Istoria d’aqui

Doun es passada vila vièia ?

 

Era dou temp que Berta filava…

VIEUX NICE…, OÙ ES-TU PASSÉ ?

C’était un beau bâtiment néoclassique il se trouvait près de la place Garibaldi, à côté de Nicéco.

Ce bâtiment abritait les bains-douches. Au-dessus de l’entrée figurait l’inscription :  » Sois propre  » Caton.

Tous les samedis après-midi nous allions là pour nous laver. Notre mère nous remettait à chacun une serviette, un morceau de savon, un berlingot de shampoing Dop et un peu de monnaie pour payer l’accès en ce paradis. Nous passions, mon frère et moi devant le cinéma l’Esplanade, place Risso.

Nous descendions la rue de la République et nous nous arrêtions quelques minutes devant la Ronde des Heures pour regarder ces pendules magiques qui tournaient une fois à l’endroit et une fois à l’envers. On passait devant le cinéma Pax et dès que l’on atteignait les premiers platanes de la place Garibaldi, on entendait monter, confuse mais éclatante, la clameur des bains-douches.

C’était au-milieu de cette clameur amplifiée que l’on passait la porte. La responsable assez forte avait là son poste, à l’entrée des escaliers. On la distinguait encore assez bien, malgré les volutes de buée qui s’enroulaient et se déroulaient. Ici, on pouvait encore voir des formes, et même quelques couleurs. L’employée était moins qu’avenante. On payait, elle donnait un ticket bleu, arraché grossièrement à un carnet à souches.

On passait alors la deuxième porte. Là, on ne voyait plus rien : Le brouillard était plus épais que dans les marais écossais. En se baissant un peu on réussissait à apercevoir les portes des cabines. Il fallait en trouver une qui soit libre. Je ne sais trop où se trouvaient les chaudières, mais on les entendait ronfler. On entendait siffler la tuyauterie. On entendait gicler les pommes de douches. On entendait surtout les chants et les sifflements des gens qui étaient en train de se laver … On ne les verrait pas, chacun arrivant dans le brouillard, s’enfermant dans sa cabine, repartant dans le même brouillard.

Comment dire ? Aller aux bains-douches, c’était participer un peu à une fête. Des voix de stentors hurlaient des airs d’opéras, d’autres l’Internationale, certains parvenaient, au milieu de cette joyeuse pagaille, à faire entendre une romance de Tino Rossi …

Les portes claquaient… La grosse femme responsable criait, vociférait et tambourinait des deux poings sur les portes :  » C’est fini ! C’est l’heure ! Il y en a qui attendent leur tour !  » Protestations de ceux qui affirmaient qu’ils venaient juste d’entrer …

On avait droit à dix minutes. En fait, si l’on restait sourd aux vociférations et aux tambourinements, on parvenait à faire durer le temps, un peu …

Une fois refermée la porte de la cabine, le verrou tiré, on était chez soi. Dans le brouillard toujours, mais on était chez soi. On pouvait se déshabiller, accrocher aux patères les vêtements et la serviette, ouvrir les deux robinets l’un après l’autre, en se tenant de biais pour ne pas recevoir les premiers jets trop chauds ou trop froid. L’eau coulait en véritable cataracte.

Et on faisait, avec délices et ardeur, mousser le savon. Les nuages de vapeur qui envahissaient nos douches devaient bien avoir sur nos corps et nos esprits les mêmes effets toniques que ceux d’un sauna. En sortant de là, on avait vraiment l’impression de faire partie d’un peuple et d’avoir communié avec ceux qui le composaient.

L’établissement des bains-douches était un peu comme le temple d’une république … La République de Caton !

 » Allez, c’est fini criait la grosse femme, il y en a d’autres qui attendent, il faut sortir ! « 

Ségurano Dé Nissa

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