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Marit Pantaï
Notre ami Barbajohan nous a fait le grand plaisir de nous offrir un des contes de sa cabane.
Celui qui vit dans les étoiles nous permet de revoir le Nice d’autrefois dans ce Conte qui fait partie des « Contes de ma Cabane », titre qu’il a donné à la compilation des ses écrits, écrits qu’il a rassemblé dans un blog (après que l’amie Laetitia ait fait toutes les relectures, ce dont l’auteur et nous même la remercions). Si jamais un éditeur, qui aime notre Païs Nissart et qui aime également le rêve et les Contes avait la bonne idée de vouloir éditer notre ami Barbajohan, nous pouvons vous mettre en rapport avec lui. A présent, plongeons nous dans le passé….
Marit Pantaï (Conte de ma cabane)
Bonne nuit les petits…faites de beaux rêves.
Des histoires et des légendes qui planent sur Nice, les Anciens et mon Grand-père nous en ont racontées des « moulouns ».
C’était avant la télévision, et du temps où l’œil vert du poste de radio à lampe brillait sur le buffet de la cuisine.
Après le journal parlé, lorsque le speaker annonçait : « Vous allez maintenant entendre une causerie sur… » ; On lui coupait le sifflet et nous prenions la parole.
Le Mont Chauve était un volcan éteint et dans les temps anciens, une grosse vague était venue de la mer et, durant plusieurs années, la colline du Château était restée une île.
On parlait aussi du « Gran Terramotou » qui avait écroulé des immeubles et occasionné des glissements de terrains ou avaient été englouti des villages : Isola, Roquebillière, Glandèves. (*)
Sans parler des histoires de tranchées de 14-18 et du bombardement de la gare de St Roch. (*)
L’autre génération n’était pas en reste : des combats de mai- juin 40, où les chevaux agonisaient les tripes à l’air sur les routes mitraillées par les stukas. La captivité en Allemagne, les tentatives de d’évasion, puis le maquis, les coups de main et les sabotages, et enfin la libération et les combats des Vosges dans le terrible hiver 1944.
A l’évocation des Vosges, les anciens se réveillaient et reprenaient leur guerre à l’Hartmann Wilerskopf. (*)
« Ho ! Regarda lou paure pitchoun que duerme »
Lorsqu’on a 5 ans et que l’on s’endort sur les genoux de sa mère avant la fin de l’histoire, Je vous raconte pas les « sacrât marrit pantaï » que l’on fait…
De nos jours, lorsque j’entends parler des pédopsychiatres et autres psychologues au sujet de la violence à la télé ou dans les jeux vidéo, je rigole…
Parce que mon imagination d’enfant , à l’époque, était capable de reconstituer les images du Poilu dans sa tranchée écroulée par des obus percutants, englué dans un mélange bourbeux de terre, de merde et de sang, et qui, suffocant dans un air saturé de chlore, se faisait ouvrir le ventre d’un coup de baïonnette bôche.
Lu pauvre pitchoun !, il allait en voir des barbelés, des nids de mitrailleuses et des bombardements…
Mais le pire de mes cauchemars, c’était la destruction de Nissa :
Des bombes de laves incandescentes tombaient sur les collines et la ville.
La Terre tremblait, et des volutes de cendres et de fumées s’échappaient du sommet du Mont Chauve. La famille décida de se mettre sous la protection de Dieu et de ses Saints, en allant trouver refuge au monastère de Cimiez.
Mais sous les secousses de la Terre, le bâtiment se fissurait et menaçait de s’écrouler. Aussi, les Pères nous bénirent et nous conseillèrent d’aller nous réfugier dans les jardins du monastère.
Je me retrouvais donc au belvédère du jardin qui domine une partie de la ville de Nissa.
Les pentes du Mont Boron et du Mont Leuze étaient en flammes.
Et la, j’assistais à l’arrivée de la monstrueuse vague noire qui arrivait du grand large.
Le raz de marée submergea tout et la terrible masse d’eau écumante remonta le lit du Païllon au delà de la Trinité, noyant ainsi l’usine d’incinération et la « maïoun du Chapacan » à l’Ariane.
Derrière les contreforts du chemin de la Serena s’éleva une immense colonne de vapeur rouge.
« C’est la lave du Mont-Chauve qui vient de rencontrer la mer à St-André » dit mon Grand-père.
On ne voyait plus que le haut des immeubles, Riquier, St Roch, Bon Voyage, Pasteur, las abattoirs …, tout ça était sous les eaux jonchées de débris et de cadavres.
De ces eaux noires s’élevaient des volutes de fumées jaunes et vertes qui formaient des tourbillons.
« Des fumerolles de souffre et d’arsenic vomies des entrailles de la Terre » spécifia mon Grand-père.
Au loin, sur la mer, on voyait arriver les bombes de laves qui faisaient s’élever des geysers.
Les gazomètres de l’usine à gaz flottaient tels des navires et dérivaient vers le Port.
Et la colline du Château était devenue une île.
Je pleurais en me demandant si je reverrais mes copains d’école. Et à ce moment là, je me réveillais.
Je refis avec quelques variantes ce cauchemar plusieurs fois durant des années.
Je surveillais d’un œil inquiet la moindre fumée sur le Mont Chauve, et la nuit, j’y guettais la moindre lueur. Un grondement ou une secousse me mettais sur le qui vive pour plusieurs heures.
Et je ne vous parle même pas de ma frayeur à descendre en ville.
Si on allait sur la plage, je me débrouillais pour m’asseoir sur la rambarde de la promenade pour y guetter « la vague ». Je scrutais inquiet l’horizon pour voir si le mur noir se formait au large.
De nos jours, je sais que malgré sa forme, le Mont Chauve n’a jamais été un volcan.
Et que si la plateforme du chantier de l’aéroport de Nice s’est abimé en mer, cela n’a rien à voir avec les prédictions de Nostradamus.*
N’empêche qu’encore aujourd’hui, quand je descends en ville, il m’arrive de penser à mon cauchemar.
Parce que la ville et les collines de mon enfance, ce n’est pas l’éruption du Mont Chauve et la mer qui les ont détruites, mais l’œuvre du progrès.
Barbajohan 25/11/2010
Cette courte histoire ne peut être comprise que par des Nissarts. La ville que je décris est celle des années 1950.
Pour la génération des moins de soixante ans, certains repères n’existent plus, sinon sous forme d’archives photographiques.
Les * renvoient à des références que l’on pourra trouver sur internet.
Au-delà des prédictions de Nostradamus concernant la destruction de Gènes et de Nissa.
Les curieux pourront toujours consulter sur internet : les risques sismiques encourus par la ville de Nissa.
BOUONJOU et MERCI , je suis née à NICE en 1949 , j’ai écouté pendant mon enfance ( comme tous )des histoires sur NICE , c’est un plaisir aujourd’hui de pouvoir lire les écrits de votre GRAND père , et la mer c’est déjà arrivé ( la méditerranée n’est pas un long fleuve tranquille ) reprend toujours ce qu’on lui a prit , les pistes , le paillon , le VAR
… etc salutations