La santé dans le Comté de Nice et les institutions locales

 

Tout au long de son histoire, le Comté de Nice  fut confronté aux épidémies et autres maladies importées d’ailleurs. 

 

Nous allons essayer d’en faire l’historique dans un premier temps, puis vous faire découvrir quelques personnages marquants dans le domaine de la santé à Nice.

 

 

Les problèmes de santé dans le Comté de Nice sont liés à son histoire particulière. Les épidémies y ont fait rage. Elles nous arrivaient bien souvent par la mer et particulièrement de Marseille. Il y eut des épidémies de Peste, de Choléra, de Typhus et de Variole  qui firent pas mal de dégâts à Nice.

Le pays niçois fut confronté aux  vagues successives  de pestes de 1347-1348, de 1359, de 1580, 1620 (Nice est heureusement épargnée par la peste de 1620) En revanche, dix ans plus tard, sous le règne de Victor-Amédée Ier, elle est très lourdement frappée par l’épisode pesteux de 1630-1631 qui fait de nombreuses victimes également à Tende et Sospel et interrompt le commerce durant près de deux ans. Mais, après ces épidémies meurtrières, elle n’est pas touchée ni par la peste de 1663 (Languedoc, Guyenne) dont les officiers de santé de Vintimille sont informés ni, surtout, par la grande peste de Marseille (1720).  Elle subira cependant la peste de 1373.

Pour ce qui est du choléra, il y eut plusieurs vagues de cette maladie. Depuis les années 1820 l’inquiétude règne en Europe puisque, parti en 1817 des bouches marécageuses du Gange, le fléau avait atteint en 1831 Saint-Pétersbourg, Varsovie, Berlin, Londres et, en mars-avril 1832, Paris. Pour ce qui concerne notre pays (Piémont, Sardaigne, Nice et Savoie), l’administration de Charles –Albert prend des mesures préventives dès le début des années 1830 : un édit (11 octobre 1831) qui prévoit des peines sévères (dont la peine de mort) pour ceux qui violeraient les lois et les règlements sanitaires « …. nous nous occupons à préparer et à établir toutes les mesures capables de mettre nos États à l’abri de la funeste maladie qui ravage aujourd’hui plusieurs contrées de l’Europe… pour le cas où elle viendrait malheureusement à se manifester dans les provinces qui nous avoisinent, ou même en quelque point de notre royaume… ». des « Commissioni di Sanità » sont créées dans chaque ville et dans les communes les plus importantes des États de Piémont-Sardaigne. Malgré ces précautions sanitaires, en juin 1835, les deux premiers cas de choléra apparaissent chez deux forçats du bagne de Nice. Puis la première victime « civile » du choléra est une Française, Madame Darbigny. Très vite, l’épidémie se répand au lieu-dit « delle Pignatiere » et au faubourg de la Croix-de-Marbre.

La lutte contre le choléra est alors organisée : on désinfecte les habitations, on groupe les malades. L’Intendant général de la division de Nice, Fernex, dans une Circolare ai signori Sindaci della Provincia en date du 14 août 1835 renforce ces instructions générales en invitant les syndics à constituer dans chaque localité une commission de secours. Sont notamment supprimées les fêtes publiques et toutes les réunions et rassemblements populaires. Au Lazaret, l’épidémie dure du 23 juin au 4 août et on relève 110 cas et 62 décès (dont 48 forçats). A Nice, on dénombre – pour une durée plus longue, du 10 juillet au 15 septembre – 401 décès, mais le Magistrat de Santé remarque que par rapport à la mortalité des années précédentes, on ne compte que 230 décès supplémentaires. Ces chiffres rapportés à la population de Nice (26.000 habitants) sont peu élevés, mais il faut tenir compte de l’inquiétude des habitants. La conséquence la plus lourde de l’apparition du choléra sera  moins d’ordre sanitaire que d’ordre économique : une des premières mesures, en effet, que prendra l’Intendant Fernex est la fermeture de la frontière du Var et l’établissement tout au long de cette frontière d’un cordon sanitaire. Le Consul de France proteste contre cette politique de « rigueur malveillante, car, écrit-il, le danger ne vient pas du Var mais des nombreuses émigrations de Gênes à Nice ». La fermeture de la frontière interdit aussi le passage aux troupeaux qui, venant de Basse-Provence, estivent dans l’arrière-pays niçois.

Venons-en au typhus. Une épidémie de typhus frappa Nice sous l’occupation du Comté par les troupes françaises : le général Jean-Étienne Championnet dont l’objectif était de garder le contrôle de la forteresse piémontaise de Coni (Cuneo), fut défait et contraint de battre en retraite à travers les Alpes, abandonnant Coni prise par les Autrichiens le 3 décembre 1799 Les troupes françaises, mal équipées et mal nourries, furent ravagées par une épidémie de typhus au cours de cet hiver de l’an VIII et Championnet ainsi que de nombreux soldats succombèrent, victimes de la maladie bien étudiée par le médecin savoisien François-Emmanuel Fodéré (voir plus loin). Nice a connu d’autres épidémies de typhus au cours du XIXe siècle, notamment en 1855-1856, en 1892 et en 1898. Ainsi, dans la même famille, paroisse Saint-Jean-Baptiste, décèdent successivement Raymond de Bauvine-Morel (1833-1855) puis sa belle-mère Virginie Michel née Séranon (1810-1856) et sa belle-sœur Nathalie Michel (1834-1856).

Enfin, il y eut des épidémies de variole dans notre pays niçois.  Il y eut peu d’années sans variole : de grandes épidémies se succèdent aux XVIIIe et XIXe siècles : en 1747 à Nice et Grasse, faisant 37 morts à Roure, en 1801-1802 dans la vallée de la Tinée, venant de Rimplas, en 1864 sur le littoral niçois et dans le secteur des Paillons, en 1887 à Sospel, en 1896 chez nos voisins provençaux à Antibes et Cannes. Leur durée n’excède généralement pas une année. L’épidémie qui touche la ville de Nice de 1898 à 1905, avec un pic maximum en 1901, a une durée exceptionnelle, se transmettant « de maison à maison » et « d’étage à étage ».

Face à ces vagues épidémiques qui touchèrent notre pays, il n’est pas étonnant de voir apparaître quelques figures locales qui se distinguèrent  dans le domaine de la santé. Parmi eux, nous avons sélectionné deux médecins et deux pharmaciens.

Attardons nous sur ces deux  médecins, le docteur François-Emmanuel Fodéré  et le docteur Pierre Richelmi. Le docteur Fodéré (1764-1835), originaire de Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie),  est considéré comme « le père de la médecine légale, après de brillante études à Chambéry puis à Turin, il  obtiendra son doctorat de médecine à l’université de Turin. Il est l’auteur de « Leçons sur les épidémies et l’hygiène publique », publiées dans le contexte des épidémies de fièvres, notamment typhoïdes, de la Révolution. Il s’est également intéressé aux autres maladies contagieuses, comme la  variole. On lui doit également un remarquable « Voyages aux Alpes-Maritimes » (Histoire naturelle, agraire, civile et médicale, du comté de Nice et pays limitrophes, enrichi de notes de comparaison avec d’autres contrées) paru en 1821. Il y eut aussi, le docteur Pierre Richelmi, médecin, né à Pigna et mort à Nice (1769-1841) auteur de « Etude sur les agréments et sur la salubrité du climat de Nice » (1822) ouvrage qui fera référence dans le monde entier et lui valut d’être membre de nombreuses sociétés savantes à l’étranger. Le docteur Pierre Richelmi publiera à Nice, chez Cougnet, en 1832 un « Essai sur le choléra morbus épidémique et contagieux ».

Parlons à présent des deux pharmaciens, le docteur Ange-Denis Ronchèse et le docteur René-Louis Mercier.  Ange-Denis  Ronchèse, est un pharmacien de Nice, né le  27 janvier 1882 et mort 13 juillet 1967 à Nice. Il est licencié ès sciences en 1905, devient pharmacien de 1ère classe cette même année. Il est reçu docteur en pharmacie à l’Université de Paris en 1908. Il est interne et lauréat (médaille d’argent) des Hôpitaux de Paris entre 1902 et 1907. Il enseignera et aura ne nombreux titres.

En 1943, il habite au 31 avenue Maréchal Foch, à Nice et c’est là qu’il va fonder son laboratoire pharmaceutique. Après de nombreuses recherches sur les lysats il créera et produira les « ampho-vaccins ». Le docteur René-Louis Mercier né en Algérie et mort à Nice (1865-1957), reviendra à Nice en 1922 et fondera la « Grande Pharmacie MERCIER » ainsi que les laboratoires du même nom. Ces laboratoires produisaient de nombreuses spécialités bien connues (Acétumine Mercier, Miel, Crème et Savon à l’Hamamélis et Iodorganine Mercier,etc.) Il sera adjoint au sport dans la municipalité d’Alexandre Mari.

Je vais, à présent, vous parler de mon grand-père Louis René Mercier, car il fait un peu partie de l’histoire de notre ville (1), et de ce qu’il a accompli ici.

C’est en Algérie que les familles du sud et du centre de la France se rencontrèrent (un de mes ancêtres y était avant la colonisation (en 1827)  et un autre de mes parents y restera après l’indépendance jusqu’à sa mort). Ils vivaient dans l’Ouest de l’Algérie, dans l’Oranais (Aïn-temouchent, Arzew, Tlemcen) et mon grand –père fit ses études de pharmacie entre l ’Algérie et la Métropole. Il démarra sa carrière professionnelle dans l’Oranais, mais, la santé d’un de ses fils (mon oncle Paul) se dégradant, la faculté lui conseilla de rejoindre la Métropole. C’est ainsi qu’en 1922, la famille prit le bateau pour venir accoster à Nice : mon grand-père trouva une propriété dans le Var, la Propriété du Dragon (à côté de Draguignan), pour y loger sa nombreuse famille  et va créer la première pharmacie Mercier à Nice (Avenue Malausséna). Par la suite, la « Grande Pharmacie Mercier » descendit sur l’avenue de la Victoire (actuelle avenue Jean Médecin), d’abord à l’angle nord de la rue Pastorelli puis, en face, à l’angle sud de cette même rue (emplacement actuel).  Dans le même temps, il fondera les « laboratoires MERCIER » dans le quartier Saint Roch entre la Route de Turin et le Boulevard J.B. Verany , l’entrée se trouvant Rue de Fontan (2). J’ai mes plus vieux souvenirs là-bas (mes parents y habitaient dans une dépendance lorsque je suis né). Je me rappelle la jolie cour au centre de laquelle trônait un puit et du gros chien des gardiens avec lequel je jouais. J’allais parfois, avec la permission du « Patron » (c’est ainsi que ses enfants appelaient le grand-père), trainer dans les salles du laboratoire, parmi les tables où s’affairaient les ouvrières qui conditionnaient les spécialités MERCIER. Une vraie ruche ! Le grand-père, envoyait, une fois par semaine, un camion pour récupérer l’eau distillé produite par l’alambic qui se trouvait dans la propriété du Dragon. Et c’est dans ce laboratoire qu’étaient fabriquées les spécialités qui étaient proposées aux niçois dans la « Grande Pharmacie Mercier ».

La plus célèbre d’entre-elles était l’Acétumine MERCIER, une pommade cicatrisante d’une rare efficacité (il n’y a plus l’équivalent aujourd’hui) qui, en plus de traiter toutes les agressions de la peau (coupures, brulures, foulures,  etc…) avait l’avantage de sentir la lavande. Cette pommade c’était un peu la « potion magique » des niçois (je peux vous assurer qu’elle a fait des miracles). Un peu plus tard, mon grand-père qui était un bon vivant porté sur la bonne chère et qui avait pris pas mal de poids, mit au point une formule pour perdre du poids, l’Iodorganine MERCIER (qui sera exploitée par les « laboratoires MERCIER frères » (lesquels étaient situés au Boulevard Pape Jean XXIII dans le quartier de Saint Roch). A côté de ces spécialités, le laboratoire produisait des tas de crèmes et pommades de bien-être (Crème Hamamélis MERCIER-grasse et non grasse – Miel Hamamélis MERCIER et  Savon Hamamélis MERCIER…). Je ne vous cacherai pas que nous fabriquions, pour un usage interne à la famille, notre propre pastis. Le grand-père fut atteint du virus de la politique et fut élu dans la municipalité d’Alexandre Mari, avec le titre d’adjoint aux sports (il était très ami et complice avec Jean Médecin avant qu’un évènement ridicule ne les éloigna).  

 Robert-Marie MERCIER

(1) Il créa des entreprises qui fournirent du travail à beaucoup de niçoises et de niçois et il donna de son temps pour participer à la vie de sa ville comme élu au conseil municipal et adjoint délégué aux sports.

(2)Sièu nassute carriera de Fontan. L’entrée de la cour a, aujourd’hui, disparu.

 

Cet article a été écrit pour l’édition 2022 de « l’Armanac Nissart » édité par la Fédération des Associations du Comté de Nice (FACN)

 

 

 

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