cela entrainerai, assurément, un débat très vaste, sûrement trop long à développer ici et qui pourrait même être le sujet d’un colloque. Vous avez raison de souligner que notre langue niçoise fait partie de l’ensemble des langues d’oc. Je dirai que ce terme occitan est très employé car c’est celui qui a été adopté par l’Education Nationale française et que nous, professeurs, nous devons faire avec. Pour essayer de dégager quelque chose de positif à tout cela, je pense que ce « regroupement sémantique » sous le terme d’occitan de toutes les langues du sud, a plutôt été un bien car il a apporté le nombre dans notre combat pour faire reconnaitre nos langues. Dans une société qui privilégie le quantitatif au qualitatif, cela a été un atout. En revanche, quand certains utilisent cela pour en faire un combat politique ( je veux parler de l’Occitanisme) il est nous parait évident que nous ne pouvons les suivre sur ce terrain là. Pour résumer je dirais que nous pensons que le combat commun pour la défense de toutes les langues d’oc est un plus mais qu’il faut bien distinguer entre cet Occitan culturel et l’Occitan politique qui est de l’ordre du pantai (avec des idées peu claires derrière la tête). Autant je suis partisan du premier autant je rejette le second.

RMM: Vous nous avez dit qu’il n’y avait pas assez de mobilisation autour de notre culture de notre langue dans la société civile. Etes vous prêts, vous professeurs de l’APLR, à venir sur le terrain des association nissardes qui font de gros efforts en ce sens ?

OP: C’est vrai, j’ai dit qu’il n’y avait pas assez de mobilisation, mais nous en sommes, nous aussi, en partie responsable. Je pense sincèrement qu’il ne faut pas que les professeurs de niçois restent dans une tour d’ivoire que serait l’APLR. Nous devons aller dans la société civile, nous devons répondre présent quand nous sommes invités par les associations niçoises, nous avons, nous aussi, quasiment une mission à remplir dans cette défense de notre culture.

RMM: Je vais donc vous prendre au mot, Olivier…vous savez que notre association « Racines du pays Niçois » (Raïs dou Païs Nissart) organise la « Festa de la Countéa de Nissa – Païs Gavouòt e Nissart » chaque année. la prochaine édition aura lieu le samedi 25 juillet 2015 à Clans et je vous offre un stand pour l’APLR au milieu de toutes les associations Nissardes qui seront présentes. Vous serez les bienvenus à cette grande fête du milieu de l’été qui réunit les Niçois et leurs amis. Permettez moi de vous remercier de m’avoir accordé cet entretien que nos lecteurs attendaient.

OP: C’est moi qui vous remercie et vous dit: à bientôt !

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