Entretien avec…..Raggapero

Pour tout ceux qui s’intéressent à notre culture, il y a une émission de radio à côté de laquelle on ne peut passer.

La plupart d’entre vous a déjà écouté au moins une fois l’émission « Raggapero » sur Fréquence K (103.4 FM). Avant la reprise de la rentrée qui aura lieu ce vendredi, nous sommes allés à la rencontre de deux de ses animateurs Djé et Dédou afin d’en savoir un peu plus sur cette émission Nissarde déjantée. C’est à la terrasse d’un bar du Cros de Cagnes, pour rester dans la note que nous avons réalisé cet entretien.

Racines du Pays Niçois (RPN): Jérôme et Didier, bonjour ou plutôt devrais je dire Gé e Dédou aloura en gamba ? J’ai souhaité vous rencontrer pour faire le tour d’une station de radio locale qui est devenue culte dans les milieux de la culture Nissarde, je veux parler de Raggapero sur Fréquence K ( 103.4 FM   ), bien sûr. Qui êtes vous ? Comment a démarré l’aventure radiophonique ?  Comment a-t-elle évoluée ? Avec qui ? Quels sont les projets ? Plein de questions qui intéressent nos lecteurs. Donc, pour commencer, présentez vous.

 

Jérôme Fantino (Djé) : Bien, moi c’est Jérôme Fantino à l’état civil, Djéraggapero pour la radio, et je suis de la plus belle ville du monde, et cela est reconnu par les instances internationales, le Cros de Cagnes.

 

Didier Nocentini (Dédou): Té, ça m’aurait étonné qu’il ne la  ramène pas l’autre avec son petit village de pêcheurs qui n’est qu’un lieu dit de l’autre côté de la frontière. Il ne faut pas écouter ce « pébroun », car c’est moi qui viens du plus beau coin du monde, le village de Castagniers dans le Comté de Nice. Je suis Didier Nocentini à l’état civil et Dédou pour la radio.

 

RPN : Donc, si j’ai bien compris, il y en a un qui vient du Comté de  Nice et l’autre de France ?

 

Djé : Et pourquoi vous dites ça ? Le Cros de Cagnes ce n’est pas encore le Comté de Nice mais ce n’est déjà plus la France. Comme le village romain dans Astérix, nous sommes l’îlot de résistance des langues occitanes d’où tout part en fait.

 

Dédou : Ca c’est vrai !

 

RPN : Comment a débuté l’aventure Raggapero ?

 

Djé : En 1998, je tournais autour de la mouvance Nux Vomica et je suis allé à TSF qui avait ses studios dans le vieux Nice parce qu’un copain m’avait dit qu’ils avaient parlé du « Pilou » et je comptais  leur proposer des disques de Nux Vomica et autres groupes de « ragga ». Le contact a été très bon au point que la femme que j’ai rencontré  m’a proposé de créer une émission « ragga ». Il a fallu se bouléguer et j’ai rameuté tous les potes pour lancer cette émission à l’arrache. J’ai du me démerder tout seul pour la première émission (le technicien n’étant pas venu) puis, pour l’émission suivante, j’ai fait venir un copain qui faisait de la radio.

 

RPN : Et ça a marché tout de suite ?

 

Djé : Et bien oui, on y croyait tellement que cela a du nous donner l’énergie nécessaire pour faire passer des émotions sur les ondes… et, rapidement,  un public nouveau a accroché.

 

RPN : Une première émission c’est bien mais il fallait assurer derrière quand même.

 

Djé : Heureusement, Patrice Arnaudo, qui est un maître es « Nissart » aujourd’hui m’a tout de suite rejoint et aidé à tenir la baraque.  Je donnais le côté « Ragga » et lui le côté enracinement « Nissart » et langues occitanes. Nous avons trouvé notre équilibre et pendant deux, trois ans, tout les deux nous produisions notre émission le mercredi soir de 20H à 21H. Puis quelques potes nous ont rejoint le plus souvent ponctuellement.

RPN : Mais, vous me parlez de TSF, qui pour moi est une fréquence Jazz (que j’apprécie d’ailleurs) alors qu’aujourd’hui la référence de Raggapero est Fréquence K…que s’est il passé ?

 

Djé : Il faut savoir que TSF a décidé de devenir une fréquence réservée au Jazz et nous avons du nous retourner pour trouver une autre fréquence rapidement. D’abord parce que nous nous étions pris au jeu et aussi parce que nus avions trouvé un public pour notre émission. Alors, pendant l’été 2001, nous sommes tombé sur Fréquence K à Carros. Ce fut le transfert international de l’été?

 

RPN : Et ils vous ont engagé de suite ?

 

Djé : Non, ils nous ont demandé de faire une émission test et nous nous y sommes collé avec Cédric. Et ça a marché. Depuis, cette date là, ça roule.

 

RPN : Mais vous avez changé le jour et l’heure.

Djé : Oui, maintenant, c’est le vendredi soir de18Hà 20H.  C’est un bon créneau, juste après la semaine de travail, les gens sont plus disponibles pour écouter notre « émission culturelle ».

 

Dédou : Oui, parce qu’au niveau culture, ils peuvent s’accrocher.

 

RPN : Mais, est ce facile de drainer des publics apparemment fort différents tels que ceux du « ragga » et de la « culture Nissarde ». Les « caga-bléa » (les Niçois pour ceux qui ne pratiquent que la langue d’oil) ne se lassent ils pas du « ragga » ?

 

Djé : Nous avons su éviter le piège de la lassitude en diversifiant notre offre de musique. Au début il n’y avait que du « ragga » puis, tout en restant dans notre créneau de musiques d’ici, nous avons inévitablement évolué…trad, reggae, rock, ballades, etc. La très grande majorité de nos musiques sont marquées par une appartenance aux langues romanes voires occitanes : Nissart, Provençal, Piémontais, Italien et toutes les autres langues occitanes.

 

Dédou : Au début c’était « ragga » et maintenant c’est « gaga » . Mais la diversification n’a pas concerné que la musique, elle a concerné  aussi l’animation : tchatche, musique, apéros, et C…….. .  On sait varier les centres d’intérêt pour parler de tout et de rien, de la vie des gens d’ici, des évènements d’ici, ce sont des débats sans fin. Taddéi n’a pas le monopole de la culture, vé, et il va falloir qu’il s’accroche avec nous.

 

 

RPN : Pour ce qui est de la musique, il n’y a que des langues enracinées (je préfère dire enracinées que régionales. NDLR) sur Raggapero ?

 

Djé : Non, il y a des chansons en français également, dans la mesure où elles ont un rapport avec nos cultures locales…et avec le « ragga ». Sur 215 émissions, nous avons passé 2200 chansons différentes et sur l’ensemble si il y a 10 chansons en anglais, c’est le bout du monde. Par exemple dans une soirée, il y a au moins six langues différentes, d’autant que dans l’Italien, il y a beaucoup de dialectes différents.

 

Dédou : Et puis nous avons notre « blues » local qui n’a pas besoin d’anglais, lui.

 

RPN : En fait, ce n’est pas par hasard que vous vous êtes retrouvé sur Raggapero, vous étiez tout les deux déjà bien imprégnés de musique. Gé vous teniez les manettes de la régie de « Nux Vomica » et Dédou, vous avez monté votre groupe « AOC 06 » qui est le groupe de blues Nissart.

 

Djé : Oui, c’est vrai, mon orientation « ragga » ne date pas d’hier et avec la bande de Nux Vomica j’étais vraiment accro.  Cela ne m’a posé aucun problème de produire de telles musiques.

 

Dédou : Moi aussi, il y a pas mal de temps que je gratouillais et écoutais du blues pour finir par travailler un peu (ne rigolez pas !) et créer avec Carole l’AOC06. Donc, quand j’ai pu intégrer cette bande de fous, je ne me suis pas fait prier.

 

RPN : Puisqu’on parle de bande, qui anime les émissions Raggapéro ?

 

Djé : Bon, le trio  de base se compose de Dédou, Patrice et moi. Chacun a sa spécialité, moi la musique, Patrice la culture locale et Dédou la gastronomie (là, on entend nettement, en fond, un enfoiré, venant du collègue d’à côté). Il y a aussi Chris et Mika qui viennent tout le temps : comme ils sont les piliers de l’Amicale des Sacs à Vin (ADSAV), nous avons nos testeurs agréés pour la partie apéro. Il y a le petit Josselin qui nous fait sa chronique en Nissart des « vilage d’aqui ». Et derrière tout ça, la charmante Vanessa à la voix suave. Nous avons de temps en temps des visiteurs occasionnels (bachas assuré avec eux) que sont le Professeur Gimbagoya et le Docteur Duchemin (Tiens, on pourrait mettre Patrice dans les visiteurs occasionnels: une fois en retard, une fois il vient pas…enfin, c’est Patrice) . Puis, régulièrement,  des amis qui passent et des invités spéciaux pour des émissions spéciales.

Dédou : En fait, l’émission n’est pas fermée (nous sommes « open ») et ceux qui veulent venir boire un gotou peuvent se pointer : la porte est ouverte. Cela donne d’ailleurs tout son cachet à notre émission et la rend vivante.

 

RPN : En dehors de la musique, quel est le contenu de vos émissions ?

 

Djé : Je parlais, tout à l’heure, d’invités spéciaux pour des émissions spéciales. Nous traitons régulièrement de thème divers qui ont trait avec notre territoire. Lors de la sortie d’un nouvel album, nous pouvons faire une soirée spéciale avec les membres du groupe. Lors de la sortie d’un bouquin, nous pouvons inviter l’auteur. Au début d’une saison de théâtre, nous pouvons avoir pour thème central le théâtre avec le directeur de la salle concernée…Les sujets ne manquent pas. Nous pouvons, aussi, comme nous l’avons déjà fait, parler de bonne bouffe et d’agriculture bio. Nous n’avons aucun sujet tabou…mais, avant tout, nous sommes là pour distraire nos auditeurs avec la musique qu’ils attendent.

 

Dédou : Oui, nous traitons de l’actualité musicale, sociale et culturelle de ce petit bout de terre ou il y a plein de gens, comme nous, qui vivent. Il n’y a pas de censure dans Raggapero  et l’espace de parole est libre : les gens d’ici peuvent s’y exprimer. Et tout ça dans la bonne humeur.

 

RPN : Et quels sont les projets de Raggapero ?

 

Djé : Nous souhaiterions faire une émission par mois à l‘extérieur. Sortir de notre studio pour aller à la rencontre des gens. Par exemple créer un évènement, qui servirait de support à l’émission…ou nous greffer sur un évènement existant en lui apportant un plus.

 

Dédou : Le but est aussi que d’autres nous imitent. Que d’autres radios proposent d’autres émissions liées à notre culture et à notre musique avec une offre diversifiée : par exemple une radio Rock Nissarde, une Radio Blues Nissarde, etc. La voie a été ouverte par Raggapero, nous espérons que d’autres suivront. Il faut ouvrir de nouveaux espaces de liberté pour les cultures et les langues enracinées si maltraitées par les médias institutionnels.

 

RPN : Je vois que vous avez plein d’idées et que grâce à vous, la culture Nissarde est bien vivante.

 

Djé et Dédou : Oui, mais surtout rester ludiques et surtout pas chiants

 

RPN : Oui, on avait bien compris. Avant de se quitter, auriez vous une dernière chose à dire.

 

Djé et Dédou : Segur, on ne peut se quitter sans remercier et rendre hommage à celui sans qui nous ne serions peut-être pas là. Nous voulons parler du Père Jean, Curé de Carros, qui a créé Fréquence K et nous a accueilli…en nous laissant, et nous tenons à le souligner, entière liberté pour faire notre émission. Et puis, après avoir remercié le père Jean, nous vous remercions de nous avoir ouvert votre site pour présenter notre émission.

 

RPN : C’est moi qui vous remercie de m’avoir ouvert les portes de votre émission, un plaisir partagé, je vous l’assure et je ne manquerai pas de venir très bientôt un vendredi soir à Raggapero, le vendredi soir de 18H à 20H  sur Fréquence K ( 103.4 FM   ) pour assister à une émission en direct. Chau amic, à ben léu…

 

L’émission « Raggapero » reprendra ce vendredi 9 septembre 2011 à 18H pour une nouvelle saison. Vous pouvez joindre l’émission en direct au 04.93.29.00.15

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