LES CONTES DE MA CABANE

Conte de ma cabane… à la

manière de…

Nous vous livrons un « Conte de ma cabane » de lou nouostre amic Barbajohan, un Conte à la manière de… mais çela nous vous laissons le découvrir.


L’enfant qui criait au loup.

Assis et adossé à un vieux chêne, je surveillais nonchalant le troupeau, mon chien lové à mes pieds.

Le ciel était bleu, le soleil prenait sa course d’automne et une légère brise rafraîchissante caressait les feuillages.

Heureux et tranquille dans le silence de la nature tout juste bercé par le bruit rassurant des sonnailles.

C’est alors que j’entendis une petite voix : « Antoine, Antoine, c’est toi ? »

Puis : « Antoine, soit gentil, montre-toi, c’est moi .»

Je me dis : « Cela doit être des randonneurs avec des enfants, pourtant ils sont loin du chemin jaune. »

L’appel se renouvela…Au bout d’un moment, je me levais et écoutais à nouveau. Ce qui me semblait bizarre, c’est que mon chien n’aboyait pas, lui qui réagit dés qu’un intrus approche de notre territoire.

Finalement, j’intervins : « Holà, qui appelle ! Ici, c’est le berger, vous êtes perdus ? »

La petite voix répondit : « Monsieur Antoine… .Je savais que je vous retrouverais. J’arrive ! »

A tous les coups, c’est un gamin qui s’est égaré. Me dis-je.

Ses parents ou ses accompagnateurs ne doivent pas être loin. Je le récupère et on va les chercher…

Enfin, entre deux buisson de buis, apparu une frêle silhouette. Mon chien se précipita remuant la queue et gémissant de joie. C’était un petit garçon d’une huitaine d’année peut-être, blond avec des reflets roux, le teint halé, plutôt maigrichon. Il vint vers moi tout en jouant et riant avec le chien.

-« Antoine, je suis content de t’avoir retrouvé. »

– « C’est que, petit, je ne m’appelle pas Antoine. Je suis Johan, le berger. »

– « Tu n’est pas Antoine ? »

– « Eh non ! Mais dis- moi. Tu es tout seul ? Où sont les autres ? Cela fait longtemps que tu ne les as pas vus ? »

– « Ben oui, je suis tout seul ! Je cherchais Antoine, mais j’ai dû m’égarer. Il y a longtemps que je n’étais pas venu ici. »

– « Tes parents vont s’inquiéter ? »

– « Oh, eux ! Cela m’étonnerait ! «

Je ne suis pas pédopsychologue, mais j’ai eu des enfants et des petits-enfants. Aussi, je me dis : « Il ne faut pas l’affoler. Il a l’air frais ; donc il ne vient pas de bien loin. Les gens qui l’accompagnent ne vont pas tarder à se manifester. Il s’agit de l’occuper en attendant. Au pire, on redescendra à la cabane avant la nuit et j’appellerai les gendarmes. »

Tout en câlinant le chien, il me regardait en souriant et en jouant de son regard bleu étoilé.-

« Qu’est-ce que tu fais ici monsieur, tu as perdu ton avion ? »

– « Non, je fais le berger, je m’occupe des moutons. »

– « J’adore les moutons, mais il n’y en a pas chez moi. Dis monsieur, tu ne veux pas me dessiner un mouton ? »

– « Je n’ai ni papier, ni crayon. En plus je ne sais pas bien dessiner. Mais regarde, il y en a plein de mouton, ici. J’en ai même des apprivoisé. Viens, suis- moi, tu pourras en caresser. »

Je sortis de la poche italienne de mon treillis un sac en plastique et l’agitais. Immédiatement, mes gourmandes rappliquèrent, leur progéniture sur les talons. L’enfant put ainsi câliner sans difficulté mes brebis préférées dont Gratounette qui comme son nom l’indique adore caresses et gratous.

« Dis-moi petit, c’est quoi ton nom ? Couma ti souna ? »

-« Je n’en ai pas. Mais les autres m’appellent altesse. Je préférerais m’appeler renard ou faucon. »

– « Altesse comme çà, tout seul ? »

– « Non, ils disent son altesse ou votre altesse. »

– « Segur que son ou vautre, c’est un peu cours comme prénom ! »

– « Dis Antoine, tu veux pas m’appeler renard ? »

– « Je t’appelle Renard, si tu m’appelle Johan. D’accord ? »

– « D’accord Johan. »

– « Et bien d’accord Renard. »

Il avait beau être adorable ce petit, ouvert, intelligent et tout, mais par moment il entrait en silence son immense regard bleu dans le vide.

Et puis que je me disais aussi ; c’est embêtant que tu restes tout seul avec lui. On sait jamais avec toutes ces histoires que tu te retrouve embarqué avec une inculpation de pédophilie.

J’eus l’idée d’un jeu : « Ecoute Renard, tu connais l’écho ? On va aller au bord de la falaise, en face, il y a une autre montagne et on va crier jusqu’à ce que l’écho nous réponde. »

– « Oh oui, oh oui. » dit-il ravit.

Arrivé sur le lieu, je commençais : « Eh ohoo..Ohoo Héee… y a quelqu’un. Je suis un petit garçon perdu ! »

Mais nul ne répondais sinon l’écho,

-« Ehéeeee, qu’un un un , due ee e… »

Renard se mis lui-même à crier des choses : « Oh ooo ! Oh Héee Ohoo, Ah ! Aaaa ! Johan ! »

En attendant, j’avais la conscience tranquille ; on avait tellement bramé qu’il y aurait bien quelqu’un qui nous aura entendu. Les bêtes chômaient toujours et il fallait attendre encore une heure où deux avant de les mettre sur le chemin du retour.

En attendant, Renard ne me lâchait pas d’une grappe. Il était curieux et avide de tout.

– « Et comment ? Et pourquoi ? Et que comment de parce que ? Et de parce que de pourquoi ? »

J’avais l’impression de perdre ma salive au fur et à mesure que mon cerveau se vidait.

Après avoir épuisé un certain nombre de sujet concernant les choses de la nature. Il redevint pensif et me dis : « Tu as combien de mouton ? »

– « J’ai soixante mères, vingt-huit agnelles de deux ans, quinze agnelles d’un an et quatre-vingt seize agneaux. »

– « Tu veux bien me dessiner un mouton ? »

– « Pourquoi faire ? »

– « Pour amener avec moi, un souvenir de notre rencontre. »

Ah, les enfants, ils ont les mots qu’il faut pour vous rendre fada d’attendrissement.

– « Mais je n’ai ni crayons, ni papier ! »

– « Attend ! » Et il partit en courant et revint tout aussitôt avec un cahier de dessin et plusieurs crayons.

– « Voilà, maintenant tu peux dessiner ! »

– « Je te préviens, je ne suis pas dessinateur. Mais je vais essayer de faire pour le mieux. »

Au début, je ne prenais pas de modèle, pourtant j’en avais devant les yeux. Non, je dessinais une brebis dont le modèle se situait entre la réalité et la mémoire de mon imagination.

– « Voilà mestre Renard. Alors ? »

– « Elle ressemble à un âne ! »

– « Attend, j’en refais une autre. »

Quelques traits plus tard…- « Alors, c’est mieux ? »

-« Là, on dirait un cochon frisé ! »

– « Oui, tu as raison, mais je crois que je vais m’améliorer. »

Cinq coups de gomme et une mine cassée plus tard…- « C’est ressemblant là ! Non , »

– « ça commence, mais on dirait une chèvre ! Pourquoi tu ne dessinerais pas Gratounette ? »

– « Ben oui, c’est vrai, je vais l’appeler.. »

Je fis venir mon top model ovin à l’aide de quelques poignées de grain et elle se comporta en vraie professionnelle.

Là je m’appliquais et un quart d’heure après…- « Alors qu’est-ce que tu en pense maintenant ? »

– « Ah oui, c’est beaucoup mieux. C’est même ressemblant. Tu vois, plus tu dessines et plus tu t’améliores. Tu devrais en faire une autre, là, la blanche avec les cornes et la tête marron. »

Es ben bravi, lou pitchoun, mais je commence à avoir des crampes dans les doigts à force de dessiner.

– « Bon, je veux bien ; mais c’est le dernier ! »

– « D’accord pour le dernier dessin de mouton. »

Une demi-heure plus tard, Léonardo da Vinci, n’aurait pas fait mieux. Le sourire discret , mais radieux, de ma brebis valait bien celui de la Joconde.

– « Ah, il est parfait celui-là. C’est celui que j’emporterais. »

Et aussitôt, il me prit par le cou et m’embrassa. Je dois dire que j’étais ému.

Puis, il me regarda d’un air malicieux et me dis : « Maintenant, dessine- moi un loup. »

– « Mais pourquoi un loup ? »

– « Parce que là où il y a des moutons, il faut des loups. »

– « Mais le loup, il mange les moutons ! »

– « De temps à autre seulement et puis lui aussi , il faut bien qu’il mange. »

– « De toute façon, je n’en ai jamais vu ; sinon en photo et si je n’en ai pas sous les yeux, c’est comme les moutons. Je ne saurais pas le dessiner. »

Avec un argument comme çà, j’étais tranquille . Du moins, je le croyais…

– « Qu’à cela ne tienne Johan, Je vais appeler mes amis les loups. Ils vont venir et ainsi tu pourras me dessiner un loup. »

– « Parce que tu sais faire venir le loup ? »

– « Tu appelles bien tes brebis toi ! »

Imagination débordante due à un sevrage prolongé de jeux vidéo : Diagnostiquais-je .

Et il se mit à hurler au loup. « Houwououwou… »

Au début, je rigolais, mais par un étrange effet, le ciel s’obscurcit et au loin, j’entendis un hurlement…Renard hurlait et d’autres voix, là-bas dans l’immense forêt qui recouvre le massif, lui répondaient.

Je sais bien que lorsque l’on fait des ramasses avec appel du loup ; il arrive que quelques jeunes répondent , mais là , c’était systématique.En plus lorsqu’il changeait de modulation, en face, de l’autre coté, çà répondait de manière identique.

Pas de doute, il parlait avec les loups…

– « Arrête ! lui dis-je, si les loups viennent ; ils vont dévorer mes moutons. »

– « Mais non, pas aujourd’hui, ils m’obéiront, tu verras. »

Le chien avait le poil tout hérissé. Il grognait et gémissait.

Je me fis plus autoritaire : « Tu arrête çà, maintenant Renard ! »

Mais il se mit à courir sur la crête, et à chaque arrêt se mettait à pousser son cri : « Houoouoou, whououou, whouooou. Maintenant les réponses se rapprochaient.

Je me mis à lui courir après .Je le rattrapais enfin, le saisit par les épaules, l’envoyais à terre et lui posais mon bâton sur la gorge.

– « Tu arrêtes maintenant. Tu as compris. Tu arrêtes les cris de loup ! »

Il commençait à suffoquer et je me rendis compte de ma folie

.Je desserrais mon étreinte, m’assis à coté de lui et me mis, moi, à pleurer.

Qu’allais-je faire, à un enfant, tout cela n’étais peut-être que jeu et illusions.

– « Excuse-moi Renard. Je deviens fou. Je ne voulais vraiment pas te faire de mal. Je t’aime bien, tu sais. Je ne sais pas ce qui m’a pris. »

– « Je sais Johan, mais tu n’es pas encore prêt pour connaître la grande harmonie avec la nature. Je vais partir maintenant, mais j’emporte le dessin. »

Je n’osais le regarder. Je fixais le paysage au loin… Quand enfin, j’eus le courage de me retourner ; il avait disparu.

Et j’avais attrapé un de ces torticolis du diable en faisant mon pénec adossé à ce chêne.

En plus le soleil avait tourné, j’étais en sueur et tout ensuqué.

Les moutons allaient bien ; il faisait jour et il n’y avait pas de loups à l’horizon.

Ce n’est que quelques semaines plus tard, en vidant ma musette que j’aperçus une feuille de papier canson pliée en quatre. Cela devait faire un moment qu’elle était dans cette vieille musette US qui datait de la guerre cette feuille.

Car en plus d’être toute jaunie ; il y avait des taches de moisissure. Je la dépliais soigneusement sur la table de la cabane. Dessus, il y avait dessiné au crayon…Un homme assit sur un rocher, un avion, un petit garçon blond, un renard et …un mouton. Le dessin était signé : Antoine de Saint… le reste étant illisible.

Barbajohan

Fin août 2010.-Dépôt Septembre 2010

PS: Je ne prétendrai jamais effleurer le talent d’Antoine de St Exupéry , mais si ma nouvelle donne à quelqu’un le désir de lire ou relire son œuvre ce sera toujours çà de gagné

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