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Pour éviter l’uniformisation du monde…Etre soi même
Le Monde est fait de diversité…le mondialisme, lui, tend à l’uniformité…
Il n’a échappé à personne que, ces dernières années, alors que l’idéologie marchande nous entraîne vers un mondialisme niveleur, un vaste mouvement de fond se dessinait, un peu partout, tendant à faire renaitre les aspirations des peuples à être eux mêmes et à vouloir décider de leur destin.
Cette nouvelle conscience politique des peuples de par le monde s’est accélérée avec la survenue de la « Crise ». De nouvelle solidarités se sont fait jour et un grand nombre d’individus consuméristes, vivant dans des territoires à forte imprégnation culturelle ou historique, se sont découvert être des citoyens faisant partie d’un ensemble territorial porteur d’une culture (donc d’une langue) et d’une histoire qui a survécu, au travers des siècles, aux vieilles structures périmées, un temps en charge de leur administration, qui se sont écroulées les unes après les autres, victimes de l’usure du temps et de la superficialité de leur construction. Alors que dans les territoires enracinés, que nous avons coutume d’appeler Patries Charnelles,
le ciment commun formé par la langue, la culture, l’histoire et les traditions permettait de maintenir ce sentiment d’appartenance à une communauté, base de toutes les solidarités, les états centraux formés par les états nations issus de l’idéologie colonialiste qui associait le sabre et le goupillon (l’église étant la caution morale du politique) parvenaient au terme de leur processus de décomposition, avec une crise d’identité sans précédent qui leur faisait abandonner l’apprentissage de leur langue, de leur histoire et de leur culture. Toutes les nations postmodernes ont cette caractéristique commune de crise identitaire (rien à voir avec les mouvements du même nom qui sont embarqués dans des contradictions internes dues à une double appartenance, incompatible avec la défense d’une culture locale mise à mal par l’état central).
Afin d’illustrer mon propos, je vous invite à lire une lettre qui nous a été envoyé par un ami de culture Berbère, culture mise à mal par le panarabisme et l’extrémisme religieux. Cela m’a conforté dans mes convictions qui m’amènent à penser que défendre ma culture, c’est défendre toutes les cultures. Voici ce texte:
TANT QU’IL Y AURA DES AMAZIGHS(*)
Être ou ne pas être, telle est la solution. La solution pour une crise identitaire dont tous les Nord-Africains souffrent. Être ce que nous sommes, quoi de plus logique ? Et pourtant, dans notre pays, notre grand pays le Maghreb, être ne peut être qu’arabe ou disparaître.
Dans notre grand pays, le Tamazgha, être amazigh est équivalent à ne pas être : Je suis amazigh donc je ne suis pas. Aujourd’hui, tout le monde ou presque ignore que la population de Tamazgha est presque exclusivement formée d’Imazighen. Ceux qu’on qualifie, à tort d’Arabes, sont en réalité (historique, culturelle et linguistique) des Imazighen plus ou moins arabisés. Gabriel Camps, une des figures scientifiques spécialisées sur notre région, affirme qu’« il n’y a pas, pas plus dans le Tell que dans le Sahara, des Arabes et des Berbères, mais des Berbères berbérophones et des Berbères arabophones et arabisés ».
Je n’existe pas officiellement, je n’existe qu’officieusement. Je n’existe qu’entre moi et moi-même. Je suis Log1 par la volonté de mes dirigeants : mon existence ne figure dans aucun texte fondamental de mon pays. Je ne suis pas à cause d’un mythe créé par des pan-arabistes qui veulent que tout le monde soit arabe, alors que tout le monde n’est pas et ne peut pas être arabe.
Ce n’est qu’après avoir pris conscience de cette réalité, de ma dignité et de mon existence que je trouve la force de dire NON à une idéologie pan-arabiste ou occidentale, peu importe, qui veut me déraciner. Je ne suis pas arabe. Je ne suis pas français, non plus. Je suis ce que je suis : amazigh. Amazigh par la goutte du sperme, par le destin. Amazigh par la terre de mes ancêtres, cinq fois millénaire. Amazigh par la langue que j’ai soigneusement tétée de ma mère, elle aussi tamazight par la décision de l’histoire.
Et, c’est tout naturellement qu’un pan-arabiste nommé Abid El Jabiri ordonna « l’assassinat » pur et simple de cette langue : « Il faut extirper ces dialectes berbères… » disait-il. Et que M. Abdelhamid Hadjar alerte que « tout Algérien qui refuse de s’arabiser se sentira seul dans son propre pays ». Plus drôle encore, M. Ottoman Saadi, de l’ex-parti pan-arabiste algérien. Pour lui, tamazight est un dialecte arabe, le lexique amazigh n’est qu’une variation métamorphosique de cette langue sacrée, la langue de Dieu ! Pour résoudre cette énigme, M. Ottoman se métamorphose en linguiste. D’un coup de baguette magique, il nous fait comprendre que Yan (un en Tamazight) n’est qu’une variation, phonétique ou phonologique ? on n’en sait rien, de Wahid (un en arabe). Lisons son analyse : Le w est devenu y/Le h est devenu n/Le i est tombé/Le d est tombé, aussi ! Sorry Chomsky ! Pour ces gens, il fallait éduquer ces Berbères/barbares et leur apprendre la poésie, l’histoire et l’art, tels qu’ils devraient être appris, chacun devant savoir que ses ancêtres buvaient du lait avec des dattes, enterraient les filles…
Aujourd’hui, techniques et moyens de communication de masse ont accéléré avantageusement les procédés de déculturation de notre peuple. Aujourd’hui, c’est l’école qui déracine les Imazighen, une école qui incite l’enfant, inconscient et innocent, à jeter, à marginaliser et surtout à mépriser sa langue maternelle. Ce n’est pas étonnant, puisqu’il se rend compte que « tafounast » ne sert plus à rien et que « baqaratun » est le seul terme correct pour désigner une « vache ». C’est aussi les médias. Tout ce qui bouge et informe officiellement « savate » l’identité amazighe.
« La langue en tant qu’outil, en dehors de tout jugement, reste ce que la communauté décide d’en faire ». Aujourd’hui la communauté Amazigh doit décider. Mais cette communauté, malheureusement, est loin d’être consciente du danger que court son existence même. Un Amazigh qui répète, conscient (!?) à son frère Amazigh : Nkni Aarabn ! (Nous les Arabes, en berbère) qu’attendre de ces gens qui ne savent même pas qu’ils existent ? Comment ne pas nier « les Berbères qui auront pour du fric ou des espoirs inutiles trahi la fonction de ce monde » ? Comment ne pas « …faire le procès de mon propre sang car il n’arrive pas à se dépêtrer de lui-même et à se transformer » ? Mais, surtout, comment expliquer une telle auto-négation ? Quel a été ce processus machiavélique qui a fait de nous ce que nous ne sommes pas, ce que nous n’avons jamais été ?
Les pouvoirs politiques, l’idéologie pan-arabiste, les médias, la naïveté, la religion… ? La religion, est-elle vraiment ce qui a fait de nous des Arabes ? Être musulman, est-il synonyme d’être arabe ?
NON. Prenant l’exemple des Perses, ces exportateurs de la « révolution islamique » , les Perses ne peuvent entendre le mot arabe sans que la rage les envahisse. Pour eux, le Golfe est perse et non pas arabe. Les Turques, les Pakistanais, les Kurdes, les Talibans, les Tchétchènes…sont tous des musulmans ils ne sont pas arabes. Pour ces peuples, il leur paraît fondamental pour le maintien de leur identité culturelle qu’ils puissent, en toute liberté, développer leurs modes d’expression sans subir d’entraves. Pour Imazighen, ils ne seront eux-mêmes que lorsqu’ils disposeront des moyens d’exprimer totalement et sans contrainte leur identité culturelle et assurer la maîtrise de la diffusion de cette culture.
Pourquoi devrons-nous défendre l’usage de Tamazight ? La raison est simple : Parce que « les mots sont aussi des idées » (J. Polhan) et parce que toute langue est à la fois moyen de communication et symbole d’identité. Pour Jacques Berque, la langue ne sert pas à communiquer mais à être. Être amazigh, c’est écrire et parler tamazight. C’est aussi et à la fois préserver et enrichir la culture nord-africaine. Tamazight est le pivot de cette identité culturelle, et en tant que telle, elle doit bénéficier des aides des états concernés, des gouvernements et des institutions. Imazighen, on ne le répétera jamais assez, payent des impôts. L’argent de ces contribuables, Tamazight en a tellement besoin. Comment montrer à ces pouvoirs politiques que nous adorons notre langue, notre identité, que nous ne sommes pas prêts à laisser tomber une partie de nous ? Comment attirer l’attention du voleur et du volé, du crocodile et de la victime, des nouveaux sorciers de l’Afrique et des hypnotisés ? Ce Berbère hypnotisé, volé, trahi, comment le faire bouger ? Comment casser ce complexe d’infériorité ? Comment faire de ce Berbère un Amazigh ?
Il nous semble cependant qu’il n’y a pas lieu de se désespérer. Les conditions favorables pour le développement de Tamazight sont entre nos mains. Il n’est pas question de les lâcher. C’est donc en tant qu’Imazighen que nous devons agir et réagir : créer des associations, publier des revues, organiser des conférences, crier notre existence… pour le bien-être de Tamazgha. Le chemin est long, mais comme disait H. Id Belkacem : Imazighen avancent tandis que les autres reculent. On avance, c’est évident. La preuve : la question tamazight n’a pratiquement jamais été posée d’une telle façon, aussi forte et aussi revendicative. À nous de continuer dans ce chemin, fiers, égoïstes et acharnés. Le jour viendra sûrement où Tamazight regagnera la place qui est la sienne, tant qu’il y aura des AMAZIGHS !
Ce texte me semble remarquable par bien des aspects et il rappelle étrangement, par certains côtés, l’histoire mouvementée du peuple Nissart qui a rencontré les mêmes obstacles et a commis, par ailleurs, les mêmes erreurs. Ce qui semble fondamental, dans ce texte, est la place de la conscience d’être afin que, par cette conscience, la communauté et l’espace sur lequel elle vit puisse perdurer. Au fond de ma mémoire, remonte le souvenir d’un très beau texte, écrit par un auteur Breton de grand talent, Morvan Lebesque, texte extrait de Comment peut on être breton, « Essai sur la Démocratie française », Morvan Lebesque (Editions du Seuil, 1970). Ce texte a été repris par le groupe Tri Yann dans leur chanson parlée La découverte ou l’ignorance, 1976. Je vous en livre quelques extraits:
« Le breton est-il ma langue maternelle ? Non : je suis né à Nantes où on ne le parle pas… Suis-je même breton ? Vraiment je le crois. Mais de « pure race », qu’en sais-je et qu’importe ? … Séparatiste ? Autonomiste ? Régionaliste ? Oui et non : différent . Mais alors vous ne comprenez plus. Qu’appelons nous être breton ? Et d’abord, pourquoi l’être ? Français d’état civil, je suis nommé français, j’assume à chaque instant ma situation de français : mon appartenance à la Bretagne n’est en revanche qu’une qualité facultative que je puis parfaitement renier ou méconnaître. Je l’ai d’ailleurs fait. J’ai longtemps ignoré que j’étais breton… Français sans problème, il me faut donc vivre la Bretagne en surplus, ou, pour mieux dire, en conscience : si je perds cette conscience, la Bretagne cesse d’être en moi ; si tous les bretons la perdent, elle cesse absolument d’être. La Bretagne n’a pas de papiers. Elle n’existe que dans la mesure où à chaque génération des hommes se reconnaissent bretons. A cette heure, des enfants naissent en Bretagne. Seront-ils-bretons ? Nul ne le sait. A chacun, l’âge venu, la découverte ou l’ignorance… »
Il me semble que, simplement en changeant le mot Breton par Nissart ou Amazigh (ou tout autre peuple enraciné), ce texte est parfaitement adapté à ce que nous vivons aujourd’hui. Il met en avant cette conscience d’être soi même, et d’être différent, et que sans cette conscience le pays qui porte notre langue, notre histoire et notre culture n’existe plus. Etre soi même pour affirmer que nous sommes les héritiers de plusieurs siècles d’histoire. Etre soi même pour demander ce à quoi tout peuple a droit, à savoir parler sa langue. Etre soi même pour pouvoir transmettre aux générations futures l’histoire de notre pays, histoire que nous ont transmis nos anciens et qui a été gommé de tous les manuels d’histoire de « l’Education Nationale Française ». Etre soi même pour pouvoir vivre pleinement sa culture aujourd’hui et la faire évoluer comme les autres. Etre soi même pour pouvoir décider au pays de notre destin et qu’il ne nous soit plus dicté par la capitale de l’état jacobin. Etre soi même pour retrouver nos droits et privilèges, sur lesquels les Nissart ont toujours été intransigeants pendant des siècles et qui ont été toujours respectés par les souverains que nous nous étions choisi.
Il est assez drôle que, au moment ou j’écrivais ce texte, l’ami Ben Vautier, dans sa Newsletter, développait ce thème d’être soi même, sans qu’il n’y eut une quelconque concertation sur le sujet. Comme quoi, l’histoire a parfois des convergences étranges.