Les Nations contre les Peuples: une histoire européenne

Il est un fait constant dans  l’histoire fort longue et riche de notre Comté de Nice qui apparait à tous: c’est la présence permanente du Comté de Nice au cœur de l’histoire européenne. C’est également un fait que les peuples d’Europe n’ont pas toujours eu des relations apaisées avec les nations d’Europe.

 

A cet égard, nous avons eu  l’occasion de lire un livre assez dérangeant, dans la mesure ou il n’emprunte pas les chemins habituels de la pensée dominante française mais pose des véritables questions qui nous interpellent et nous amènent à nous demander s’il n’y aurait pas d’autres voies possibles que celles qui ont mené l’Europe actuelle dans l’impasse.

Le titre, en soi, «  l’Esprit européen entre mémoires locales et volonté continentale« , est déjà tout un programme pour un bouleversement complet des structures existantes qui remet en question le confort intellectuel de ceux qui pensent que tout est immuable.

L’Europe dans laquelle nous vivons s’est bâtie suivant un schéma directeur qui ne prenait en compte qu’un seul modèle de construction, l’état nation, et tout ce qui avait conduit à ce concept réducteur, c’est à dire les frontières établies par des faits de guerre ou des traités entre belligérants. Personne n’a remis en cause ce schéma et ne s’est préoccupé des réalités culturelles et linguistiques. Les Peuples en tant que communauté organique ont été tenu pour quantité négligeable et intégrés dans des nations aux frontières artificielles. On a ainsi brisé des cadres de vie, évacué des cultures multiformes par l’assimilation homogénéisante et tendu à éteindre des langues enracinées pour imposer un langage standard. 

Georges Feltin-Tracol, l’auteur de ce livre, a exploré toutes les possibilités potentielles d’organisation des peuples européens et a ainsi recensé tous les actes manqués qui se sont présenté dans la longue histoire de ce Continent.

Tout le livre tourne autour de la problématique européenne qui est le vrai problème aujourd’hui tant les vieilles nations semblent avoir fait leur temps: c’est un cycle qui s’achève. Et, c’est en cela que ce livre est intéressant pour nous « communauté enracinées » sur ce sol européen mais victime d’un désenracinement permanent  à cause d’une dilution au sein de « nations » désincarnées. L’auteur aborde dans son premier chapitre les fondamentaux d’une philosophie géopolitique nécessitant une bonne compréhension de  la géographie. Il apparait, clairement, que pour appréhender l’histoire il faut avoir assimilé la géographie.  Tout naturellement, il en vient à une critique analytique de la France qui est pour nous tous la nation qui pose problème. Dans ce chapitre qui traite de « La France et ses Identités », il met le doigt sur un problème récurrent  et fondamental, à savoir  que l’Identité nationale (de la France) se fait contre les peuples. Dans le chapitre suivant, la grande question est abordée : comment se positionner enter une nation qui se replie sur elle même et un Continent qui ne s’est pas libéré des nations qui le compose ?  L’auteur s’en prend au mythe de la « république une et indivisible » (sic), au cancer parisien (sic) et à la décentralisation avortée. Il a raison quand il nous dit que la Région est une idée encore neuve en Europe et que les frontières restent un frein à l’émergence d’une véritable Europe de Peuples…mais, il sent que les choses bougent en Corse et ailleurs. Même le mouvement Normand prend date pour réunifier la mosaïque qu’en a fait l’état français. D’ailleurs, il remarque que la France  aurait pu, par la diversité des peuples qui la compose, devenir une Europe miniature, si elle avait su préserver les particularismes que l’état jacobin a essayé de gommer. Elle est passé à côté de cette opportunité que lui offrait l’histoire. 

Et, c’est ainsi que l’auteur du livre en vient à décliner la future Europe sur le thème des grandes régions fédérées entre elles. Nous remarquons bien que ce « mouvement de libération des peuples européens » a déjà commencé depuis le début du XX° siècle et se poursuit aujourd’hui. L’Irlande a montré la voie, suivie par la Catalogne et après la chute du « rideau de fer », plusieurs nations se sont recomposées, suivant par là la volonté de leur peuple.   Mais la liste n’est point close, puisque l’Ecosse prend le chemin de l’émancipation, que la Belgique, état factice par excellence, créé de toutes pièces sous l’influence de la France, se délite progressivement tandis que les peuples qui la composait aspirent à une souveraineté retrouvée. De la même façon, l’auteur aborde la question Savoyarde (et par ricochet celle du Comté de Nice) mais, nous semble t il, avec des arguments qui nous semblent peu solides. En revanche quand il souligne la réalité sur le terrain de l’Arc Jurassien et de l’Arc Alpin, nous le rejoignons volontiers: pour nous, l’Europe de demain, sera celle des grandes régions qui se constitueront par la volonté de « patries enracinées » ayant en commun un attachement géographique  et une histoire partagée , ce sera l’Europe des Peuples. Pourquoi pas demain une Confédération des pays de l’Arc Alpin, Une Fédération des Peuples Celtes, une Nation Germanique, une Hanse Scandinave, etc ?

Dans le chapitre suivant, l’auteur a pris le parti de voir l’idée européenne au travers de portraits de figures emblématiques (il en a oublié quelques unes, mais j’ai plutôt tendance à  penser que ce n’est pas un oubli mais un choix restrictif nécessaire pour ne pas alourdir l’œuvre qui est déjà conséquente).  Bien sûr, il n’a pas oublié celui qui, à nos yeux incarne le plus l’idée européenne: Otto de Habsbourg-Lorraine…nous, Niçois, qui avons été pendant une très longue partie de notre histoire des sujets de cette grande famille du Saint Empire Romain Germanique, nous sommes sensibles à cela.

Le chapitre qui énumère les échecs programmés de l’Union Européenne, l’Europe de Marchands, ne fait que nous conforter dans l’idée que cette Europe là est morte et qu’il faudra passer à autre chose: le tout sera  d’être prêt le moment venu car l’histoire n’est écrite nulle part mais elle peut s’accélérer. Nous en avons eu la démonstration à la fin du siècle dernier. Nous aimons le titre d’un de ses articles: Ca donne envie de faire la révolution!   

Dans le chapitre suivant il analyse fort bien l’impuissance de ce géant ligoté qui se retrouve à la merci de forces  qui peuvent l’abattre demain et il a bien vu que l’Europe est en voie de dissolution stratégique.

Son dernier chapitre se veut un plaidoyer pour une alternative « Alter-Européenne »  en gardant  à l’esprit que pour faire l’Europe, encore faut il qu’il ya ait des Européens et que nous soyons tous  « bruxellosceptiques » . Finalement, la  grande question est posée: la nation européenne est elle possible ?  Mais, pour que cela puisse être une réalité, faut il encore que l’Europe devienne une puissance et se pense comme telle (au même titre que les autres nations Continent) sinon ce sera la mort. Nous retenons qu’il a bien retenu tout ce qui a fait que l’Europe s’effondre après des guerres civiles  atroces au XX° siècle entre les Européens qui a permis la montée en puissance de cet Occident qui se pose en fossoyeur de l’Europe. Il faudra bien en arriver, contre tous les nationalismes, à un indispensable révisionnisme européen.

Ce livre est d’une grande importance dans le débat permanent sur le devenir des Peuples , aujourd’hui  prisonniers de vieilles nations en fin de règne et qui aspirent à retrouver une liberté et une souveraineté permettant le libre accomplissement de leur développement culturel. Ce livre n’aborde pas toutes les solutions possibles et, même parfois, son auteur  s’engage sur des chemins qui divergent  des nôtres, mais il a le grand mérite d’introduire une discussion que nous espérons féconde pour l’avenir de tous les peuples d’Europe avec une certitude que nous partageons avec Georges Feltin-Tracol:  les Européens ne veulent pas mourir pour New-York et Washington.

 François TOESCA

Si vous voulez rencontrer l’auteur de ce livre et débattre avec lui, inscrivez vous au prochain diner-débat que nous organisons (en partenariat avec l’Association « le Castellaras ») : Georges FELTIN-TRACOL * sera parmi nous le 10 avril 2012.

* Auteur précédemment d’un excellent ouvrage « Orientations Rebelles »
468 ad