Le Comté de Nice et la Maison de Savoie dans l’Histoire…

Lors de la Festa de la Countèa de Nissa, j’ai été amené à faire une conférence sur notre pays.

Je vous livre tout le texte de cette conférence in-extenso :

La Countéa de Nissa

 

« En préambule, je tiens à préciser que je ne suis pas un historien professionnel mais un amateur éclairé qui a passé beaucoup de temps le nez dans ses livres à faire des recherches sur l’histoire de notre pays.

Bouònjou en toui, ne vous étonnez pas, aigues pas pau !

Je suis un des derniers vieux indiens de la Countéa de Nissa, de génération en génération mes aïeux se sont transmis des histoires et des légendes de mon pays. D’autres, je les entendues, racontées par les anciens lors de veillées entre amis dans le quartier ou les cabanes en hauts de nos vallées. Dans ces maisons où nous partagions une soupe au pistou avec les voisins, les soirs d’été sous la tonnelle, du temps où l’on éteignait la « radio à l’œil vert » pour échapper à la causerie d’un « beau parleur » de Paris et où la télé n’avait pas encore conquis les foyers et les esprits. Nous vivions dans une sorte de paradis sur terre, qui, bien sûr, ne put échapper aux grands malheurs des guerres. Un jour, j’ai voulu savoir si ces histoires et légendes avaient un fond de vérité, alors, moi, qui n’avait pas vraiment poursuivi des études et qui savait tout juste lire et écrire, j’ai voulu apprendre et je me suis mis à étudier et à lire. À faire cet effort si réconfortant, si réjouissant et si satisfaisant de me réapproprier ma culture, la culture de mes ancêtres, celle dont on m’avait spolié. Je fais encore parti de cette dernière génération qui aura connu quelques rares coins de campagne encore préservés dans les vallons et les collines de Nice. Les dernières vaches à Rimiez, les chèvres au-dessous de Gaieté, et tout un tas de sources qui jaillissait des collines de Cimiez ou de Gorbella. Les grands vols de lucioles qui, remontant des vallons, éclairaient les crépuscules de juillet. J’aurai vu aussi les dernières moissons de blé, sur le plateau d’Auron, à Saint Dalmas le Selvage ou au Pras, la dernière pomme de terre que l’on arrachait des parcs de Bouseyas au moment où mûrissaient les Merises. Les dernières livraisons de lait dans les grands bidons qu’emportaient les derniers cars de la SAP vers Nice et la laiterie Otto Bruc.
Comment expliquer la fascination de nos anciens et des premiers voyageurs pour cette ville, et son pays ? Comment expliquer que nous ayons laissé détruire un bout de paradis sur la planète, avant d’entamer la destruction de la planète elle-même ?
Les jeunes générations, élevées à l’ère du béton et de l’imagination numérique, voire des idéologies consuméristes, n’auront rien à regretter car elles sont incapables d’imaginer l’environnement que nous avons gâché et le trésor que nous avons perdu . Sachez que nous n’avons pas été battus, dans cette nouvelle bataille par une armée mieux équipée et mieux préparée que nous. Nous avons été vaincus par la guerre économique que nous avons subi au prétexte que l’on ne peut s’opposer et résister à l’inéluctable progrès (la spéculation immobilière et foncière découlant de l’industrie touristique) ou à son corollaire, la modernité. Aussi, hélas, peut-être, par l’admiration malsaine dont les gens d’ici ont fait preuve pour les «valeurs » de notre ennemi.
L’empire romain, celui qui nous a laissé comme un avertissement les traces des ruines de Cemenelum et du trophée d’Auguste, s’est bel et bien écroulé,200px-Thermes_romains_de_Cimiez-150x150 aloura pouden pantailha, si l’empire des « Morgan & Stanley », celui de « Wall Street et de la BCE » s’écroulait, lui aussi, bientôt, pourquoi ne pourrions-nous pas réfléchir à envisager le réaménagent d’une autre ville qui ne serait pas un enfer urbain, comme aujourd’hui, mais à nouveau un jardin où il fait bon vivre ? Dans le même esprit, pourquoi ne pas envisager d’inverser la courbe de surpopulation de cette ville avec un nouvel aménagement du territoire de la Countèa de Nissa en relançant les économies de montagne qui ont perduré pendant des siècles et que l’on a sacrifiées au culte de la mono-industrie touristique des sports d’hiver ?
Alors, je vais essayer de vous raconter, ce pays, mon pays, mais aussi le vôtre parce que d’où que l’on vienne, il se passe quelque chose au plus profond de nous-mêmes. Le vent qui descend des montagnes a pris le parfum des massifs de rhododendron puis s’est mélangé aux odeurs de bourgeons de mélèze ou de pin sylvestre, chargé de l’écume des torrents qui dévalent les pentes, il arrive enfin à la mer qui lui envoie les effluves d’iode de ses embruns.
Et quand on respire cet air-là, même, il est propice à la réflexion et à la pensée comme disait Fréderic Nietzsche en parcourant les chemins d’Eze ou la colline du Castèu..
Notre histoire depuis le début est sujette à d’énormes falsifications mise en place par la France qui a toujours lorgné ce territoire. Il fallait créer un roman, une fable historique pour nous laisser croire que nous étions français. Du type : « Nos ancêtres les Gaulois, Vercingétorix, puis Clovis et le Vase de Soisson, etc….

Commençons par le préambule…

Les ancêtres des Ligures n’avaient pas d’écriture, mais ils savaient raconter des histoires en les gravant sur des rochers, et les alentours du mont Bégo (Vallée des merveilles) en sont la preuve. Il a été dénombré plus de 40 000 gravures sur l’ensemble du site dont au moins 35 000 pétroglyphes pré-protohistoriques. Elles sont gravées sur plus de 4 000 pierres ou « dalles ». Parfois associées entre elles, parfois seules, une étude statistique est en cours pour essayer de comprendre si les agencements sont fortuits ou si certaines séquences se répètent. Dans ce dernier cas nous serions peut-être en présence d’une sorte de code de communication, de pré-écriture. On distingue cinq catégories de gravures : les corniformes, les armes et outils, les figures anthropomorphes, les figures géométriques et pour finir les figures non représentatives. Certaines représentations sont très fréquentes comme les corniformes, les poignards… d’autres sont uniques comme la gravure dite « du Sorcier ». On peut donc estimer que les hommes ont gravé sur les roches du mont Bego sur une période comprise entre 2000 et 1000  ans avant J.-C, il y a donc plus de 4000 ans. « La plupart des gravures piquetées de la région du mont Bego daterait de l’âge du Bronze ancien et aurait été exécuté entre 1800 et 1500 avant notre ère » Henry de Lumley (Institut de Paléontologie Humaine de Paris).
Il est certain que la civilisation du Bégo fut une des premières sociétés agro-pastorale établie dans la Countéa qui possédait l’art de réaliser des machines agricoles outillées tirées par des équipages de bœufs. Et les règles de répartitions des terres, et des ressources qu’ils établirent subsisteront encore durant plusieurs siècles.

Quelques propos sur l’Antiquité…

Nice, la ville fut fondée par les Grecs au troisième Siècle avant JC qui établissaient des comptoirs ou des escales le long des côtes méditerranéennes. Certes mais avant les Grecs, les Ligures occupaient déjà le terrain construisant des cabanes de branches aux milieux d’enceintes fortifiés que l’on appelle Castellaras dont il reste des traces justement sur le point le plus haut de Cemenelum, la colline du Monastère, mais aussi beaucoup plus loin jusqu’à Sospel et Fontan-Saorge(et même en Provence vers le plateau de Caussols).
La vie des établissement Grecs était entièrement conditionnée par les dispositions des habitants à l’égard des nouveaux venus. Faute de connaître assez les indigènes, on s’est fait durant longtemps une idée fausse des colonies Marseillaises de Provence (nom donnés aux comptoir Grecs). La côte entre Marseille et Gènes était le refuge d’une ethnie distincte, nettement séparée des Gaulois et par ses mœurs et par sa langue et qui devait résister longtemps aux influences voisines. Strabon (64 avantJC-21 après JC) distingue des Salyens et des Ligures, en leur donnant le Var pour frontière. D’autres passages montre que par cette distinction, il veut seulement indiquer que le pays entre le Var et la Macra étant resté exclusivement ligure, les Tribus à l’Ouest du Var s’étaient au contraire, peu à peu abâtardies au contact des Gaulois, jusqu’à mériter le nom de Celto-Ligures que voulaient leur donner les géographes de la nouvelle école (les Celtes ne sont arrivés, dans le Pays Niçois, qu’en 400 avant notre ère dans la Roya et se sont mélangés aux Ligures en un siècle, vers 300 avant notre ère, ce qui fait qu’il y eut aussi des Celto-Ligures sur notre territoire: ils allaient jusqu’en Ligurie actuelle ou l’on trouve des pierres levées et aussi le plateau des druides à Baiardo). Dion Cassius (155-235) cite les Ligures Chevelus comme ayant résistés aux Romains jusqu’en 23 avant JC. Pline (les tribus ligures furent définitivement vaincu en 13 avant notre ère) : « Ligurum celeberrimi ultra Alpes Salluvii, Deciates, Oxybii. » Les Ligures Chevelus habitaient la région de Monaco avec pour limite le Var à l’Ouest et à l’Est le pays des Ingauni dont la capitale était Albenga. Les Oxybiens et les Déciates étaient respectivement campés les premiers, entre l’Argens et Antibes, les autres entre Antibes et le Var. Les Salyens avaient eux comme territoire entre Marseille et l’Argens. Tous les auteurs anciens, Diodore, Strabon, Tite-Live, Polybe ont vanté les qualités des Ligures. Ils étaient de petite tailles ; ils habitaient la montagne, où ils avaient conservé une vie assez primitive. Ils étaient surtout pasteurs et bûcherons, vivant des produits de leur troupeaux et de la chasse. Ils cultivaient peu les plaines, mais préféraient avoir leurs champs prés de leur Oppida des sommets ; le sol y était très peu productifs et difficile à défoncer avec les instruments grossiers dont ils disposaient. Cette vie pénible avait fait d’eux une race résistante, tout à la fois maigre, souple, agile et très robuste. Diodore et Strabon ont vanté l’énergie des femmes. Les hommes faisaient des soldats d’élites, armées à la légère, ils se déplaçaient rapidement, harcelant l’ennemi, montrant beaucoup de hardiesse dans le combat. Certains étaient Marins et se déplaçaient par tout temps dans d’étroites barques, n’hésitant pas à attaquer les navires marchands . Une tradition remontant à l’Antiquité veut que le nom de Nikaia ait été donné à l’implantation, à la suite d’une victoire militaire des Massaliètes sur les Ligures, jusque-là seuls habitants de ces régions (Nikaia signifiant, en grec, « celle par qui est arrivée la victoire »). Cependant, le toponyme Nice/Nis/Nic… est assez répandu entre l’Italie et l’Espagne et ne semble avoir aucun lien avec la déesse grecque Niké1. Aucune source ne fait état d’une bataille entre Grecs et Ligures à l’origine de la fondation de Nikaia.
Au début du IIe siècle av. J.-C., les peuples ligures de la région, les Déceates et les Oxybiens, lancent des attaques répétées contre Antipolis et Nikaïa. Les Grecs de Marseille, font appel à Rome, comme ils l’avaient déjà fait quelques années plus tôt contre la fédération des Salyens (premières attaques des Romains en – 237). En -154 av. J.-C. le consul Quintus Opimius défait les Déceates et les Oxybiens et prend Aegythna, oppidum des Décéates. Les territoire « conquis » par les Romains sur les populations indigènes sont donnés aux Phocéens et administrés par l’intermédiaire de ses implantations, Antipolis et Nikaïa.
La pacification ne se fit pas sans excès 12 ans de guerre d’extermination entre 25 et 13 avant JC. En cas de résistance les opidias et les grottes fortifiées où s’étaient réfugiés les populations furent incendiés ou enfumées. Les quelques chroniques de l’époque racontent que des groupes entiers préféraient se jeter du haut des falaises plutôt que de se rendre ou se soumettre, d’autres se livrèrent au meurtre de leur propre lignée plutôt que de voir les membres de celle-ci tomber vivant entre les mains des Romains. Ainsi, au cours de quatre batailles principales (25, 16 14 et 14 av. JC), Octave Auguste et ses généraux soumettent ces peuplades rebelles, achevant l’unification du vaste Empire romain, instaurant ainsi la Pax Romana. A partir de ces nouvelles régions pacifiées, Auguste crée la province des Alpes-Maritimes, ayant pour capitale Cemenelum (Cimiez à Nice).
Pour célébrer ces victoires l’Empire Romain et le Sénat de Rome édifient à la Turbie le Trophée d’Auguste au point culminant de la nouvelle voie Julia. Sa construction s’achève en –7/-6 avant Jésus-Christ. L’édifice, qui porte la marque des ouvrages impériaux, a certainement été conçu par un disciple de Vitruve, célèbre architecte romain. Remarque : A l’origine, le « trophée » fait partie du rite guerrier romain. Il est constitué des armes du vaincu accrochées à un arbre à la façon d’un mannequin. Le vainqueur l’offre aux dieux qui lui ont permis la victoire. Vous pouvez d’ailleurs admirer deux représentations de ces trophées de chaque côté de la dédicace à Auguste. Le texte initial de la dédicace à Auguste, gravée sur les plaques du mur ouest, reprend les noms de toutes les peuplades vaincues. Suivant la lecture que l’on fait de l’inscription, on peut voir les noms de 44 à 49 peuplades. Elles travailleront d’ailleurs comme esclaves à la construction du Trophée. Les Romains proprement dit n’occuperont que la façade littorale pour sécuriser la Voie Julia, en fait ils confieront le reste du pays , haut et moyen, aux natifs « romanisés ». Mais Rome n’avait plus rien à craindre et les Ligures respecteront leur engagement. Ils comprenaient que leur (relatif) petit îlot de résistance alpin au sein d’un Empire grandissant, n’avait plus de raison d’être. Mieux même, ils chercheront à tirer profit de la collaboration qui s’établit entre les deux peuples en s’engageant notamment, dans les armées romaine. La réputation du guerrier ligure n’était plus à faire et depuis des siècles, les légionnaires l’avaient appris à leur dépend (guerres italiques, puniques, ligures,….). Incomparables fantassins, pas cavaliers mais très bons tirailleurs, « leurs hoplites et gens de traits sont excellents » (Strabon). « Contrairement aux Gaulois, le guerrier ligure était digne de confiance et savait faire preuve d’initiative. On se disputait leur concours » (Salluste). En raison de la pression démographique et des difficultés rencontrées par les familles pour nourrir tous leurs membres à partir d’un sol des plus ingrats, le mercenariat devient une activité propice à augmenter les possibilités d’emploi dans les vallées alpestres et apennines. Les Romains en tirent très vite les conséquences et remplacent la légion stationnant à Cimiez par une seule cohorte d’auxiliaires ligures de 500 hommes à laquelle est associée une autre cohorte nautarum (de marins) rattachée à Fréjus mais basée à Nice, pour la surveillance de la zone côtière. Les anciens pirates ligures ont trouvé là matière à reconversion ! Il est probable aussi, que les centuries de Briançonnet et de Glandèves « s’indigénisent » assez vite avant de disparaître. Mais si les débouchés pour les besoins locaux semblent limités, il faut savoir que de nombreux auxiliaires seront recrutés pour les théâtres d’opération extérieurs à partir de la région et incorporés au sein de cohortes ou de légions:  ce sont les fameuses cohortes dites pérégrines (terme qui donnera naissance à celui de pèlerin). En particulier, au moins quatre cohortes seront ainsi formées pour aller combattre en Africa ou en Mauretania contre les Berbères, toujours prompts à se soulever.  Sous Caracalla, la pleine citoyenneté romaine est étendue à tous les provinciaux libres. Les Bérétins, chanencs ou pennois deviennent donc des « Romains » mais en fait, cela ne modifiait en rien leurs dures conditions de vie. Pour l’anecdote, la possibilité de porter trois noms leur est ainsi offerte : un prénom, un nom de famille ou gentilice (souvent celui de leur bienfaiteur ou protecteur) et un surnom ou « cognomen » (souvent le plus utilisé et le seul passant à la postérité). Un des plus célèbre ligure fut « Pertinax » Publius Helvius Pertinax (latin : Imperator Caesar Publius Helvius Pertinax Augustus), né le 1er août 126 à Alba (Piémont) et assassiné le 28 mars 193,c’est un empereur romain, qui régna de janvier à mars 193, à qui l’on doit cette citation : « J’aime mieux gouverner avec équité une république pauvre que d’acquérir des richesses par des voies tyranniques et déshonorantes ».
La terre, l’eau, la végétation, les pierres et les rochers, nous révèlent peut-être mieux que la mémoire et même les ouvrages, une sorte de passé peut-être inscrit au plus profond de nous-mêmes,  de notre ADN ou notre hérédité. C’est peut-être de ce temps-là que remonte notre ressentiment contre Marseille. Toujours est-il que notre lointain passé Ligure est largement passé sous silence car il nous rapprocherait d’une certaine Italianité.
A la fin de l’empire Romain, s’écoule une période trouble d’invasion, seul  le Trésor de Cimiez, permet de faire quelques hypothèses. Le trésor de la compagnie de l’eau aurait été mis au jour le 7 Janvier 1883, sur la propriété des Garin de Coconato, (Parc des Arènes de Cimiez) lors de travaux réalisé pour la construction du canal de Nice. Ce petit pécule contient des monnaies émises de Gordien III (238-239) à Salonin Monnaie de Milan (émise au milieu de l’année 259). Le trésor de la compagnie de l’eau aurait été constitué après 259. Mais on y trouve aussi des monnaies frappées par Antenor et les Mérovingiens de Marseille. Ce qui aurait tendance à prouver que même détruite par l’invasion des Lombards vers 574-575, le site de Cemenelum et la colline de Cimiez ne furent pas abandonné.
-617 : Nice adhère à la Ligue Génoise, pacte fédéral liant toutes les villes du golfe ligurique (golfe de Gênes) contre les rois de Lombardie. Selon l’antique usage du municipe, chaque cité formait comme une sorte de République, s’administrait elle-même et pourvoyait à sa défense comme à sa subsistance.
736-737 Charles Martel mène une expédition militaire contre les Provençaux rebelles aux Francs. Il s’allie aux Lombards et les provençaux s’allient eux aux Sarrasins. Les populations elles paieront un lourd tribu à chaque camp, et les massacres seront nombreux comme en Aquitaine.
759 : Sous l’égide de Thibaud, neveu de Charles Martel, la ville de Nice obtient trois Syndics pour son administration civile et un podestat pour son administration judiciaire ; elle conserve son ancien municipe, élit son Conseil et ses magistrats, rend la justice, vote les impôts par corps de cité et non par capitation. Elle ne relève d’aucun seigneur particulier et ne peut être aliéné du domaine royal. Les trois Syndics représentent les nobles, les marchands et les artisans.
813 Une razzia Sarrasine ravage Nice.

Rareté des documents pendant cinq siècles…

Victime des incursions sarrasines, le littoral perd ses habitants qui choisissent des sites quasi inaccessibles de l’arrière-pays où ils vivent dans les mêmes conditions que les Ligures avant l’arrivée des Romains. Entre 663 et 999, on ne retrouve aucun nom d’évêque à Nice ; aux IXe et Xe siècles, rien ne permet d’affirmer (ou de nier) la présence d’habitants sur le site de l’ancienne ville grecque. A la fin du IXe siècle, la situation s’aggrave car les Sarrasins s’installent dans le massif des Maures, au-dessus du golfe de Saint-Tropez (forteresse de la Garde-Freinet). De cette base, ils se livrent à des incursions dans la Provence. Selon la légende, en plus des invasions, le pays aurait connu un grand séisme, qui aurait déclenché d’important glissements de terrains dans les vallées, coupant ainsi une partie des populations. Interrompant les chroniques tenues par le clergé. Ainsi pour l’évêché de Glandèves, après les quatre premiers évêque, jusqu’au fin du VIe siècle, la liste des évêques du diocèse de Glandèves (situé en amont d’Entrevaux) comporte un vide qui dure jusqu’en 991, année à laquelle apparaît un Guigo ou Guigues. L’évêché de Glandèves comprenait le Val d’Entraunes, l’ancienne viguerie de Guillaumes, à l’est la rive droite du Cians, à l’ouest les vallées du Coulomp et de la Vaïre, au sud il englobait les communes des vallées de la Gironde et de l’Estéron jusqu’au Var.
-999 : L’un des tout premiers documents de l’Histoire de Nice indique que Milon (ou Miron) et Odile sont podestats de la ville, cette dernière se qualifie de « vicomtesse de Nice ».
-1012 : Odile et Milon gouvernent Nice, mais la cité est devenue municipe ; elle nomme ses magistrats et dispose de la liberté de juridiction.
-1075 : la société niçoise s’organise en Commune ; deux autres pouvoirs émergent après le déclin de l’autorité des podestats de la ville, ceux de l’évêque et du monastère de Saint-Pons.
-1108: Nice proclame son indépendance. Le Municipe est définitivement établi, la ville nomme ses magistrats et dispose de la souveraineté.
1117-1152 : Les évêques de Nice perdent peu à peu leur pouvoir temporel au profit de la commune ; dès 1144 les consuls de Nice exercent le pouvoir. En 1150, Nice, qui s’est allié avec Gênes, proclame de nouveau son indépendance.
Quand nous disons que Nice n’a jamais fait partie de la Provence, nous entendons dire qu’elle n’a jamais été considérée comme en faisant partie intégrante, et que même au temps où elle était réduite par la force des armes sous l’obéissance des Comtes de Provence, elle conserva son autonomie.
La commune de Nice prit évidemment naissance au moment de la dissolution de l’empire de Charlemagne. A peine la commune exista-t-elle, que le génie naturel des habitants, la voix du sang, si l’on peut parler ainsi, se fit entendre au cœur du peuple, et Nice s’unit à Gènes. Elle eut les mêmes lois.   Datta dans son récent travail sur les libertés de la commune de Nice, dit « qu’on ne sait si Nice a emprunté ses lois à Gènes, ou, si c’est Gènes qui les a empruntés à Nice, ou plutôt si les Conseils des deux communes ne se sont pas entendu pour adopter la même législation. » Le citoyen qui transportait sa demeure à Gènes n’était pas considéré comme absent. Les objets demeurés invendus dans les encans publics étaient expédiés à Gènes. Les monnaies étaient les mêmes. Les rapports commerciaux et civils étaient continuels. À cette époque commençait le pouvoir des Comtes de Provence, établis sur la rive droite du Var. Nice constituée en République chercha son point d’appui à Gènes, plutôt qu’en Provence, chez un peuple d’origine commune. C’est ce qu’il résulte de sa législation même.
En 1162 l’empereur Frédéric Barberousse investit Béranger dit le jeune, du Comté de Provence. Celui-ci convoqua à Aix les feudataires, les gouverneurs et les consuls des villes soumises à sa domination. Béranger suivant la politique de son maître, ennemi acharné des républiques italiennes, convoqua aussi les magistrats de Nice. Les Niçois refusèrent d’obéir, et Nostradamus nous apprend que le refus de ces fiers républicains fut formulé avec arrogance. « En 1664, Béranger envoya des ambassadeurs signifier aux magistrats de Nice, qu’il prétendait exiger d’eux foi et hommage. Mais ces citoyens pleins d’amour pour la liberté dont ils avaient arboré la bannière répondirent : « que depuis plusieurs siècles leur ville était libre, qu’elle ne dépendait nullement des Comtes de Provence, et ne reconnaissait d’autre souverain que l’empereur ». Cette réponse décida Béranger à la guerre ; mais sachant qu’il avait à faire à une population belliqueuse et à une ville fortifiée, il mit deux ans à se préparer et en 1166 il investit la ville de Nice avec une nombreuse armée. « La place réduite aux abois ne pouvait plus résister ; mais tous les citoyens jurèrent de s’ensevelir sous les ruines de la ville ! Les troupes provençales escaladèrent les remparts, ayant le Comte à leur tête ; « ce prince, emporté par son désir de vengeance, s’avança imprudemment au plus fort de la mêlée ; bientôt percé par une flèche, il tomba noyé dans son sang au pied de ces mêmes murailles qu’il avait juré de détruire. Au bruit de sa mort, l’épouvante se mit parmi les assaillants : repoussé de tout côté, ils levèrent le siège en toute hâte, se sauvèrent au-delà du Var, abandonnant presque tous leurs bagages. C’est ainsi que cette victoire inespérée sauva la ville de Nice d’un grand désastre et rétablit dans toute sa force le gouvernement républicain et l’autorité consulaire. »
Mai 1176 : Le roi Alphonse Ier d’Aragon (cousin de Raimond Béranger), aidé par les Grimaldi de Gênes et de Monaco, se porte vers Nice et encercle la ville par terre et par mer. Les Niçois sont contraints de négocier mais refusent d’ouvrir les portes de la ville. Alphonse d’Aragon est contraint de confirmer tous les droits et privilèges des Niçois en ces termes : « Nous leur accordons et confirmons le consulat avec toutes ses justices et sentences tant des causes criminelles que pécuniaires et civiles ; le pouvoir perpétuel d’élire leurs Consuls et magistrats ; nous leurs confirmons les coutumes, us, privilèges qu’ils ont eu et qu’ils auront ; en même temps ceux que possède ou peut posséder ladite université ou quelqu’un des citoyens de ladite Ville de Nice. » ; la générosité n’étant pas gratuite en politique, les Niçois versèrent en compensation 25 000 sous melgoliens et en promirent plus deux mille autres, durant dix ans, jusqu’à que la paix soit rétablie, ils ne seront plus tenus de fournir des hommes pour la guerre. Cette charte capitale est aujourd’hui conservée aux archives municipales de Nice.
-1177 : Les Niçois concluent une alliance avec Pise.
-1205 : Les consuls de Nice rédigent et promulguent les Statuts de la ville déclinés en 228 articles.
-1210 : Pierre d’Aragon (frère du défunt Alphonse) se rend à Nice et confirme le traité de 1176.
-1215 : Les Niçois, conduits par le premier consul Miron Badat, rejettent de nouveau le comte de Provence (rejectis etiam comitibus provinciae), rétablissent le gouvernement consulaire plein et entier et proclament de nouveau l’indépendance de la cité.
-1216 : Les seigneurs prêtent fidélité au comte de Provence ; Nice n’envoie pas de députation.
-1246 : En la chapelle Saint-Lambert, « noble homme Salmon », juge et viguier de Nice remet aux Consuls les lettres patentes de Charles d’Anjou et Béatrix de Provence par lesquelles ils renouvellent le Traité de 1176. Profitant du départ du comte de Provence pour la croisade, les Niçois se révoltent, refusent sa suzeraineté et rétablissent le gouvernement consulaire.
-1353 : Les Niçois établissent leurs statuts qu’ils font approuver à titre perpétuel et inaliénable par la reine Jeanne. En outre, elle s’engage à ne plus faire aucune aliénation sans le consentement des communes. Enfin elle accorde aux communes le droit de se défendre et de repousser la force par la force « impune defendere ».

lou drapèu nissart
-1367 : La reine Jeanne confirme les droits et privilèges de Nice.
De fait Nice est une citée république libre et elle met toute son énergie à le rester. Elle inspire de nombreuses communes de l’arrière-pays qui malgré une féodalité encore présente rachète privilèges et franchises aux derniers petits seigneurs. Il est à noter que le servage proprement dit a disparu depuis le XIème Siècle.
Après le décès de Louis d’Anjou en 1384 et l’assassinat de Charles de Duras roi de Sicile et de Hongrie en 1386, les tuteurs de leurs héritiers se disputèrent la Provence ; les Niçois avaient choisi Ladislas de Duras, car son père leur avait conservé toutes les franchises municipales. En 1388, la Maison d’Anjou, branche cadette de la Maison de France, envoya une puissante armée commandée par le sénéchal de Marles pour réduire Nice. Mais Ladislas et sa tutrice la reine Marguerite, assiégés dans Gaète, ne pouvaient protéger Nice des Angevins. Marguerite donc donna l’autorisation aux émissaires niçois de traiter selon leurs souhaits. Le comte de Beuil, gouverneur de Nice, après l’avis du grand Conseil, négocia avec le comte de Savoie. L’armée angevine campait déjà devant Saint-Paul de Vence, quand le Comte de Savoie (le Comte Rouge) arrivant par les cols, établit son camp à Saint-Pons. Une assemblée plénière des habitants fut convoquée, et après avoir délibéré “a tiertia usque ad vesperas” (de la 3ème heure jusqu’aux vêpres) les Niçois décidèrent de traiter avec le comte de Savoie. Savoia, savoia, Clans sèmpre fedel
L’accord de « Protectorat » passé avec la Maison de Savoie est connu sous la dénomination de Dédition.
Leurs délégués se rendirent à Saint-Pons et établirent avec le nouvel allié une charte déclinée en 34 articles. En échange de sa protection, les Niçois accordaient un protectorat conditionnel au Comte de Savoie. La charte était signée pour trois ans, pour le cas où le roi Ladislas aurait la possibilité de revenir aider militairement Nice ; passé ce délai, la charte de dédition serait renouvelée. Les principaux articles de la charte indiquent que jamais le comte ni ses successeurs ne pourraient céder Nice à quiconque et encore moins au roi de France ou à la Maison d’Anjou ; que Nice conserverait ses franchises et privilèges, qu’elle en obtiendrait de nouveaux, que sa place forte ne pourrait être livrée qu’avec l’accord de ses chefs militaires, que divers privilèges juridiques régaliens lui seraient conservés, ainsi que diverses autres dispositions garantissant les droits des Niçois. Il était précisé qu’en cas de violation de la charte, les Niçois pourraient se révolter sans être taxés de rebelles. La Charte fut renouvelée trois ans plus tard, et Nice demeura liée volontairement aux chefs de la Maison de Savoie jusqu’en 1860. La dédition n’eut donc pas pour objet de fonder un “comté de Nice” ; aucun article ne fait mention d’une telle volonté, ni même ne décline ce terme (Les « terres Neuves de Provence » deviendront le « Comté de Nice » en 1526) . Plus tard les « Savoie » employèrent cette appellation d’honneur dans leurs titulatures, sans qu’aucune lettre patente officielle ne légalise l’érection du Pays de Nice en “comté”, formalité impérative en droit féodal (en fait, il n’y eut jamais de Comte de Nice, le Comté était une entité 1° Festa de la Countèa de Nissaadministrative comme le Canton en Suisse ou les Comtat Vénaissin en Vaucluse). L’identité niçoise existait depuis longtemps et la République consulaire niçoise de 1108 avait établi les statuts de la ville: celle-ci se gouvernait elle-même et passait des traités. La dédition à la Savoie n’eut que deux objets : échapper à la domination de la Maison d’Anjou, au roi de France et à tout autre féodal, tout en conservant et augmentant les franchises et libertés des Niçois.
-1436 : Entre les factions rivales, les Caïs (qui désirent l’inféodation à la Provence) et les Grimaldi (fidèles à la Savoie), l’instabilité politique s’installe à Nice. Le gouverneur Nicod de Menthon, trop autoritaire, est détesté ; Jeanne Verani, femme du peuple, sonne le tocsin avec la cloche du couvent des Carmélites et les Niçois se soulèvent.
-1437 : Le gouverneur de Nice réduit la révolte. 41 condamnations à mort dont 26 par contumace sont prononcées. 45 citoyens sont condamnés à diverses peines. Les libertés communales sont suspendues et les archives de la ville confisquées, en particuliers le « Livre Rouge » où sont inscrit tous les privilèges de Nice.
-1438 : Les privilèges communaux sont rétablis en faveur de Nice contre le paiement d’une forte amende de 6 000 florins. Les archives municipales sont restituées.
-1440 : Le duc de Savoie rend le « Livre Rouge » aux Niçois.
-1481 : Louis d’Anjou lègue ses droits sur la Provence à Louis XI.
-1483 : Le comté de Provence est réuni à la couronne de France et le Var marque désormais la limite du Royaume. Les Etats d’Aix en 1487 déclarent « la Provence réunie pour jamais à la couronne de France ».
Le XV siècle constitue à cet égard une période fort intéressante, car il correspond à la véritable entrée de la région niçoise dans le monde moderne — -entrée manifestée par la création en 1614 d’une cour souveraine, le Sénat de Nice, dont la première tâche sera de mettre fin à l’indépendance excessive manifestée par le comte de Beuil, Annibal Grimaldi, dernier représentant à Nice d’une féodalité disposant d’un pouvoir politique effectif.
Cette constatation d’un constant amoindrissement des libertés locales reviendra sans cesse au cours de notre étude.

 Les institutions municipales…

Le régime municipal niçois, dérivé de l’organisation traditionnelle des communautés provençales, repose sur la distinction des citoyens en quatre classes {classe ou gradi) : nobles, marchands, artisans et laboureurs. Sont considérés comme nobles ceux qui sont tels par naissance, par privilège légal ou par concession du prince et vivent noblement. Les anoblis sont tenus de présenter leurs lettres de noblesse au conseil de ville pour éviter toute discussion. La classe des marchands se compose des bourgeois qui vivent des revenus de leurs biens, tiennent boutique ou exercent la profession de procureur ou de notaire sans pourtant être docteurs en droit. Sont réputés artisans les apothicaires (mais non les chirurgiens, considérés comme marchands), les peintres et sculpteurs, les tailleurs, les savetiers, les tanneurs, les fourreurs, les maçons, les menuisiers, les chaudronniers, etc. La quatrième classe comprend le reste de la population : non seulement les paysans, mais aussi les pêcheurs et les ouvriers agricoles. Il faut noter que cette répartition — dont nous ne chercherons pas ici à savoir dans quelle mesure elle reflète une réalité sociale — n’était pas immuable ; ainsi, le 28 juin 1654, le conseil confirme l’élection de Clément Bonfiglio comme conseiller marchand, bien qu’il ait autrefois siégé comme représentant de la classe des artisans . Le système de nomination des officiers municipaux est réglementé par un rescrit d’Amédée VIII donné le 16 juillet 1435, un rescrit de la duchesse régente Blanche donné le 1er mai 1492, et des règlements pris par la ville elle-même. Pris à la suite de désordres provenant de l’accaparement par les nobles de la majorité des offices, le rescrit d’Amédée VIII consacre la division des citoyens en quatre classes, établit que, selon la coutume jusque-là observée, la ville aura quatre syndics, un assesseur et quarante conseillers qui seront élus annuellement par huit électeurs désignés par le précédent conseil, et devront être citoyens niçois. On élira également chaque année quatre arbitres, quatre « regardateurs », et un trésorier ou « clavaire ». Ce Système est complété en 1492, à la suite de graves émeutes, par la Duchesse Blanche qui règle le régime électoral: Désormais, ce n’est plus le choix des électeurs qui décide, mais le tirage au sort, Per sortes sèu per brevia, non per vocès.
Le mode d’élection en usage au XV° siècle est le suivant : les électeurs des conseillers et des officiers municipaux sont au nombre de huit, deux de chaque classe ; ils sont eux-mêmes élus par les syndics, conseillers et officiers de l’année qui s’achève. Pour cela, le lundi de Pentecôte, on fait des bulletins blancs à l’exception de deux sur lesquels on inscrit le mot « elector ». Le secrétaire les mélange dans un sac puis les fait tirer en commençant par le premier syndic, le premier défenseur des privilèges et les conseillers nobles jusqu’à ce que soient sortis les deux bulletins portant le mot « elector » ; ceux qui les ont tirés seront les électeurs des conseillers et officiers nobles pour l’année suivante. On procède ensuite de même pour désigner les électeurs des trois autres classes. Après avoir juré dans les mains du préfet de procéder honnêtement à l’élection des conseillers et officiers, les électeurs se retirent avec le secrétaire de la ville dans le local des archives et y désignent les syndics, les défenseurs des privilèges, les conseillers, le trésorier, les arbitres et les « regardateurs ». Chacun vote pour deux candidats (sauf pour le trésorier pour lequel on ne désigne qu’un nom) de sa classe ; les bulletins sont déposés dans quatre sacs distincts, un pour chaque classe et le premier nom extrait de chaque sac est celui de l’officier élu.
-1536 : Le trésor français confisque tous les biens des Niçois situés en Provence. En août, le duc de Savoie, accompagné d’un fort parti de Niçois, se rend à Aix ; ces derniers brûlent en place publique tous les titres relatifs aux droits que les anciens comtes de Provence prétendaient avoir sur Nice.
-1538 : Mai-juin. Congrès de Nice où se retrouvèrent le pape Paul III, François Ier et Charles Quint. Le duc de Savoie demande aux Niçois de loger le pape et de recevoir le souverain ; craignant une mainmise étrangère sur la ville, les Niçois refusent, lui rappelant vertement qu’ils sont maîtres chez eux en vertu des dispositions de l’acte de dédition de 1388 ; le duc s’incline.

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Les guerres contre la France…

-1543 : Les Français avec leurs alliés Turcs assiègent Nice. Après une énergique résistance et malgré le célèbre fait d’armes de Catarina Ségurana, la ville-basse se rend le 22 août. Le château Image 27résiste jusqu’à l’arrivée des troupes de Charles-Quint et de Charles III de Savoie. Les assaillants lèvent le siège le 8 septembre.
-1544 : Ayant subi des revers militaires, Charles-Quint abandonne Charles III. La Savoie ainsi que le Piémont occidental sont envahis par François Ier ; le Piémont oriental est sous tutelle espagnole ; il ne reste aux Savoie que Aoste, Asti, Cuneo, Nice, Ivrea et Verceli.
-1557 : 10 août. Le duc Emmanuel-Philibert de Savoie, commandant les troupes de Charles-Quint, écrase les troupes françaises à Saint-Quentin ; les drapeaux pris à l’ennemi sont exposés à Nice
-1559-1560 : Les habitants de Nice sont exempts de l’impôt dit « du tasso », c’est-à-dire de l’impôt foncier direct. On construit le palais Royal (agrandi en 1650) et on installe le premier collège de Nice. Construction du fort du Mont-Alban et de la citadelle de Villefranche, le château de Nice est puissamment fortifié.
-1563 : 7 février. Emmanuel-Philibert fixe sa capitale à Turin.

E l'aigla finda !
-1571 : 7 octobre. Trois galères armées par la Savoie, où servent de nombreux Niçois et Sospellois, participent à la victoire navale de Lépante.

La Sainte Alliance
-1574 : On construit à Nice le palais communal. Les travaux durent six ans.
-1577 : Le duc de Savoie confirme les droits et privilèges des Niçois.
-1579 : Emmanuel-Philibert de Savoie achète le comté de Tende à Henriette du Maine (anciennement apanage des Doria et des Lascaris) et l’intègre au Comté de Nice.
-1612 : 22 janvier. Création du port franc de Nice par Charles-Emmanuel Ier. Un document daté de 1612 est très probablement le premier prospectus publicitaire édité à Nice. Ce document commercial énumère toutes les marchandises que l’on peut trouver à Nice : « Huile d’olives, viande fraîche et salée, vins rouge et blanc, câpres, oranges, citrons, amandes, eau de fleurs, essence de citron, marjolaine, anchois, fostet, bois de construction, marbre, térébenthine, gomme, résine, safran, colle, cire blanche, savon… » Certains de ces produits étaient rares et très appréciés à l’époque.
-1621 : 8 janvier. Le comte de Beuil, dernier féodal du Comté, qui tente de livrer le Pays de Nice à la France, est exécuté pour haute trahison et ses biens sont confisqués par le duc de Savoie.
-1623 : 10 mars. Le Conseil de Nice, sollicité à cet effet, refuse d’instaurer l’Inquisition.
-1629 : 11 mars. Les troupes de Provence franchissent le Var, commandées par le duc de Guise et le maréchale d’Estrées ; le 14 elles attaquent Nice puis refluent ; Richelieu leur ordonne de tenir les positions. La peste, amenée par l’armée, se déclare dans le Comté qui en outre a subi d’importants dégâts.
-1690: expédition des troupes du roi de France (Louis XIV) qui durera jusqu’en 1695 et aboutira, après un siège long et difficile à la destruction du donjon (sous le quel étaient amassées les réserves de munitions et de poudre).
-1705 : Avril. Les troupes françaises mettent de nouveau le siège devant Nice. Après un Image 01bombardement ayant réuni plus de 200 bouches à feu, le château se rend le 5 janvier 1706 et le Comté est occupé ; la ville est contrainte d’engager l’argenterie des églises pour payer une première indemnité de 15 000 livres. Louis XIV ordonne de détruire entièrement les fortifications du château et ajoute à ses titres celui de comte de Nice.
-1706 : 8 septembre. Les troupes de Louis XIV sont écrasées devant Turin par l’armée Piémontaise commandée par Victor-Amédée II de Savoie et son cousin Eugène de Savoie-Carignan. ( Superga o la mouort)

La basilica de Superga doun soun lu toumbèu de lu nouostre souvran

-1720-1724 : De graves désaccords fiscaux interviennent entre les Niçois et l’intendant Royal Zoppi qui tente d’imposer des mesures violant la charte de dédition. Nice se soulève et l’intendant s’enfuit à Turin ; il est destitué.
-1744 : Guerre de succession d’Autriche. La France avait décidé d’anéantir les troupes piémontaises, considérées comme un danger dans leurs repaires. Louis XV avait déjà tenté d’entrer dans le Piémont, au siège de Cuneo et aux batailles de la Madone de l’Olmo ou de Bassignana, mais sans succès. En 1747, il ordonna donc d’en finir avec le roi Charles-Emmanuel III de Sardaigne. Il manda une armée forte de 150 régiments d’infanterie, 75 escadrons de cavalerie et 2 brigades d’artillerie, sous le commandement de Louis Charles Armand Fouquet de Belle-Isle, chevalier de Belle-Isle, et du marquis de las Minas, lesquels ne réussirent pas à s’entendre sur les priorités : Belle-Isle voulait menacer Turin, l’espagnol préférait viser Gênes. Au début, prévalut le plan de Las Minas, mais les Piémontais bloquèrent les montagnes méridionales et c’est la traversée des Alpes selon l’idée de Belle-Isle qu’affronta un corps d’armée de 50 bataillons d’infanterie, 15 de cavalerie avec de nombreux canons. L’armée se divisa en deux colonnes, l’une progressant vers le Mont-Cenis, pour viser Exilles, l’autre visant Fenestrelle en passant par l’Assietta. Trente deux bataillons français en affrontent 13 piémontais. ( dont des Savoisiens et quelques Nissarts). Les Français tentèrent d’ouvrir une brèche dans les fortifications de l’Assietta, mais leurs divers assauts furent repoussés. De même au Grand Serin les envahisseurs n’avaient pas plus de succès. L’héroïsme du chevalier de Belle-Isle, qui voulut entraîner ses troupes en prenant lui-même un étendard, ne lui apporta que la mort : après un coup de baïonnette, une balle eut raison de lui. La mort de leur commandant n’arrêta pas les Français : le commandant piémontais, le comte de Bricherasio, décida alors d’envoyer 7 bataillons vers le Grand Serin, craignant de ne pouvoir plus tenir l’Assietta longtemps. Il ordonna donc au comte de San Sebastiano1, qui commandait la redoute la plus avancée de la Testa de l’Assietta, de s’en retirer et de rejoindre le Grand Serin. Mais, selon la légende, le comte de San Sebastiano n’obéit pas à cet ordre et résista héroïquement aux assauts sur son poste, décidant ainsi de la victoire, malgré les cinq heures d’assauts répétés des Français. Le lendemain, le décompte des morts était de 5 000 français contre seulement 77 piémontais. Les troupes françaises, défaites, s’en retournèrent en France. L’année suivante, par le Traité d’Aix-la-Chapelle le Piémont obtint les territoires autour du Lac Majeur et du Tessin, parvenant ainsi à l’extension géographique qu’il devait conserver jusqu’en 1860. Nice est occupé par les Français et les Espagnols en 1744, 1747 et 1748. La légende dit qu’une colonne d’Espagnol tentant de rejoindre la France à partir de la Stura,(Col de Fer) en passant par le Col de Pal se perdit dans le brouillard au dessus d’Auron et la plupart chutèrent d’une falaise, là où est située la Croix de la Bercia. Certains survécurent et formèrent une petite colonie d’où les nom de lieux locaux : Las Donas, Las Nabinas, El Rio, et La Cruz de la Bercia.
-1749: Charles-Emmanuel III ordonne de creuser le port Lympia. Les travaux dureront 7 ans. Le roi accorde sa protection à tout étranger désirant s’installer à Nice, pour y travailler.Li pounchut dou Pouort de Nissa
-1792: La France entre en guerre contre l’Autriche et le Piémont. Le 22 septembre la Savoie tombe aux mains des Français ; le 29, les troupes révolutionnaires qui ont envahi le Comté occupent Nice évacuée dans la confusion par les forces royales (commandée par le vieux général de Courten), malgré la résistance des milices niçoises commandée par De Orestis et Michaud. La ville est livrée au pillage par les brigands et les forçats libérés.
-1793: 31 janvier, soit dix jours après l’exécution de Louis XVI, le Comté de Nice est annexé à la France après un semblant de consultation, alors que les forces royales occupent encore une partie du territoire (un tiers seulement des communes a opté pour l’annexion, dans des conditions de légalité on ne peut plus douteuses). Le but avoué est de « libérer » les Niçois, mais le discours du conventionnel Lasource ne laisse aucun doute sur les véritables intentions française « … Plusieurs motifs sollicitent cette réunion : premièrement l’intérêt national : là finissent les Alpes et vous avez voulu, en réunissant la Savoie, mettre cette barrière entre vous et le despote de Turin ; deuxièmement, l’intérêt commercial : il y a à Villefranche, qui n’est qu’à une demie-lieue de Nice, un port très beau, très commode, qui dans la guerre que nous aurons avec l’Angleterre, nous sera infiniment utile. Avec la Sardaigne, la Corse, Villefranche, Marseille et Toulon, nous serons maîtres de la Méditerranée…C’est donc une clef dont il faut se hâter de s’emparer… » L’annexion est un coup de force à peine déguisé. Néanmoins, l’acte officiel français qui sanctionne le fait est d’une importance capitale : « La Convention déclare à l’unanimité qu’elle accepte, au nom du peuple français, le vœux émis par le peuple souverain du ci-devant Comté de Nice, et qu’en conséquence, il fera partie intégrante du territoire de la République ». Ainsi, la Convention Nationale et par voie de conséquences la Ière République française reconnaissent officiellement une double qualité aux Niçois, celle de peuple, et celle de peuple souverain… Un autre fait important est à relever : lors du vote truqué pour l’annexion du Comté à la France, Châteauneuf-de-Contes, Cuébris, et Puget-Théniers, votent Non, et demandent que le Comté de Nice soit érigé en république indépendante.
-1793-1794 : Les troupes royales et les régiments niçois se battent courageusement dans le Comté de Nice contre les envahisseurs français ; néanmoins il est entièrement occupé en mai 1794. La résistance à l’occupant s’organise dans les montagnes et les célèbres « Barbets » infligent des pertes aux troupes françaises. Dans le Comté, la population s’ingénie à ignorer ou à détourner les lois françaises par une résistance passive.poster t shirt
Les témoignages que nous a laissé André Gastaud est révélateur.
Durant la première période française (1792-1814) les populations de la Countéa de Nissa ont été réfractaires à l’introduction d’une nouvelle législation car, en effet, elles possédaient avant l’invasion : des privilèges communaux, des avantages dans la gestion des biens communs et des biens d’usages car la propriété privée n’y était pas prépondérante, mais aussi des structures d’aide sociales aux plus défavorisés efficaces, sans parler de l’exercice des libertés démocratiques, religieuses et philosophiques.
Avec l’arrivée du Corps Expéditionnaire Français ; une grande partie du personnel politico-administratif avaient fui , comme une partie de la population d’ailleurs, et les Français constatèrent sa carence . Les cadres de l’armée française étant surtout requis pour des taches répressives ne suffisant pas à assurer le fonctionnement vital des structures de la société; on fit appel à des éléments extérieurs venus de Grasse, Toulon et Marseille pour suppléer aux besoins. Il faut dire que l’administration coloniale mise en place par Barras et sa « Société des Colons Marseillais » cherchait plus à s’enrichir personnellement avec la complicité du Général Garnier qu’à administrer les affaires courantes de la partie du Comté contrôlée par les troupes d’occupation. Un certain nombre de Niçois qui jusqu’à présent ne participaient pas à la vie de la cité y trouveront leur compte, en profitant de la situation.
Il en est même qui feront carrière bien après la Libération (celle de 1814) ; mais étonnamment l’histoire se répète parfois.

Le cas d’André Gastaud est significatif…

Ce représentant de la petite bourgeoisie a commencé sa carrière dès l’irruption des troupes françaises à Nice , en Septembre 1792 . Né à Nice en 1755, André Gastaud était commis de boutique puis négociant. Ce fils de vermicellier ( pâtes alimentaires) a adhéré immédiatement à la Révolution. Membre de la Société des Amis de la Liberté et de l’Egalité peu après sa création, organisation occulte monté et dirigée par le consul de France à Nice. Gastaud fait rapidement au sein de cette organisation ses classes politiques. Il appartient à l’Assemblée « nationale » des Colons Marseillais et espère devenir représentant du peuple dès la mise en place du département des Alpes-Maritimes en 1793. Administrateur de celui-ci, André Gastaud est aussi membre du Conseil de Surveillance jusqu’au 20 Novembre 1794. En ventôse de l’an trois , au moment de la réaction thermidorienne, animée à Nice par le tristement célèbre Beffroy et son complice Chiappe venus de Paris, son nom est inscrit sur la liste des suspects comme « terroristes et buveur de sang ». Incarcéré d’abord à Nice, il est transféré quelques jours après en compagnie d’autres jacobins comme Tiranty et Chabaud) au Fort Carré d’Antibes. Libéré quelques jours avant la fin de la convention thermidorienne (tout s’achetait) ; il est choisi par le marseillais Barras pour assumer la fonction de commissaire du directoire exécutif du département, seul élément permanent et inamovible de l’administration de ce dernier. Sa position dans l’appareil bureaucratique départemental  le met dans une position stratégique pour profiter des tractations concernant en partie les biens nationaux issus de la confiscation des biens des réfugiés niçois dans le Piémont et des bien des congrégations religieuses confisquées. Il en fera d’ailleurs profiter ses protecteurs et ses relations augmentant ainsi le nombre de ses obligés.(Début du système maffieux et clientéliste).

Après le rappel de Beffroy, André Gastaud a donc élargi son influence sur le département. Il dresse un tableau apocalyptique de la situation afin de régler leur compte aux « Vendémiairistes » qui l’ont persécuté. Le ton de son rapport est très alarmiste « dans l’ex Comté de Nice, les lois (françaises) sont presque partout méconnues par ignorance ou négligée par mauvaise fois » le Quisling niçois ne tiens pas compte que plus de 80 % de la population ignore la langue française. Gastaud se présente aussi comme une victime, un bouc émissaire persécuté par la réaction et les contre-révolutionnaires de l’An III : » Tout ami de la République était un terroriste, les braves défenseurs de la patrie pour le prix de leurs services étaient qualifiés de terroristes. » Gastaud qui s’adresse à la bourgeoisie parisienne fer de lance de la politique révolutionnaire et qui n’a jamais mis les pieds dans les Etats de Savoie y va de son couplet « Le système scolaire est déficient car l’instruction publique a été négligée. Le Français langue unique de la République connaît une emprise médiocre dans la vie quotidienne des Nissarts. L’institution scolaire est confiée à des prêtres fanatiques ou ignorant ( NdR style l’Abbé JP Papon ? )  qui méprisent ou ignorent les principes de la république. Ils utilisent le latin ou l’Italien dans leur enseignement. » Mais ce qui préoccupe le plus André Gastaud dans ces correspondances de l’An IV c’est la résistance des Barbets : » …Tout est désorganisé, sauf la haine des Royalistes ( Ceux qui sont fidèles à la couronne de leur pays: La Savoie) et tous ceux qui n’aiment pas la République. Il n’y a que très peu de patriotes en place… Le seul moyen afin d’obtenir une prompte organisation des autorités dans les communes de montagne est d’empêcher que le royalisme ultramontain y domine et que le barbérisme nous détruise.» Gastaud est alerté par l’évidente insécurité des routes et des chemins ou les intérêts français ne peuvent circuler que sous escortes armées ainsi que par l’inexécution des lois ( réquisitions et conscription) car le barbérisme paralyse par la terreur, l’action de l’administration française. D’autres tiendront le même discours concernant les lois et l’administration du gouvernement de Vichy de 1940 à l’été 1944. André Gastaud qui a figuré parmi les abonnés méridionaux au « Tribun du Peuple » de Gracchus Babeuf (le premier à dénoncer le populicide Vendéen), tourne sa veste lors de la découverte de la Conspiration des Egaux qu’il considère alors comme « une calamité publique ». Lâche et opportuniste ; il utilise sans vergogne un leitmotiv de la propagande du directoire ; l’amalgame entre Babouvistes-Royaliste (Ancêtre de l’amalgame Hitléro-trotkyste de 1945). Il écrit : » On est frappé d’imagination lorsqu’on lit les pièces trouvées chez Babeuf. Les écrit que cet homme faisait circuler dans toute la République prouvent assez sa scélératesse. Je ne crois pas qu’il y ait des partisans dans ce département. Si ce n’est parmi ceux, qui, quoique d’une opinion peut-être totalement contraire à la sienne veulent le désordre et l’anarchie pour rentrer dans les projets de rétablir la monarchie… » En encourageant la répression anti-babouvisme André Gastaud devient l’inventeur du « Modérantisme Clientéliste Niçois ». Il est dorénavant un véritable chef de clan qui a mis en place une véritable faction dévoué entièrement à sa personne. (Comme quoi l’histoire de la politique française à Nice se répète.) Les valeurs républicaines sont désormais ignorées et afin de s’enrichir sans scrupules ; il spécule ouvertement sur les biens nationaux dont la vente est source d’un trafic inouï. La révolution est trahie sur l’autel de la corruption généralisée. Cette situation renforce la détermination des populations du Comté de Nice à résister à l’envahisseur On surnomme alors certains cantons de l’arrière-pays montagneux « les petites Vendées ». Pour André Gastaud le canton de Roquebillière est  « le repaire de tous les brigands que vomit le Piémont par le passage de la vallée d’Entraigues ». Cette commune est dénoncée comme le lieu de convergence de centaines de réfugiés nissarts qui reviennent au pays pour venir grossir les rangs des Barbets. L’autorité départementale assure donc une force armée conséquente afin de garantir la sécurité des « habitants paisibles de ces contrées. » Il s’agit la plupart du temps des habitants qui choisissant de collaborer avec l’ennemi ont obtenu des responsabilités administratives. Devant la pression certains comme le commissaire du canton de Roquebillière écriront : « …Je n’ai d’autre parti à prendre que de quitter les fonctions de ma place ou de m’attendre à être massacré. ». Ironie de l’histoire bien plus tard à partir de la fin de 1943 , un certain nombre de responsables du S.O.L (Service d’Ordre Légionnaire de la Révolution Nationale du Maréchal Pétain) de nombreux villages de notre arrière-pays écriront le même type de courrier à leur responsable niçois. Que ce soit dans le Val de Blore ou dans la Tinée, de grosses unités de Barbets de plus d’une centaines d’hommes se forment, descendent des maquis, frappent , et se dispersent à nouveau. Selon Gastaud :  « Le mal est à son comble » et la situation laisse présager une nouvelle guerre avec le Piémont. Les Barbets en veulent surtout aux républicains car « pour ne pas êtres dépouillés par ces bandits peut-être stipendiés, il faut se dire émigrés et n’être accompagné d’aucun qui puisse être reconnu appartenir à l’armée (française) ou être l’ami ou partisan de français ».
Ainsi André Gastaud reconnaît que les Barbets ne sont pas des Bandits de Droit Commun quelconques mais bien des patriotes livrant une guerre de libération nationale sur leur propre sol et choisissant des cibles précises. Une force armée salvatrice est demandée au Directoire « pour éviter la formation d’une nouvelle Vendée » car le nombre et l’audace des Barbets croit de jour en jour. Même Buonaparte s’en inquiète :  « les Barbets désolent nos communications ». Ce ne sont plus des voleurs isolés. Ce sont des corps organisés de quatre cents à cinq cents hommes… » Un des fait les plus marquants sera l’embuscade tendue par les Barbets au dessus du Col de Tende au Général Dujard et à son escorte de quarante soldats. Malgré une défense efficace et la venue en renfort du poste voisin de Ciais, l’arrivée de plus de deux cents Barbets clot le combat. Le général Dujard est tué, ainsi que son aide de camps, son secrétaire, un officier d’artillerie ainsi qu’un nombre indéterminé de soldats français. L’émotion est à son comble dans le camp français et un commerçant jacobin de Nice, Antoine Bassi se lance alors dans une campagne de propagande effrénée contre les résistants niçois. Il invente même les principes de la guerre de contre-guérilla telle qu’elle sera appliquée dans la guerre d’Algérie. Il écrit : «il y a un grand nombre de jeunes gens de ces contrées qui se sont accoutumés à cette vie errante et vagabonde et se sont endurcis au crime…excités par leur chef et entretenus par leurs parents qui les aident.. » Les partisans de la République lui semblent une minorité menacée « …il en est parmi les habitants de ces montagnes, dont l’intérêt ou l’inclination pourrait les attacher à la république ; mais leur nombre ne peut balancer celui des parents ou amis des Barbets… » Pour mettre un terme à ce fléau, Bassi propose une solution pionnière pour l’époque : « la colonisation par des familles bien françaises du Comté de Nice en corrélation étroite avec la déportation massive des populations rebelles jugées inassimilables ». Je ne m’étendrais pas plus sur ces glorieuses pages d’histoire de la guerre de résistance populaire menée contre l’occupant français. Qui utilisa tous les concepts militaires que l’on retrouvera plus tard utilisés par la république française lors des conflits de la « Décolonisation » de l’Indochine, en passant par Madagascar et l’Algérie. Mais revenons à la carrière d’André Gastaud ; il sera, bien entendu, un des principaux acteurs de la répression mais parfois avec lucidité ; il note dans un de ces rapports : La motivation essentielle des Barbets est la défense des franchises villageoises ancestrales ébranlées par l’intrusion de la modernité étatique ; les Barbets sont dans l’arrière-pays niçois « comme des poissons dans l’eau » . Ils bénéficient de l’appui de Le saut des françaisl’ensemble des populations autochtones qui leur fournissent renseignements et ravitaillement. L’attitude des populations et le Barbérisme sont la conséquence de l’invasion militaire. Selon les chroniques militaires françaises, cette guerre populaire prolongée dans nos montagne durera de 1793 à 1805. Il faut comprendre aussi quelle furent les conséquences de l’administration révolutionnaire française sur les structures sociales de la Countéa et pourquoi les rangs des Barbets furent essentiellement composés de paysans, bergers et artisans.
Les « monti granatici » (ou frumentari),monts-de-piété en semences étaient de véritables «banques de céréales », des établissements prêteurs de grains que l’on avait obligation de retourner après la récolte. Ils étaient présents en Italie depuis la fin de l’an 400 et la plus ancienne connue qui continue d’exister est la « Frumentario Mous » de Foligno, qui remonte à 1488. (Sardaigne) Le but de ces institutions était d’endiguer, de fait, la spéculation sur les semences au détriment des agriculteurs pauvres, et de leur assurer le blé et l’orge nécessaire pour les semailles et leur survie. Cette institution existe alors aussi dans le Comté de Nice, on en trouve la trace dans plusieurs villages dont Lantosque, Valdeblore, Lucéram ; elles sont souvent le fait des Confréries. En 1698, création, vraisemblablement par les pénitents blancs d’un  » monte granatico  » qui va fonctionner à Saint-Colomban. C’est une sorte de mont-de-piété du grain. Son but est de prêter aux paysans qui n’en ont plus, du blé, du seigle, de l’orge, avec lors de la restitution, la prise d’un petit intérêt en poids de grain. Les buts principaux des confréries étaient de rassembler les Catholiques afin de pratiquer et développer la prière, faire pénitence et charité sous-toutes ses formes : l’assistance aux malades, l’enterrement des indigents et l’ensevelissement des morts surtout en période de peste. Dans leurs statuts apparaissaient des exigences morales telles que l’entraide envers les malades pour les blancs, et l’aide aux funérailles des pauvres et des condamnés pour les noirs. Comme nous l’avons vu précédemment les confréries de pénitents possèdent des statuts depuis le XIVème siècle. La confrérie recréait une société qui se voulait idéale dans la mesure où elle était gouvernée, de droit, non pas par une élite sociale comme l’était la communauté d’habitants de Image 04l’époque mais par ses propres élus. Aux XVIIème et XVIIIème siècles, les confréries sont encore quasiment indépendantes du clergé paroissial. Elles résistent au contrôle du clergé et considèrent qu’elles ne doivent rendre des comptes qu’à elles-mêmes. C’est cette autonomie par rapport à l’église et à la société qui a toujours caractérisé l’organisation de la confrérie. La confrérie accordait le droit de vote à tous ses membres quelles que soient leurs origines sociales. Dans la plupart des localités une confrérie au moins gérait un « Mont Granitique » ou « Mont Frumentaire ». Toutes ces institutions sociales et populaires furent misent à bas lors de l’occupation française de 1792 et jusqu’à la Restauration Sarde. En effet, le droit Français Révolutionnaires vendit aux enchères, réservées à l’élite révolutionnaire fortunée, tous les bien des Confréries privant ainsi le peuple pauvre du Comté de tous les systèmes d’aide sociale dont ils bénéficiaient jusqu’alors. Cette confiscation du bien commun et public au bénéfice d’une nouvelle classe de spéculateurs étrangers et souvent en uniforme provoqua la misère sur nos terres. Contrairement à ce que voudraient faire croire certains historiens ce n’est pas seulement par fidélité à l’église catholique ou a la couronne de Savoie qu’une majorité de paysans et de petits artisans prirent la montagne et les armes contre l’occupant français et ses armées révolutionnaires ; mais bien pour des conditions objectives qui touchaient au nouveau régime qu’on tentait de leur imposer. Les Niçois seront pourchassés et persécutés au delà des Alpes, presque ethniquement, puisque, dés l’occupation française du Piémont et de la Ligurie, il sera fait appel aux populations pour les dénoncer et ne pas les héberger. Les premiers voyageurs étrangers qui passeront dés la chute de Napoléon par nos vallées, décriront un pays de ruines, dont les chemins sont défoncés, les ponts et de nombreuses maisons détruites et une population réduite à la misère.
-1814 : 19 mai. Le roi Victor-Emmanuel 1er rentre à Turin. Le 21 mai toutes les lois, décrets et règlements édictés par l’autorité française sont abrogés par le roi de Sardaigne. Le 30 mai le traité de Paris restitue Nice à Victor-Emmanuel. L’ordre ancien est rétabli, Nice retrouve son Sénat, son Consulat de la Mer. 3 consuls et 18 conseillers gèrent la ville.
Mais les joies de la libération ne vont pas tarder à se dissiper.
-1818 : Le comté de Nice est territorialement amputé et perd le marquisat de Dolceaqua et le Una fouont d'aiga spesaterritoire de Pigna. Il subit de plus un déclassement en devenant simplement  « la province de Nice »
Le règne de Charles-Albert constitue une période charnière dans l’histoire de l’Etat savoisien. Entre tradition et modernité, entre la préservation de l’alliance dynastique de pays divers et le rêve italien cet Etat a hésité et cherché à concilier l’inconciliable. Au regard de son importance dans la législation gouvernementale, le Pays Niçois occupe une place marginale par rapport aux autres régions du royaume que nous avons pu évaluer à 6,2%2. Mais il convient de souligner que pendant les quatre premières années du règne de Charles-Albert, la ville de Nice et son arrière pays bénéficieront d’un rang quantitativement supérieur à celui de la Ligurie, sans parler de la Savoie et de la Sardaigne .
Voyons quels sont les thèmes qui témoignent de cette attention particulière pour un espace peuplé seulement d’environ 200 000 habitants. Toujours d’après la législation, en octobre 1833 le gouvernement se préoccupa d’améliorer « le bon fonctionnement » des œuvres pieuses hors la ville mais sujettes à la juridiction du sénat de Nice. Par conséquent le roi marquait sa volonté de contrôler directement la gestion des organismes laïcs aux fonctions principalement religieuses dans l’ensemble du Pays Niçois. Etait ce parce que ces institutions faisaient souvent office de mont de piété ? Auquel cas une telle directive de la part de Turin se comprendrait aussi par l’intention de mieux évaluer les disponibilités monétaires rurales du pays. Une autre disposition prise dans le domaine de l’éducation en septembre 1834 témoigne d’une volonté de consentir le particularisme local plutôt que seulement d’en prendre acte. « La paternelle sollicitude de SSRM en ce qui concerne l’éducation et l’instruction de la jeunesse l’avait persuadé de l’opportunité de prescrire des dispositions spéciales grâce auxquelles on puisse obtenir dans la division de Nice tout le bien qui doit dériver de la pleine observance des dispositions relevant de ce très important objet, et, malgré l’éloignement de cette division de la capitale, nous ne manquons pas de moyens sûr et rapide de découvrir et de faire cesser les abus qui s’y introduiront, Sa Majesté a daigné par les patentes royales du 26 du mois d’août en cours établir dans la ville de Nice un Consiglio di riforma et de lui confier la charge d’inspecter tous les collèges et écoles de cette division, comme tout ce qui pourrait être en relation avec le protomedicato ». La spécificité locale change ici de forme : elle se trouve modernisée ce qui, en ces années du XIXe siècle, revient à dire assimilée par l’Etat, sinon bureaucratisée.. Les patentes royales du 30 juin 1835 constituent un événement dans la série des actes sur le Pays Niçois puisqu’elle clôturent la période des faveurs en décidant pour la première Lettre patente fois de réduire les franchises du port. « SM abroge quelques articles de l’édit royal du 12 mars 1749 et ordonne que soit observées au sujet des étrangers de ce comté les lois en vigueurs dans les autres parties des états royaux ».  Certes, il ne faut pas exagérer ce fléchissement puisque les franchises du port perdurant sur la plupart des denrées, la contrebande sur le littoral d’Antibes à Menton tant sur les tissus et le sucre que sur le tabac, continua d’alimenter les profits maritimes les plus conséquent au moins jusqu’en 1840. Le mouvement des courriers était en 1845 quotidien de Nice à Turin par la poste à cheval. Mais la « tournée » des piétons entre Nice et des villages du moyen pays occidental comme Gilette, Roquestéron, Puget-Théniers, Utelle ou Clans n’était plus que bi-hebdomadaire. Les départs se faisant de la ville tous les lundi et jeudi à cinq heures du soir, et les arrivées les mêmes jours à trois heures de l’après-midi, il fallait donc au mieux trois jours pour informer certaines communautés des nouvelles du chef-lieu, compte tenu des dimanches chômés, et une journée de plus pour qu’elles reçoivent les nouvelles de la capitale. Hors du réseau des grandes villes, à l’échelle de la région, la centralisation perdait nécessairement en efficacité et demeurait finalement encore assez éloignée vers le milieu du siècle.
-1848 : 10 février. Le roi Charles-Albert accorde une constitution à ses Etats, « le Statuto » ; Nice pavoise. Cette charte dite « Code Albertin » instaure un système représentatif censitaire. Le Sénat de Nice entérine les dispositions de la loi sur les communes qui permet l’élection de chaque conseil (divisionnaire et provincial) plus démocratiquement. La liberté de presse est assurée. Mais cette année voit aussi le déclassement administratif du Sénat de Nice, qui devient Cour d’Appel et le Consulat de la mer supprimé ; ces mesures sont la suite logique de la transformation du Comté en province ; le premier pouvait administrer et censurer les lois par l’intermédiaire de son Sénat ; la seconde devait obéir à l’Etat sarde tout puissant. Il convient cependant de noté que la portée juridique de l’article 4 du Code Albertin est capitale pour juger de la validité des actes importants ultérieurs. Il stipule que « les traités qui emporteront des conséquences sur les Finances ou les modifications de territoires de l’Etat n’auront d’effets qu’après l’approbation des chambres.
Au bout du compte, les initiatives de l’Etat pour animer l’activité montagnarde concourent aux prémices d’une homogénéisation du Pays niçois avec la ville-port et chef-lieu politique (résidence de l’intendant aux charges administratives, du sénat aux compétences judiciaires, et du gouverneur aux responsabilités militaires) pour l’arrière pays une perte d’autonomie difficilement supportable.
-1851 : 13 et 14 mai. A l’annonce de la suppression prochaine de la franchise dont jouit le port, de violentes émeutes éclatent à Nice ; la rupture avec le royaume de Sardaigne est envisagée. La proclamation suivante, rédigée à la Chambre d’Agriculture et de Commerce, est affichée à l’Hôtel de Ville. Les meneurs des émeutiers comme Avigdor, Carlone et d’autres adressèrent une lettre au roi de Sardaigne signé le 14 mai 1851 défendant les droits et franchises du peuple Niçois issus du « Contrat d’Union de 1388 par lequel le Comté de Nice se donna librement à la Maison de Savoie » contre « tout acte portant atteinte à ses droits et franchises, dont il réclame le rétablissement et la conservation dans toute leur intégrité ». Allant jusqu’à menacer l’Etat Sarde de revendiquer l’indépendance de Nice ! : « Le Peuple de Nice rappelle le Gouvernement Sarde à la foi des traités [..] A défaut: Le Peuple de Nice plaçant le droit au-dessus de la force, serait réduit à considérer le contrat d’annexion comme rompu par le Gouvernement lui-même, et à revendiquer son indépendance » Les meneurs de l’insurrection, Avigdor et Carlone, sont arrêtés ou en fuite. Les Niçois furieux mutilent la statue de Charles-Félix et plus précisément le doigt qu’elle pointe vers le port. (Cette statue amputé de son doigt est toujours au port de Nice). 4 juillet. La loi de réforme douanière est néanmoins votée à Turin. La franchise dont jouissait le port de Nice est supprimée. La loi entrera en vigueur le 31 décembre 1853. les Niçois se détachent peu à peu de la Maison de Savoie, car Nice a connu en peu de temps de nombreux déclassements administratifs et brimades économiques : le Comté est devenu simple province, le marquisat de Dolceaqua lui a été retiré, le Sénat et le Consulat de la Mer ont été supprimés, l’arsenal a été construit à La Spezia, on a refusé à Nice la ferme des jeux, le monopole de l’importation du sel vers le Piémont a été abolie, le réseau routier est insuffisamment développé… Mais plus encore c’est surtout le fait que l’on veut imposer au Niçois le principe d’un état moderne centralisé dont la capitale est Turin avec son administration, ses fonctionnaire et ses directives. Nice ne s’est jamais considéré comme une province des Etats de Savoie, mais comme le territoire d’une confédération librement associée..
-1858 : 20,21 juillet. Cavour rencontre Napoléon III à Plombières, il s’engage à lui céder la Savoie si la France aide Victor-Emmanuel II à chasser les Autrichiens d’Italie. 486727_597644230254861_209153598_n
-1859 : 24 janvier. Un traité secret est passé entre le roi de Sardaigne et la France, qui prévoit l’annexion de Nice par l’Empire français en échange de l’aide que celui-ci lui portera contre les Autrichiens en Italie. Ce traité est illégal à deux titres : il est en contradiction formelle avec l’article 4 du Code Albertin de 1851 car il n’a pas été ratifié par les chambres de Turin ; d’autre part, le roi de Sardaigne, en vertu de la charte de dédition et des accords suivants, n’a nullement le droit de disposer de Nice à sa guise.
-1860 : 14 mars. Nouveau traité secret signé entre Napoléon III et Victor-Emmanuel II. La France consent que l’unité italienne se fasse autour de la Sardaigne qui, en compensation, lui remettra Nice et la Savoie. Ce traité est illégal comme le précédent pour les mêmes raisons. 24 mars : publication officielle de traité de Turin.
-25 mars : Garibaldi est élu député de Nice. Il tentera de s’opposer à l’annexion à la France.

-27 mars : le roi Victor-Emmanuel II signe un manifeste (publié le 1er avril) par lequel il délie officiellement les Niçois et les habitants du Comté de leur serment de fidélité à sa personne et à sa dynastie. A cette date, la charte de 1388 étant caduque, le Pays de Nice retrouve légalement son indépendance en même temps que sa pleine souveraineté. Cet acte qui abroge tout lien de droit entre la maison de Savoie et Nice, et par voie de conséquence tout lien de droit entre cette dernière et la Sardaigne, établit incontestablement l’indépendance de Nice.
-15 et 16 avril : le plébiscite se déroule dans des conditions frauduleuses à tous les niveaux, depuis sa préparation, son organisation jusqu’à son déroulement : pressions de l’administration et du clergé sur les électeurs, présence de troupes d’occupation, achats de votes par dons ou promesses d’avantages, subornations, listes électorales falsifiées, non inscription sur ces listes de la plus grande partie des électeurs, inscription frauduleuse de Provençaux, absence d’isoloirs et de bulletins « non », impression d’Aigles, emblème de Nice sur les bulletins « oui », absence de vérificateurs impartiaux trois canonnières françaises au large de Nice, etc.
-29 mai et 11 juin : Les chambres sardes approuvent le traité d’annexion, acte illégal du fait que le Pays de Nice n’était pas juridiquement une province sarde, mais une entité souveraine liée au seul chef de la Maison de Savoie personnellement, jusqu’au 27 mars 1860, date à laquelle ce dernier avait renoncé à ses droits. 15 et 22 juin La protestation officielle de Garibaldi au parlement de Turin hypothèque pour toujours le plébiscite truqué de 1860. Après être intervenus au Parlement avant même le vote sur la ratification du traité du 24 mars 1860 qui cédait Nice et la Savoie à la France, les deux députés de Nice, Garibaldi et Laurenti-Roubaudi avaient adressé leur démission au président de cette assemblée. Le texte de cette lettre est capital puisqu’en droit, il constitue la protestation officielle de la représentation nationale niçoise après le plébiscite frauduleux. En voici la teneur :
« Monsieur le Président, « Vu le résultat du vote du comté de Nice, qui a eu lieu le 15 courant, sans aucune garantie légale, en violation manifeste de la liberté et de la régularité du scrutin et des promesses solennelles stipulées dans le traité de cession du 24 mars ; « Attendu, qu’un tel vote s’est déroulé dans un pays qui nominalement appartenait encore à l’Etat sarde et qui était libre de choisir entre celui-ci et la France, mais qui se trouvait en réalité complètement aux mains de cette dernière puissance, occupé militairement et soumis à toutes les influences de la force matérielle, comme nous le prouvent sans contestation possible les témoignages de la Chambre et du pays ; « Attendu que le présent vote s’est déroulé avec de très graves irrégularités, mais que l’expérience du passé nous refuse toute espérance de voir ordonné une enquête à ce sujet ; « Nous soussignés, croyons de notre devoir de déposer notre mandat de représentants de Nice, en protestant contre l’acte de fraude et de violence perpétré, en attendant que le temps et les circonstances permettent à nous et à nos concitoyens de faire valoir avec une réelle liberté nos droits, qui ne peuvent être amoindris par un pacte illégal et frauduleux » Giuseppe Garibaldi – Laurenti-Roubaudi
La protestation officielle de la représentation nationale niçoise en 1860 est capitale, car juridiquement elle réserve les droits de Nice pour l’avenir. En effet, en d’autres circonstance, la France et la communauté internationale, se basant sur une semblable protestation ont annulé une annexion illégale faite par la force. Après la désastreuse guerre de 1870, initiée par Napoléon III contre la Prusse, l’Empire Allemand fut proclamé à Versailles ; le nouvel empire, comme on le sait, annexa des provinces françaises occupées, et la France vaincue, fut contrainte d’accepter cette perte de territoire lors signature de l’armistice. Néanmoins, le 17 février 1871 devant le parlement français réfugié à Bordeaux, M. Emile Keller, au nom des députés du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Meurthe et Moselle, protesta contre l’annexion de l’Alsace et la Lorraine par l’Allemagne afin de préserver les droits de ces populations et de la France. Quarante-sept ans plus tard, à la fin de la guerre de 1914-1918, quelques heures seulement après l’armistice signé le 11 novembre, l’Assemblée nationale française se réunit en séance extraordinaire ; la séance fut ouverte à 14 H 45, et les députés réclamèrent immédiatement à la communauté internationale le retour des provinces perdues lors de la précédente guerre. Il est très intéressant de noter sur quelles bases légales s’est appuyée cette réclamation : on exhuma le procès-verbal de la protestation du député Keller qui dormait dans les archives depuis quarante-sept ans, on le relut en séance, et cet acte suffit à établir juridiquement les droits de la France sur ces territoires.
Après l’annexion, la Liberté Niçois est confisquée, les bâtiments de l’ancien Sénat transformés en prison, la langue Niçoise est bannie, la Cour d’Appel est supprimée, l‘Université également ; l’ancien Pays de Nice est fondu dans le département des Alpes-Maritimes .
Voici un témoignage : il s’agit de celui de Jean-Baptiste Joseph Marie (1799-1874) dit « Jospeh », second marquis de La Penne,
Il est inexact de prétendre que Joseph, qui opta pour la nationalité italienne (nous citons), « en voulut à ses anciens sujets de ne pas l’avoir suivi dans ce choix ». On ne peut lui prêter ce sentiment. En effet, la cession du Comté de Nice et de la Savoie à la France fut comme chacun sait, le résultat d’un accord passé entre le roi de Sardaigne et Napoléon III, orchestré par Cavour. C’était le prix que consentait à payer le premier contre une aide militaire du second pour conquérir la péninsule. Ce qui fut fait après que les troupes françaises victorieuses des Autrichiens, eurent rempli leur engagement. Mais ce marchandage alarma nombre de gouvernements européens dont ceux d’Angleterre et de Russie, toujours très sensibilisés aux projets expansionnistes français depuis l’aventure bonapartiste. Pour calmer le jeu un référendum populaire est organisé, le premier du genre à notre connaissance et à cette échelle. Bien entendu, il n’était pas question qu’un résultat « négatif » remette en cause les acquis. Aussi, c’est l’armée française déjà en place sur son nouveau territoire, donc à la fois juge et partie, qui s’en occupa matériellement. Cette parodie de consultation donna le résultat escompté : « un plébiscite à 95% de oui » pour la France ! Le système a fait école depuis sous certains régimes totalitaires…. Donc, nos ancêtres pennois n’ont pas eu le choix. Ce qui ne veut pas dire qu’une liberté effective d’expression eut fait basculer le scrutin en faveur de l’Italie ! Loin de là, mais ceci est une autre histoire . Quant à Joseph quels sont les éléments qui motivèrent sa décision de prendre la nouvelle nationalité italienne ? Etait-ce un libre choix ? La réponse est facile et concerne directement le patrimoine pennois :
Les autorités impériales françaises n’avaient pas fait mystère de leur intention, coutumière depuis la Révolution et le Premier Empire, de placer ses nationaux dans la nouvelle administration et aux postes clefs de tout organe de quelque importance ( presse,….) en y associant certains locaux ayant déjà fait opportunément allégeance, pour préserver les formes. En bref, la situation et l’avenir de nos élites étaient en péril extrême. Mais Cavour avait tout prévu. Il réservait à ceux qui optaient pour l’Italie nouvelle, un destin des plus fructueux aux plus hauts postes de son administration, de sorte que leurs pertes soient largement compensées,…. y compris celle des biens fonciers. C’est la voie que choisirent nombre de Nissarts et Joseph leur emboîta le pas. Mais qu’advint-il de leurs propriétés qu’ils abandonnaient ? Déclarées biens vacants, des simulacres de ventes aux enchères « publiques » furent organisés au profit pour l’essentiel, des nouveaux administrateurs. Ainsi se développa une bourgeoisie foncière de substitution en grande partie d’origine française. Cependant, ces spoliations liées aux désordres du changement de statut vont se tarir et bientôt cesser. La sécurité des biens appartenant à des étrangers est maintenant assurée ; développement du tourisme et des résidences de villégiature oblige !
Joseph donc, avait fait le choix parfaitement respectable et très compréhensible de privilégier son avenir matériel en adoptant la nationalité italienne. Or au bout de quelques années, il apprit que son domaine pennois avait été « oublié » par la vague de dépossessions qui affecta la plupart de ses compatriotes ex-nissards. De cela, il en était sans doute redevable aux Pennois ou pour le moins, à leur silence complice. Car une dénonciation aurait vraisemblablement suffit pour que le « bien vacant » change de main, même si le beau-frère Léotardi par son engagement politique était sur place pour veiller au grain ! Donc tranquillisé sur ce point, le marquis revient à La Penne en 1869. En conséquence, et contrairement à ce que prétend la légende, il n’eut pas à « racheter son bien », mais simplement à régulariser sa situation de propriétaire auprès de la nouvelle administration française, en payant peut-être, un arriéré d’impôt.

L’occasion manquée : Louis-Gonzague Arson (1814-1865)...

Depuis 1848, l’espérance d’autonomie a reçu une forme moderne, constitutionnelle : les Savoyards l’ont alors définie ; l’occasion est fournie par la guerre civile en Suisse, celle du Sonderbund (novembre 1847), la promulgation d’une constitution fédérale (1848) et les polémiques des journaux français dans les Alpes du Nord et du Sud : admission de la langue maternelle au Parlement, fixation d’un cens convenable, représentation permanente du territoire ; voilà les trois conditions. Auguste Carlone écrit alors dans L’Echo : « Si la Savoie et Nice sont destinées à devenir l’Irlande de l’Italie, Eh bien ! nous aurons aussi des Repealers ! La guerre d’Italie et ses conséquences raniment les polémiques ; la réflexion sur la forme à donner aux nouvelles structures du comté les développe ; les conseils de neutralisation du pays niçois ne manquent pas, solution politique et économique au différend franco-italien : Louis Désambrois de Névache (1807-1874) un des rédacteurs du Statuto, angouverneur, ambassadeur à Paris (1854-1860) est un partisan de cette solution. Au début de l’année 1860, Arson bataille encore comme il le fait depuis de longs mois dans sa Gazette contre l’idée de la réunion de Nice à la France ; il est élu au conseil municipal. L’éditorial, court, du 17 mars informe d’abord les Niçois de l’envoi de la délégation municipale au roi, pour présenter en fait le nouveau projet : « La junte municipale a délibéré d’envoyer à Sa Majesté le roi Victor Emmanuel II, une adresse pour le prier de ne pas consentir à la cession ni à l’échange de la ville et du comté de Nice, ou tout au moins, s’il est nécessaire de donner satisfaction à la France, de faire en sorte que ladite ville et ledit comté soient neutralisés, sous la suzeraineté de la Maison de Savoie, et conformément aux conditions qui pourront être arrêtées par les grandes puissances auxquelles appartient le droit et incombe le devoir de veiller au maintien de la paix et de l’équilibre de l’Europe. »
Le lendemain, dans l’éditorial du 18 mars, Arson confirme, par une explication titrée : « Ce que voudrait dire Nice neutralisée ». « Nice neutralisée voudrait dire qu’elle aurait une organisation indépendante, et que, par conséquent elle n’aurait plus à supporter que des impôts insignifiants votés par les représentants de la population. Nice neutralisée et placée sous la protection des grandes puissances de l’Europe, n’aurait pas besoin d’armée ; et par conséquent plus de conscription. Nice neutralisée et indépendante pourrait jouir si elle le jugeait utile à ses intérêts de tous les avantages d’un port franc, du libre échange, de la vie à bon marché, de la liberté pour tous, d’une sécurité garantie par l’Europe entière, et par conséquent d’une affluence d’étrangers incomparablement plus considérable qu’à présent, laquelle alimentant toutes les branches de l’industrie et du commerce, multiplierait les richesses et assurerait la prospérité et le bonheur du pays. » Mais son projet est bien fixé ; le 5 avril, dix jours avant le plébiscite, il donne, dans son éditorial, de larges extraits d’un mémoire qu’il a adressé à Cavour, lequel, d’ailleurs, n’aurait pas finalement une opinion éloignée de la sienne ; la neutralisation « est le talisman seul capable d’aplanir toutes les difficultés, de combler tous les vœux, de sauvegarder tous les intérêts et de calmer toutes les appréhensions ». L’aveu est renouvelé. Mais il va plus loin et montre que sa solution permet le développement d’une ville libre et cosmopolite, ce dernier caractère entraînant un espoir d’enrichissement que la société hivernante, faite en grande partie d’étrangers, laisse imaginer ; et culturellement, « Nice aurait encore le mandat de servir de liaison à la race franco-latine », comme entre d’autres ethnies le font ailleurs, Lugano, Trieste, Cracovie. Nice serait alors un espace de relations européennes : « Nice aurait de plus des chances de devenir chaque hiver le rendez-vous de la diplomatie européenne qui, sous prétexte de jouir des bienfaits de son climat exceptionnel, aurait l’occasion de traiter sans bruit les affaires les plus sérieuses de la politique sur ce terrain neutre, où ne rencontrant que des autorités exerçant le pouvoir sous forme municipale, forme qui n’a rien de gênant pour des étrangers, quels qu’ils soient, chacun pourrait se considérer chez lui. On peut même affirmer déjà qu’il y a une tendance dans ce sens parmi nos hôtes dont plusieurs, très haut placés, ont remis la proposition qu’il fût crée à Nice un organe de politique international. » Ainsi Nice aurait pu devenir le Centre d’une Future SDN .

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10 Années plus tard, le 8 février 1871 Nice plébiscitait le NON à la France !

Lors des élections législatives du 8 février 1871 dans le pays de Nice, le raz-de-marée séparatiste emporta tout. A peine passés 10 ans d’annexion, la ville de Nice donna 16 514 voix aux quatre candidats séparatistes et seulement 900 au préfet Dufraisse candidat français qui malgré ses fraudes avérées et des moyens importants, fut littéralement balayé. Sur le territoire du Pays de Nice, Garibaldi obtint 13 984 voix sur 29 428 suffrages exprimés, soit 47,51 %, Piccon, Bergondi et Borriglione, autres candidats séparatistes, 12 550, soit 42,64 % alors que le préfet Dufraisse se contentait de 2894 voix, soit 9,83 % ! Le lendemain du vote, les dépouillements terminés, Joseph André titra dans le Dirrito: « Vive Nice !!! »; dans un long éditorial, il écrivait entre autre : « …Nice a parlé ! Mais non la Nice des Piétri et des Pillet (Piétri envoyé par Napoléon III avait truqué le plébiscite de 1860 et Pillet, consul de France à Nice avait beaucoup intrigué à Nice pour favoriser l’annexion) mais la Nice de Ségurane et de Garibaldi ! Le citoyen Dufraisse a renié Garibaldi car il est le chef du parti séparatiste, Nice à l’unanimité a voté Garibaldi, donc, citoyen Dufraisse, et selon votre propre logique, Nice est séparatiste et ne reconnaît pas l’infamie de 1860 ! Ce vote magnifique est un plébiscite ! ».
Le préfet Dufraisse, ulcéré et refusant de tenir compte de la volonté populaire légalement exprimée par les urnes, décida le 10 février de suspendre le Dirrito. Cela provoqua plusieurs jours d’émeutes et la répression sanglante « des baïonnettes dans les torses niçois » dont témoigna Henri Sappia dans « Nice Contemporaine » ainsi que le journal Anglais « The Times ». Le coup de grâce fut donné par l’assemblée de Bordeaux qui invalida injustement la victoire séparatiste du Peuple Niçois dont Jousé Garibaldi était le symbole. Les chefs du parti séparatiste furent invalidés, poursuivis, poussés au suicide ou écartés. Une loi de circonstance fut voté pour interdire la création de partis indépendantistes. La France a soustrait entre autre de l’histoire de Nice cet épisode significatif, afin de mieux instituer la version officielle du plébiscite voté à plus de 90 % pour le « rattachement » à la France en 1860.

Bornes du Comté

Que nous apporta l’Annexion frauduleuse...

Pierre Louis CAIRE (1841-1929) dans son livre intitulé « Annexion de Nice en 1860 » et publié par les cahiers de l’annexion (France Europe Edition) le prévoyait déjà :
Sic : « Nous n’irons pas jusqu’à enquêter pour savoir si à Nice ce bien être apparent ne cache pas une situation différente ; si par exemple, les capitaux immenses du Crédit Foncier et d’autres instituts qui font des avances aux constructeurs, ne constituent pas un danger, si les sociétés étrangères au pays qui accaparèrent les terrains pour en faire monter les prix n’ont pas engrangé à leur profit le bénéfice qui au fil des années aurait du revenir aux propriétaires du pays ; nous n’enquêterons pas non plus sur ces louvoiements afin de retenir les étranger un jour de plus, sur cette apparence de cité en liquidation, de carnaval en permanence. Tout ceci n’est-il pas un peu humiliant ? »
Ces phrases décrivent parfaitement le système imposé par la France à la Countéa de Nissa, système qui a contribué à la paupérisation de sa population et à sa colonisation.
Ce système construit sur la spéculation foncière et immobilière ainsi que l’industrie touristique et ses corollaires : les spectacles « folkloriques », les grandes attractions sportives (Grand Stade Allianz Rivièra, tour de France, Jeux de la Francophonie etc.), perdure encore de nos jours.

Je vous remercie. »

Jean-Marc FONSECA

 

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