Un conte de source inconnue

Nous vivons à une époque où il est de plus en plus difficile de faire se rencontrer les gens, de leur faire partager des instants de convivialité communautaire, de se retrouver pour passer une soirée ensemble pour danser ou écouter un conte. La société moderne a fait éclater les structures traditionnelles et, par là même, les liens forts qui unissaient les individus d’une même phratrie, d’une même famille, d’un même village, voire d’un même peuple.

En rangeant de vieux papiers, je suis tombé sur un texte qui a attiré mon attention. Il m’a captivé au point que j’ai laissé tomber mon rangement et me suis lancé dans la lecture de celui-ci. A la fin,  il m’a laissé pensif. « Mais dans quel monde vivons nous ? » C' »est pourquoi j’ai décidé de vous en faire profiter

Histoire de l’étrangère

Quelques années avant ma naissance, mon père connut une étrangère récemment arrivée dans notre village.
Dès le début, mon père fut subjugué par cette personne, si bien que nous en arrivâmes à l’inviter à demeurer chez nous.
L’ étrangère accepta et depuis lors elle fit partie de la famille.
Moi je grandissais, je n’ai jamais demandé d’où elle venait, tout me paraissait évident.
Mes parents étaient enseignants : ma maman m’apprit ce qu’était le bien et ce qu’était le mal et mon père m’apprit l’obéissance.
Mais l’étrangère c’était une conteuse, une enjôleuse.
Elle nous maintenait, pendant des heures, fascinés par ses histoires mystérieuses ou rigolotes.
Elle avait la réponse à tout ce qui concernait la politique, l’histoire ou les sciences.
Elle connaissait tout du passé, du présent, elle aurait presque pu parler du futur !
Elle fit même assister ma famille à une partie de football pour la première fois.
Elle me faisait rire et elle me faisait pleurer.
L’étrangère n’arrêtait jamais de parler, ça ne dérangeait pas ma Maman.
Parfois maman se levait, sans prévenir, pendant que nous continuions à boire ses paroles.
 Je pense qu’en réalité, elle était partie à la cuisine pour avoir un peu de tranquillité (Maintenant je me demande si elle n’espérait pas avec impatience que l’étrangère s’en aille).
Mon père avait ses convictions morales, mais l’étrangère ne semblait pas être concernée par celles-ci.
Les blasphèmes, les mauvaises paroles, par exemple, personne chez nous, ni voisins, ni amis, ne s’en seraient permis.
Ce n’était pas le cas de l’étrangère qui se permettait tout, offusquant mon père et faisant rougir ma maman.
Mon père nous avait totalement interdit l’alcool.
Elle, l’étrangère, nous incitait à en boire souvent.
Elle nous affirmait que les cigarettes étaient fraîches et inoffensives, et que pipes et cigares faisaient distingué.
Elle parlait librement (peut-être trop) du sexe.
Ses commentaires étaient évidents, suggestifs, et souvent dévergondés.
Maintenant je sais que mes relations ont été grandement influencées par cette étrangère pendant mon adolescence.
Nous la critiquions, elle ne faisait aucun cas des valeurs intrinsèques de mes parents, et malgré cela, elle était toujours là !
Cinquante années sont passées depuis notre départ du foyer paternel.
Et depuis lors beaucoup de choses ont changé : nous n’avons plus cette fascination.
Il n’empêche que, si vous pouviez pénétrer chez mes parents, vous la retrouveriez quand même dans un coin, attendant que quelqu’un vienne écouter ses parlotes ou lui consacrer son temps libre
Voulez-vous connaître son nom ?
Nous, nous l’appelons… Télévision !
Il faudrait que cette belle histoire soit lue par tout le monde.
Attention :
Maintenant, elle a un époux qui s’appelle Ordinateur
Un fils qui s’appelle Portable
Une fille qui s’appelle Tablette
Et un neveu pire que tous : Lui c’est Smartphone !
Et ils se lient tous ensemble pour nous éloigner les uns des autres.

L’auteur de cette courte histoire, reste anonyme malgré mes recherches.

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Nous avons été sollicité par notre ami Jean Louis Bellon qui enseigne le nissart et qui souhaitait traduire ce conte en notre langue pour faire travailler ses « escoulan » (élèves). C’est avec un grand plaisir que nous l’avons autorisé à récupérer le texte de ce conte.

Voici la traduction de notre ami…. Vès la revirada de lou nouòstre amic:

Testou pilhat en lou site : Raïs dóu Païs Nissart d’aoust 2016.

Istòria de la fourestièra

Quauqu an denan la mieu naissença, moun paire counouissèt una fourestièra venguda lì a pau en lou nouòstre vilage.
Sus lou còu moun paire fouguèt enfadat da aquela persouna, tant ben que n’en ariberian à la counvidà d’estaire au nouòstre.
La fourestièra achetèt e d’aquestou jou faguèt partida de la familha.
Ieu creissìi, n’ai jamai demandat de doun venìa, tout mi semblava evident.
Lu mieu parent èron magistre : Mamà m’emparèt cen qu’èra lou ben e cen qu’èra lou mau e moun paire m’emparèt l’òubediença.
Mà la fourestièra parlava coum’un libre, sabìa v’encantà.
Nen mantenìa, d’oura e d’oura, emberlugat dai sieu istòria misteriouhi o que nen fahìon rire.
Avìa respouòsta à tout cen que toucava à la poulitica, l’istòria o li sciença.
Counouissìa tout dóu passat, d’ahura, per un pau aurìa pouscut parlà dóu futur !
Faguèt pura assistà la mieu familha à un rescouòntre de foutebale per lou premié còu.
Mi fahìa rire e mi fahìa plourà.
La fourestièra s’arrestava jamai de parlà, noun desturbava Mamà.
De li còu Mamà s’aussava, à l’emprevist, dau temp que nautre countuniavan de beure li sieu parola.
Pensi qu’en realità, èra partida en couhina per avé un pau de trenquilità (Ahura mi demandi se noun esperava emb’empaciença que la fourestièra s’en anesse)
Moun paire avìa li sieu counvicioun mourali, mà la fourestièra noun semblava s’embarassà d’aquesti.
Lu blastème, li maridi paraula, per isemple, degun au nouòstre, ni vesin, ni amic, lou si serìa permès.
Noun èra lou cas de la fourestièra que si permetìa tout, òufuscant moun paire e faguènt rougì ma maire.
Moun paire n’avìa coumpletamen bandit l’alcol.
Èla, la fourestièra, n’encitava à n’en beure souvent.
N’afirmava que lu cigareta èron fresqui e inoufensivi, e que pipa e cigarou fahìon distengat.
Parlava libramen (bessai de trop) dóu sessou.
Lu sieu coument èron evident, sugetieu, e souvent desvergougnat.
Ahura sabi que lu mieu relacioun soun estadi francamen influençadi per aquela fourestièra dau temp de la mieu adoulecença.
La criticavian, fahìa minga cas dei valour intrensequi dei meiu parent, e maugra acò, èra toujoù aquì !
Cinquante carnevale soun passat despì nouòstre partença de la maioun paternala.
E despì d’aqueu temp touplen de caua an cambiat : aven plus aquel emberlugamen.
Mà pura, se pousquessias intrà da mieu parent, la retrouverias pura en un cantoun, asperant que quauqu’un vengue escoutà li sieu charaìssa o li counsacrà lou sieu temp libre.
Voulès counouisse couma li dìhon ?
Nautre, la sounan…Televisioun !
Caurìa qu’aquela bella istòria siguesse liejuda per touta la gent.
Mèfi :
Ahura, a un ome que si souòna Ourdinatour
Un enfant que si souòna Pourtable
Una filha que si souòna Tableta
E un nep lou pejou de toui : Èu es Smartfonou !
E si lìgon toui ensen per n’alugnat l’un de l’autre.

Autour escounouissut

Revirada da J L Bellon

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