LA NATURE EST PARFOIS DURE…

Un nouveau  texte de

« lou nouostre amic

Barbajohan »:

Notre « Païs Nissart » est avant tout un pays de montagne et toute l’histoire de notre terre, depuis les temps immémoriaux, est tournée vers cette montagne. En témoignent les passages des Ligures aux alentours du Mont Bégo, la montagne sacrée, où aujourd’hui encore nous pouvons en voir les traces. Puis, la culture pastorale d’abord, agricole ensuite, s’est développé sur les flancs abrupts de nos Alpes du Sud. Ces montagnes sont devenus le creuset de la résistance Nissarde face à tout ceux qui voulaient s’accaparer notre terre: l’épopée des « Barbets » est, à cet égard, significative. Au cours de notre histoire, certains ont pu conquérir notre Pays et se l’accaparer, mais, jamais, ils ne pourront s’accaparer l’âme de notre peuple.


Nous avons un ami berger, qui passe son temps dans les montagnes avec son troupeau et ses chiens et qui a tout loisir de se ressourcer, tel Zarathoustra sur sa montagne, dans une nature encore peu polluée par les « petits hommes ».  Mais, pour notre plaisir à tous, il nous abreuve de textes qui sont autant de réflexions philosophiques en plus d’être poètiques. Nous ne résistons pas au plaisir de vous livrer un de ces derniers petits bijoux (suivi de la traduction du Gavouot en Français)

 

 

Lorsque  l’on vit dans la montagne, dans des lieux isolés, à peu prés à l’abri des signes de la civilisation moderne ; on s’aperçoit qu’il se passe des choses étranges autour de soi.

Il nous semble percevoir certains phénomènes pour lesquels sur le moment, nous n’avons point d’explications rationnelles.

Il arrive même que ces observations soient si furtives que ce n’est que lorsqu’elles se répètent que l’on y prête vraiment attention. Il faut dire aussi que notre sensibilité à ces visions ou à ces pressentiments se révèlent le plus souvent lorsque nous sommes seul.

Ainsi, il nous arrive d’avoir la sensation d’être observé. Cela est compréhensible, nous ne sommes pas les seuls habitants ou utilisateurs de ces lieux sauvages.

Vous remarquerez au passage que l’on appelle : lieux sauvages ou naturels, des milieux où la volonté d’aménagement ou de domestication de l’homme ne semble pas se manifester outre mesure.

Des espaces où les seuls sentiers sont ceux qui sont créés par la faune sauvage ou le passage épisodique de quelques brebis. Des milieux où la main de l’homme n’intervint qu’exceptionnellement:  des lieux où les traces de son activité se sont estompées au cours des siècles. Bref, tout un tas d’endroits non balisés, non sécurisés en dehors des sentiers battus.

Des lieux où le berger s’aventure lorsqu’il est à la recherche d’une bête et que parfois un chasseur franchit quand il poursuit le gibier qu’il a blessé.

C’est pour cela que la perception d’un paysage ne peut-être le même entre celui qui vit de la montagne et le randonneur qui suit les chemins balisés en regardant son GPS ou sa montre et qui ne s’arrête que quelque instant pour déclencher son appareil photo numérique.

Alors, regardez, écoutez, mettez vos sens en éveils, essayez de faire se révéler à nouveau l’instinct qui s’étiole en vous au contact des « progrès » de la civilisation.

Parfois lorsque l’on chemine où que l’on se pose ; on a l’impression d’une présence qui vous observe.

On regarde et l’on aperçoit une drôle de forme, mi-animale, mi- humaine, avec quelque chose de minéral ou de végétal. Lorsqu’on repère le lieu et que l’on s’y rend, en faisant parfois plus d’une demi-heure de marche au travers roches et broussailles ; on ne trouve rien de significatif.

C’est parfois une souche, un buisson, un rocher, l’ombre portée d’un arbre qui ne se distingue en rien des choses qui l’entourent. Enfin lorsque l’on regagne son point initial d’observation ; on ne constate plus rien. Pourtant, quelques jours après, du même endroit,  on aperçoit la même étrange chose.

Autre sensation, les lieux ou les choses qui vous attirent. Il peut s’agir d’un arbre particulier, d’une balme dans une barre, d’un endroit dans le lit d’un torrent, d’un replat au sommet d’une crête. Mais pourquoi ces lieux vous attirent ils, s’adressent ils à vous particulièrement ?

De même qu’il y a des endroits où l’on se sent bien d’y être et d’autres où l’on ressent comme un malaise à y demeurer. Je parle évidemment des lieux isolés où l’on se retrouve en état de solitude et où l’on risque peu de rencontrer d’autres humains.

Ma définition est de dire qu’il y a des lieux que je ressens comme accueillants et d’autres comme hostiles. Mais c’est ma définition, sans plus…

C’est comme l’eau des sources: il y en a que l’on boit tout simplement parce que l’on a soif et d’autres qui vous procurent une sensation de bien être. Évidemment, je ne vous parle pas de l’eau en bouteille plastique. Il en est de pour  même le bois que l’on brûle pour se chauffer l’hiver.

Vous ne remarquez pas ? Il y a l’odeur des bûches qui se consument qui selon les espèces n’exhalent pas les mêmes fragrances même s’il s’agit des mêmes essences. Mais il y a aussi du bois dont on dirait qu’il brûle avec plaisir et d’autre dont on a l’impression qu’il souffre en se consumant.

Vous devez vous dire qu’il a viré fada le Johan… Et pourtant…Est-ce que c’est parce que j’ai un sens de l’observation développée ou que je suis très attentif que je vois souvent des Aspics ou parce que je les sens ?

Autres choses, la nuit, lorsque vous cheminez dans des paysages dénués, sur des kilomètres, d’éclairages artificiels: vous apercevez parfois un éclat lumineux dans le sombre d’une forêt, au creux d’une gorge, voire bien en dessous d’une ligne de crête. Vous restez parfois un long moment à vous poser la question : » C’était quoi ? »

Un éclat de lune réfléchi par quelque chose, une illusion d’optique du jeu des étoiles ? Quien sas ?

Et le bruit des rivières et des torrents, sans parler des failles dans la terre d’où s’échappent des courants d’air: par moments vous n’avez pas l’impression d’entendre des voix humaines ?

Après tout celui qui ressent l’harmonie musicale des bruits de la nature serait-il en quoi plus « dérangé » que celui qui vibre en écoutant l’œuvre des grands musiciens ?

En quoi celui qui ressent des sensations en regardant les œuvres visuelles crées par la nature serait-il moins civilisé que celui qui ressent les mêmes sensations en admirant l’œuvre des grands maîtres de la peinture ou de la sculpture? N’existe-t–il qu’une culture ? Celle des élites urbaines ?

Ce n’est pas pour autant que je tombe dans le mysticisme ou la spiritualité.

Non, c’est autre chose…

Comment dire : les pierres, les arbres, les sources, les torrents de mes montagnes me parlent, me transmettent leurs rêves. Je lis et je vis en elles.

Ailleurs dans d’autres paysages,  je suis sourd, muet et aveugle.

C’est peut-être pour cela que je suis attaché à mon pays, qui n’a ni limites administratives, ni législation, ni frontières.

Et qui hélas n’est peut-être plus qu’un pays de montagnes imaginaires.

Mais après-tout l’imaginaire est sans doute le dernier espace de liberté qui nous reste et que l’on peut partager avec d’autres.

Barbajohan Septembre 2010.

Boufa la tua rabia subre lou bouis e lou ginestre. Fa rounca lou sapin de cresta alta.
Fa plega lou aubres, crema lu vegetacioun, desseca l’erba de lou soutebouosc..
Maestrau que escuba lu ciel.
Ciel que lu bleu tristament palisen au vent feni per me douna la nausca.

Vent freious que me fa frissouna au pitchon matin.
Lou parpadeih e lou lingoustas se rampinan desperament au pen de flotas de cardoun que s’espuisan a aigrainar au flus de tu soufle maledit.
Degun rapache nen tamisa dessamoun, aqui bas quauq…ue passeroun prouvan de passar d’un aubrissoun a austre.
Ma degun ne canto, lu vent es tan fouort, qu’ien audi ?
Maestrau fa que te diech: tu me fatiga !
Tu espantega lou mieu pantaih amé lu tua boufadas.
Maestrau, refugia en mieu alberc, senti mounta l’odí…de mieu nouiousada.

(Mistral.
Souffle ta rage sur les buis et les genets.
Fait ronfler les sapins des hautes crêtes.
Fait plier les arbres, brûle la végétation, dessèche l’herbe des sous bois.
Mistral qui balaye le ciel.
…Ciel dont le bleu tristement pâlissant au vent finit par me donner la nausée.
Vent froid qui me donne le frisson au petit matin.
Les papillons et les sauterelles s’accrochent désespérément aux pieds des touffes de chardons qui s’épuisent à égrainer au flux de ton souffle maudit.
Nul rapace ne plane là haut, ici bas quelques passereaux essayent de passer d’un arbuste à l’autre.
Nul ne chante, le vent est si fort, qui écouterait.
Mistral, il faut que je te dise: tu me fatigue.
Tu disperse mes rêves de tes bourrasques.
Mistral, réfugié dans ma cabane, je sens monter la haine. .. de l’ennui.)

 

 
 

Notre ami Barbajohan a plein de textes dans ses armoires et cherche un éditeur. Si vous lisez ces lignes et que vous ayez l’envie de le publier, n’hésitez pas à nous le faire savoir.

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