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Architecture et Identité Niçoise

 

Dernièrement, j’ai été convié par la direction du CAUE (Conseil en Architecture, Urbanisme et Environnement) à présenter une conférence destinée à des enseignants dans le cadre du partenariat entre le Rectorat et le CAUE. 

Le fait que l’on m’ait proposé ce thème « Architecture et Identité Niçoise » m’a poussé à accepter la proposition qui m’était faite. Attention, il ne  s’agit ,ici,  que d’un exposé non exhaustif et assez succinct mais suffisant pour donner une idée générale sur ce sujet. Cette mise en bouche devrait m’inciter à approfondir le sujet un peu plus tard; Voici  le texte de ma conférence.

La gléia

« Parler de l’architecture en Pays Niçois n’est pas chose simple dans la mesure où celle-ci est le fruit d’une histoire complexe et s’intègre complètement dans la culture si particulière de ce Pays Niçois.

Quand on se plonge dans l’histoire de ce territoire si particulier, qui fut un passage obligé tout au long des siècles passés, on s’aperçoit que cette culture niçoise s’est forgée dans le temps par l’intégration de populations très diverses qui, tour à tour, ont enrichi le socle originel.

Je ne vais pas, ici, faire un  cours d’histoire du Pays Niçois, comme j’ai l’habitude de le faire lors des « Promenades à travers le temps en Pays Niçois… de la Préhistoire à nos jours »  que j’organise régulièrement.  Mais pour comprendre la mentalité de ceux qui ont façonné l’identité niçoise, ce préambule me semblait absolument nécessaire.

Une autre particularité qui a forgé cette identité est que, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens qui ne sont pas d’ici, les niçois sont avant tout des montagnards. Le peuple niçois et presque majoritairement tourné vers la montagne et très peu vers la mer. Je citerai les mots, entendus lors d’une conférence, d’un auteur venu du sud-ouest qui avait parfaitement cerné les gens d’ici : « Les Niçois, ces montagnards face à la mer ». En effet, le territoire du pays niçois  est d’une diversité étonnante et unique qui s’explique par le fait que l’on passe du niveau de la mer à des sommets de 3000 mètres sur des distances relativement courtes. Et, à cet égard, nous pouvons dire que Nice, loin d’être une station balnéaire comme l’imagerie hexagonale a coutume de la présenter, est véritablement une ville de montagne (je rappellerai, tout de même, que les Alpes viennent se jeter dans la mer au Cap de Nice).

 

 

La Mar...

Ce qui caractérise l’identité niçoise, « l’identità nissarda », comme nous disons ici, est cette diversité qu’elle puise dans ses racines : Phocéens, Ligures, Romains, Savoyards, Piémontais, Suisses et à une époque plus près de nous les Anglais, les Russes puis les Français.

Ces deux paramètres posés, diversité de populations et diversité de paysages, nous pouvons alors comprendre l’architecture du pays Niçois qui, contrairement à beaucoup d’autres régions dans lesquelles nous constatons une unité architecturale assez marquée,  se singularise par une superposition harmonieuse issue de l’évolution historique du pays Niçois.

 

Saint-Etienne-89

Il faut d’ailleurs distinguer plusieurs zones dans ce territoire dont nous parlons : la zone littorale, le moyen-pays et le haut-pays.

Il parait évident que cela détermine des styles architecturaux bien différents. Quand on se trouve dans la ville de Nice, il y a déjà de nombreux styles assez différents entre la rive gauche et la rive droite du Paillon.  Et, sur chaque rive,  des styles marqués par l’empreinte des différentes époques.   Mais, et ceci est une particularité de la ville de  Nice, les quartiers ont, de ce fait, une identité propre qui se traduit bien dans l’architecture de leurs bâtiments. Qu’y-a-t-il de commun, par exemple,  entre le vieux Nice, le quartier  du Port., Riquier, Saint Roch au  niveau architectural ? (je parle bien sûr des maisons traditionnelles puisque malheureusement ces quartiers ont subi les outrages du temps quand le béton a tout envahi). Si on examine la vieille ville, les maisons sont véritablement des maisons de ville (quoique, nous verrons un peu plus loin dans mon exposé, que s’y retrouvent certains aménagements des maisons du moyen pays). Car, dès que nous allons vers les quartiers de Riquier et Saint-Roch, nous constatons la similitude des maisons traditionnelles de ces quartiers avec celles que l’on retrouve, un peu plus haut, dans les vallées du Paillon (il faut savoir que le Paillon passait, à l’origine, dans ces deux quartiers pour se jeter dans des sols marécageux qui caractérisaient l’embouchure du paillon à l’emplacement de l’actuel  Port de Nice) . Il faut ajouter que le Pays Niçois était un pays agricole avec de multiples économies de montagne : par exemple dans la vallée du Paillon, on travaillait le lin et le chanvre pour le tissage ainsi que l’osier et le roseau pour le cannage. Il existe encore de nombreuses maisons dans les communes de ces vallées où l’on trouve des locaux particulièrement dédiés à ces activités traditionnelles tel le séchage de ces matériaux naturels ou le stockage.

Je voudrais, également, montrer un exemple d’architecture lié à l’identité niçoise symptomatique d’une époque marquée par l’influence piémontaise quand  Carlo-Alberto  (Charles-Albert), alors souverain des Niçois, institua, en 1832, le Consiglio d’Ornato ou « conseil d’embellissement » de la Ville de Nice  (c’était une commission paramunicipale présidée par le Premier Consul  de la commune. Ce conseil a été créé par lettres patentes le 26 mai 1832, lettres patentes enregistrées et publiées le 8 juin 1832 par le Sénat de Nice). C’est grâce à ce Consiglio d’Ornato que nous avons, aujourd’hui,  ces magnifiques places avec leurs arcades (sur le modèle des places que l’on trouve à Turin).DSC_0015

Parlons  un peu du quartier du Port, à présent, qui lui est très marqué par cette identité niçoise avec encore aujourd’hui de  très anciennes bâtisses qui se distinguent par l’épaisseur des murs de pierre et le volume important des pièces. Puis, dans une époque plus récente (quand le Port Lympia fut creusé au XVIII° siècle) de grands entrepôts et ateliers qui sont les signes du commerce intense du Port alors. Ce type de bâtiments se retrouvent de l’autre côté de la ville basse (vers la place du palais de justice, la rue Alexandre Mari, autour du cours Saleya). Au Port, cette identité ressort, aussi, par le nombre de noms niçois que l’on trouve, encore, au fronton des immeubles actuels (très souvent des noms de familles niçoises qui, par ailleurs, étaient celles qui avaient fait construire ces bâtiments).

La rive droite est bien plus marquée par l’architecture qui s’est imposée après l’annexion du Comté de Nice en 1860. Et, là encore, se retrouvent des architectures très diverses qui marquent l’époque : quartier anglais, quartier russe, mais aussi les maisons construites par les architectes Niçois de l’époque tel Biasini, né à Nice dans les états de la Maison de Savoie et mort, toujours à Nice, mais dans la république française. Il a créé, pour des clientèles internationales très différentes, des bâtiments qui ne choquaient pas dans le paysage urbain d’alors et ce parce qu’il était, lui-même, profondément ancré dans sa culture niçoise : il faut savoir que Biasini écrivait régulièrement des poèmes en nissart (la langue du pays).

Le Nice de la « belle époque » fut un champ d’expérimentation architecturale formidable qui se distinguait par son éclectisme éclairé (chaque construction nouvelle se mariant bien avec les précédentes dans cet esprit typiquement niçois qui a su façonner une culture particulière avec les apports successifs de toutes les populations qui se sont succédées ici et ont contribué à cette identité niçoise). Mais, pour ce qui est de la période contemporaine, je laisserai le soin à l’orateur suivant de vous en parler mieux que moi.

Avant de terminer, je ne voudrais pas oublier l’architecture du haut-pays, qui est une architecture typiquement montagnarde où se retrouvent, dans nos vallées et nos villages,  des chalets qui peuvent rappeler la Savoie (Vésubie, Tinée, Cians et Daluis)  et aussi quelques haciendas (Jausiers, Barcelonnette et Allos qui faisaient partie du Comté de Nice) comme il y en a dans les Alpes de Haute Provence. Mais, et cela peut paraitre surprenant, si l’on trouve, bien sûr, des « fénièra » (fenil en français) dans ces maisons de montagne, il est à remarquer (symbole peut-être d’une unité de culture et d’identité) des maisons dans le vieux Nice qui avaient aussi les mêmes « fénièra ». On peut remarquer, signe de l’histoire séculaire commune, qu’en passant la ligne de crête pour se retrouver dans les vallées piémontaises aujourd’hui sous administration italienne, nous retrouvons une architecture de montagne vraiment assez identique à ce que l’on trouve ici.

una carièra

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Pour conclure, je dirai, que ce qui caractérise l’architecture niçoise en phase avec l’identité locale, c’est que tout le monde peut constater, aussi bien en se promenant dans les rues de Nice que dans nos montagnes et campagnes qu’au niveau architectural il y a de grandes différences avec la Provence voisine et que (sauf dans ces dernières années où les décideurs ont pu s’affranchir de cette identité en voulant « reproduire à l’identique ce qui se fait ailleurs ») il n’y a pas de construction typiquement « française » (pas d’immeubles Hausmanien ou autres, par exemple). Si je puis me permettre un avis personnel, j’émettrai un dernier souhait, qui me semble indispensable à la conservation de l’identité locale, qui voudrait  que l’architecte des bâtiments de France (celui qui, en dernier recours, délivre les autorisations de construire) connaisse parfaitement l’histoire et la culture du territoire où il œuvre. Je vous remercie. »

Nous ne manquerons pas de donner suite à cette étude sur notre architecture liée à l’identité niçoise.

 

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