Conte de Noël non conformiste en Pays Niçois…

En cette période de Noël, lou temp de Calena, je vais vous présenter, ici, un conte de Noël qui se passe dans nos montagnes, écrit par Barbajohan.

 

Conte de Noël peu conventionnel…

La journée de ce 24 décembre 2014, s’était déroulé comme d’habitude, Radio Bleu Côte d’Azur avait bien annoncé de la neige les jours précédents ; mais je pensais que c’était juste pour appâter le touriste et l’inciter à remplir l’hôtellerie des stations. Il était près de 22H00 et des poussières et, après avoir bien bourré le poêle pour la nuit, je sortis pisser dehors histoire de voir si par hasard quelques flocons étaient en train de vagabonder. Le ciel était constellé d’une voute d’étoile et si ce n’étaient au loin les feux clignotants d’un avion, on aurait pu se croire à contempler, dans le silence, une des premières nuits du monde.

Le silence ne dura pas, les chiens du voisin se manifestèrent. « ils auront senti une bête, sanglier, chevreuil, » me dis-je, » en espérant que ce ne soit pas le loup ». Sur ce, même après m’être assoupi et avoir presque cuit à côté du feu, le froid commençait à bien piquer dehors, je me rembraillais car comme on dit : on prend toujours un coup de froid par les extrémités…. Je rentrais donc, fermais le volet et la porte de la cuisine. Vé que je ne m’attardais pas. J’éteignis la lumière, allais dans ma chambre et me déshabillais. Enfin, je m’enfournais dans le lit. Il était un peu frisquet, mais ne tarderai pas à se réchauffer. J’éteignis la lampe de chevet, et me racontant des histoires, je cherchais la porte du sommeil……. Je venais juste de l’entrebâiller quand mon chien, Charlie, se mit à aboyer et à grogner……De temps à autre ce chien voit des choses que moi je ne peux pas voir. Tiens un soir, il m’avait fait une comédie pour finalement une pauvre souris qui s’était réfugiée sous l’évier. On aurait cru que la bête du Gévaudan était rentrée dans la cuisine et qu’il s’apprêtait à un combat épique et désespéré. Je rallumais la lumière et de mon lit, me suffis de quelques injonctions données d’un ton autoritaire : « Charlie, basta, va te coucha ! » Apparemment cela avait dû suffire….Où en étais-je, ah oui, éteindre la lumière. Et reprendre le chemin, la fontaine au fond du vallon dans les grands mélèzes là où se trouve la porte du sommeil. Je me sentais doucement repartir lorsque soudain j’entendis une voix d’homme.
– « Veuillez, m’excuser, il y a quelqu’un ? »
Évidemment Charlie se remit à aboyer de plus belle…..
Je me dis : « Peut-être que j’étais déjà en train de rêver ? » et je me rabougris, rentrant les épaules encore un peu plus dans la chaleur du lit. Ben, non ! La voix se fit à nouveau entendre : « Il y a quelqu’un, s’il vous plait…… », relançant les aboiements de Charlie. J’allumais la lampe de la chambre et me mis à clamer : « Voilà, voilà, j’arrive….un moment, que je m’habille. » Ce qui m’inquiétait, c’est que ce n’était pas une voix que je reconnaissais. J’enfilais un pantalon, glissais mes pieds dans mes godillots sans prendre le temps de les lacer et passais mon blouson F1 en laine polaire. Toute fois, je pris la précaution de glisser mon révolver 38 Spé. à l’arrière de la ceinture de mon pantalon, et rabattit dessus mon blouson. Après tout on ne sait jamais……. Arrivé dans la cuisine, j’essayais de regarder par la fenêtre et le store entre-ouvert, mais je ne vis qu’une imposante silhouette. Finalement, je me résous à ouvrir d’abord la porte, puis le volet. M’apparut alors un grand bonhomme revêtu d’un grand manteau rouge tenu par un énorme ceinturon, porteur d’une grande barbe blanche bouclée, coiffé d’un grand bonnet rouge entouré de fourrure, et chaussé de grandes bottes à fort rabat en cuir marron.

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– « Je suis vraiment désolé de vous importuner en cette heure tardive ; mais je me suis perdu… »
– « Oh, vous ne seriez pas le seul à qui ça arrive, vous alliez chez quelqu’un du quartier……… ? »
– « Pas précisément, mais je ne sais même pas où je me trouve…. »
Ouh là, me dis-je, il doit en tenir une…et une bonne!
Enfin, si j’arrive à savoir chez qui il avait prévu de jouer les pères noëls, on téléphonera et ils viendront le chercher. Je ne peux quand même pas le laisser repartir en voiture dans son état, ni le mettre dehors avec ce froid. ^
– « Mais rentrez, Monsieur, il ne fait pas chaud dehors, inutile de laisser, la chaleur partir et que je gâche du bois. Entrez, Entrez, asseyez-vous. »
Finalement ce ne devait pas être un mauvais bougre, vu les fêtes que lui faisait Charlie. Généralement les gens qui ont un contact affectueux avec les chiens, ne représentent pas un danger. Mais étrange quand même, il n’empestait pas l’alcool.
– « Je vous remercie de votre hospitalité, Monsieur » dit-il en s’asseyant
– « Alors, vous alliez où ? » insistais-je. – « Ma route devait passer par Grasse puis Draguignan…………… ».
– « Ben, vous n’êtes pas prêt d’y arriver, surtout en voiture, sur ces petites routes de montagne, dont certaines sont déjà verglacées. »
– « Mais, je ne suis pas venu en voiture……….. »
– « À pied, alors ? »
– « Non, non, laissez-moi vous expliquer. Je me dirigeais vers Grasse en venant de Boves au Piémont, lorsque j’ai été pris de problèmes intestinaux nécessitant une urgence. Je suis descendu dans la nuit pour me guider à la lumière des routes et des maisons quand j’ai aperçu un grand pré, suffisamment grand et isolé pour que je m’y pose discrètement. J’ai débouclé mon harnais et je me suis précipité hors du poste de pilotage, vers un buisson un peu plus loin. J’ai peut-être mis un peu trop de temps, mais vous avez vu mon accoutrement, ce n’est pas évident. Le temps que je remette tout ça, mes rennes se sont affolés. Je suis sûr que c’était le loup, il n’y a que cet animal qui puisse les mettre dans cet état là. Et la rien à faire, elles ont décollé et en quelques minutes ce n’était plus qu’un petit point lumineux dans le ciel. C’est une catastrophe, heureusement que je vous ai trouvé, parce que je vais vous dire, je suis parti dans la nuit, sans avoir aucune idée d’où je me trouvais. Au fait je suis où ? » – « Vous êtes sur le Plateau de Dina, commune de Rigaud, d’un côté la vallée du Var qui descend vers Nice, de l’autre le Cians, et plus loin la Vallée de la Roudoule. » Les calus, ils restent gentils tant que tu ne les contredis pas. Méfie Johan, méfie…

– « Je voulais dire dans quel pays, quelle région ? »
– « En France et dans le Sud Est, plus précisément dans le département des Alpes Maritimes. »
– « Donc, j’en déduis que j’avais bien suivit la bonne route. Parce que à la Direction, je les connais, ils diront que je ne disposais pas de tous mes réflexes ou de mes facultés. Tout ça pour avoir bu un coup avec les collègues et tiré deux tafs sur un pétard avec les elfes, avant de partir en tournée. »
Je me disais aussi, il n’est quand même pas clair, ségur l’alcool et la fumette c’est pas fait pour arranger.

–« Je continue donc à vous narrer mes aventures, mais peut-être vous en lassez-vous cher Monsieur, n’hésitez pas à me le dire…. » – « Pas du tout, monsieur, Vous savez, je vis seul et j’ai très peu de visite, aussi je profite de vous écouter…. », lui répondis-je, tout en vérifiant la présence rassurante de mon Smith et Wesson dans le creux de mes reins. – « Je continue, ainsi me voilà parti en pleine nuit suivant une petite piste, j’entendis alors les sonnailles d’un troupeau. Qui dit troupeaux, dit bergerie et berger, mais voilà qu’apercevant dans la pénombre une bâtisse, je me retrouvais face à trois énormes patous grognant. Je fais demi-tour et à la sortie d’une clairière, j’aperçus une petite route, je la suivis un temps et aperçus les lumières d’une maison en contre-bas. Il me sembla alors qu’un chemin amenait jusqu’à la maison. Mais là encore arrivé à proximité, j’entendis plusieurs chiens aboyer, ce n’est pas que je n’aime pas les chiens, la preuve le vôtre me semble fort gentil, mais je n’avais pas envie de me faire mordre. C’est alors que m’engageant dans un pré en dessous de cette maison, j’ai aperçu une lumière qui s’éteignait et une autre qui se rallumait. Je me suis dit qu’il y avait sans doute une maison occupée, et comme je n’entendais pas de chien, je suis venu en confiance. »
– « Vous avez bien fait, écoutez, on va prévenir et rassurer vos amis, ceux chez qui vous deviez jouer au père noël. Vous avez leur numéro de téléphone ? Vous me le donnez et je les appelle. »
– « Mais cher Monsieur, je ne joue pas au père noël. Je suis le père noël ! Je ne peux hélas joindre quiconque par téléphone. Par contre si vous disposez d’internet, je peux essayer de joindre le directeur de l’opération spéciale tournée de noël. Je lui signalerais ma position et je pense qu’ils m’enverront une navette de récupération assez rapidement. » – « Mais bien sûr cher Monsieur Noël, je dispose d’un portable relié haut débit à internet, je vous le mets en route sur la page Google par exemple. Vous savez vous en servir ? – « Certainement, nous sommes à la pointe de toutes les technologies …. » J’ouvris donc mon ordi et pianotait sur le clavier, tout en réfléchissant ; si c’est une blague, je ne vois pas qui aurait pu. À moins que, mais les volets sont fermés, où sont les caméras ? » – « Voilà cher monsieur Noël, vous pouvez-vous connecter. »– « Je vais d’abord me connecter sur Google earth, histoire de repérer les coordonnées GPS du lieu où nous nous trouvions. Pourriez-vous m’aider à m’orienter et auriez-vous un stylo et un bout de papier pour que je prenne des notes. »– «Mais bien sûr.» Ne pas contrarier les fous…Surtout, ne pas contrarier les fous… À ce moment-là, il passa une bonne dizaine de minute à pianoter et afficher des messages sur l’écran de l’ordinateur. Et au bout d’un certain temps… – « Je suis terriblement confus, cher Monsieur, je viens d’avoir une réponse de ma centrale ; il leur est compte tenu des activités de cette nuit, impossible de m’envoyer une navette de secours avant demain matin dix heure. Je vais être donc obligé de vous prier de bien vouloir m’accorder l’hospitalité pour cette nuit. » – « Bon, ben, on va se débrouiller, vous pouvez dormir dans le clic-clac de la cuisine, en plus vous n’aurez pas froid. Je vais essayer de vous trouver une couverture, des draps et un coussin. Je fermerai la porte, pour pas que Charlie vous dérange. Les toilettes sont au premier étage, et il y a toujours deux seaux d’eau en haut, un pour la cuvette des WC et l’autre pour vous laver les mains. Je suis désolé mais mes conditions de vie sont plutôt comme on dit rustiques ou minimalisées à l’essentiel. » – « Cela m’ira très bien, et je vous remercie une fois de plus de m’accueillir dans ces circonstances et surtout de partager votre maison. »

– « Bon, allez, écoutez-moi, même si vous êtes en cavale, ce n’est pas un problème, la nuit de noël c’est sacré pour nous en ce qui concerne le devoir d’hospitalité. Vous pourrez repartir demain sans problème. Mais me prenez pas pour un niocou, j’ai passé l’âge de croire au père-noël. » – « Mais, je suis le père-noël, enfin un des pères noël, cela fait plus de soixante-dix ans que je fais ce travail. » – « Admettons que vous soyez le père noël, donc ce soir tout un tas d’enfants seront privés de cadeau puisque vous êtes bloqués ici ? » – « Les choses ne sont pas aussi simples, cela fait bien longtemps que nous avons dû vendre une partie de nos activités au secteur privé de l’industrie du jouet et des cadeaux. On peut dire que 98 % de cette activité est maintenant « Out-Sourcée ». Notre rôle est simplement d’entretenir la légende, le côté magique indispensable à ce secteur d’activité économique. Ainsi mon rôle est d’assurer une tournée avec des apparitions spatiotemporelles. Tout le long de cette nuit, il y a des enfants qui regardent rêveurs par la fenêtre, histoire d’apercevoir le père noël. Ce sont ceux qui nous voient qui maintiennent le côté magique de noël, plutôt dans les campagnes d’ailleurs. De toute façon, il n’y a plus de cheminées depuis longtemps en ville, tous les immeubles sont bunkerisés, avec interphone à code, caméra, impossible d’y rentrer. Et puis essayez de garer un traineau avec des rennes, même en double file quelques minutes, vous recevrez immédiatement la visite d’une patrouille de police et vous vous retrouvez verbalisé car ni le véhicule, ni les rennes, ne sont aux normes européennes. De plus vous risquez d’être caillassé et agressé dans certains quartiers. Cela fait longtemps que la magie de noël ne joue plus sauf pour quelques enfants innocents et imaginatifs.– « Bravo, magnifique les tirades, j’ai failli y croire…. Admettons toute fois que vous soyez vraiment le père noël, comment pourriez-vous me le prouver ? » – « Parce que vous ne croyez pas à la véracité de mes propos ? Attendez, j’ai quand même pu récupérer ma hotte, elle est tombée du traineau quand mes rennes se sont affolées. Je l’ai laissé dans votre cour pour ne pas vous encombrer. M’autorisez-vous à aller la chercher ? » – « Oui, mais joue pas au con, je suis enfouraillé », dis-je en me retournant et en lui laissant entrevoir la crosse de mon Smith et Wesson….. – « Ce n’était aucunement mon intention, cher monsieur. » – « Ben, ok, vas-y. Ne laisse pas sortir Charlie. » Ce dernier lové sur son fauteuil bien au chaud, leva seulement une paupière et redressa une oreille ayant entendu prononcer son nom. Mais il n’avait aucunement l’intention de se bouger. Le père noël revint donc avec sa hotte qu’il posa dans la cuisine. – « Voyons, vous avez mangé ce soir ? » – « Oh, juste une petite assiette de soupe vers sept heure. » – « Si j’en crois le réveil sur l’étagère au-dessus de votre cuisinière, il est maintenant près de minuit, vous n’auriez pas une petite faim pour le réveillon de noël ? » – « Ben, c’est-à-dire, maintenant que tu m’en parles………… » – « Et si on faisait un vrai repas de réveillon de noël ? Qu’est-ce que vous aimeriez manger ? » – « Un plateau de fruit de mer, avec des huitres creuses et des huitres plates, des moules crues aussi, puis des crevettes grises, des manges tout, quelques crevettes roses, des palourdes, quelques bulots et puis deux oursins…. et un demi tourteau… » – « Et comme vin ? » – « Un Pouilly Fuissé Blanc pour commencer et un Morgon Blanc pour le tourteau. » – « Citron frais et vinaigrette à l’échalote ? Pains de Seigle au noix et beurre demi-sel breton. » – « Exactement, cela fait très longtemps que je n’en ai pas mangé. » – « Vous me laissez le temps de passer la commande par internet et dans quelques minutes, je vous sors ça de ma hotte. » Le père noël se remit à pianoter sur le clavier de l’ordi. – « Voilà c’est fait. J’ai rajouté un peu de décoration pour la table ». Allez pensais je, dans dix ou vingt minute la porte va s’ouvrir, les livreurs, les caméras et les projos vont apparaître. Super la prépa’ de la séquence et la logistique, elle doit coûter bonbon cette émission. Faudra que je demande quand elle sera diffusée… Cinq minutes passèrent et les lumières de la cuisine se mirent à clignoter, la hotte se mit à grésiller et à s’entourer d’un drôle de halo d’où surgissait des étincelles d’argent. – « Voilà, dit le père noël » il mit les mains dans sa hotte et en sorti une superbe nappe brodée blanche immaculée, six verres de cristal finement travaillé, des couverts d’argent, et une série d’assiette en porcelaine, décorées à l’ancienne. – « Ce n’est pas tout, pourriez-vous ranger la table afin que je la prépare ? » – « Vous avez raison, c’est un peu le cafouche cette table, j’y dépose tout un tas de choses, elle me sert d’établit, de bureau et j’entasse sans jamais ranger. » Je me mis donc à débarrasser la table, à y passer un coup d’éponge puis un coup de chiffon propre. Le père noël installa la décoration, en moins de cinq minutes on se serait cru devant une table dressée au Crillon ou au Negresco pour le réveillon. Il sortit ensuite deux seaux à glaces argentés et porteurs de reproductions de bas-relief à la gloire de Bacchus, défit deux sacs à glaçon dont il versa une partie du contenu dans les seaux, me demanda de l’eau, puis y positionna trois bouteilles de vin. – « J’ai prévu les couverts, mais j’ai oublié le tire-bouchon, je suppose que vous disposez de cet ustensile. Car il serait bien d’ouvrir les bouteilles voire de servir deux verres pour que le nectar s’oxygène. » Méfiant, je jetais un coup d’œil sur l’étiquettes des bouteilles, mais c’était il n’y a aucun doute les vins que j’avais désirés. La hotte n’avait pu être remplie à l’avance. Bien que j’aie le souvenir d’expériences menées par des dits mentalistes à la TV qui influençaient les gens….. Et à nouveau, les lumières de la cuisine se mirent à clignoter, la hotte se mit à grésiller et à s’entourer d’un drôle de halo d’où surgissait des étincelles d’argent.
Et cette fois-ci, le père noël, sortit de sa hotte, un support de plateau, des ramequins d’argent à sauce, des paniers à pains remplis de tartines de pain de seigle aux noix, un beurrier, et enfin un magnifique plateau de fruit de mer. – « Voilà, je me suis permis d’en rajouter un peu de manière à partager avec vous cet agréable moment de gastronomie et de convivialité. » – « Mais, vous avez bien fait cher Monsieur Noël. » – « Et bien bon appétit. » Il n’y avait rien à dire, les produits étaient frais, gouteux et de qualité.

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L’ambiance se détendit au fur et à mesure de la dégustation. – « Votre base secrète est toujours en Laponie, Monsieur Noël ? » – « C’est à dire qu’elle le fut jusqu’au treizième siècle, tant que les voyages et les moyens de communication n’étaient que peu développés et que les indigènes restaient discrets sur nos activités, nous prenant pour des Dieux. À partir de la fin du quinzième, il fut difficile pour notre confrérie descendante de Melchior, Gaspar et Balthazar de trouver un lieu vraiment isolé sur terre. Nous avons donc développé d’autres technologies, nous permettant d’occuper un lieu sur la même planète, mais pas dans la même période. Des sauts spatiotemporels, dans le temps et l’espace. Ainsi admettons que notre base soit toujours en Laponie, sur une Ile Grecque, voire au milieu de la Manche, personne ne pourrais la détecter car elle serait dans une période antéhistorique, au paléolithique ou au néolithique, voire très au-delà dans le futur. » – « Et c’est quoi le coup de la hotte ? » – « Transmutation de la matière et transmission en flux bioniques intégrés, mais cela fonctionne aussi avec des êtres vivants. Vous avez remarqué pour les huitres et les moules. » – « Tout à fait, elles étaient encore bien vivantes » On attaqua le tourteau, à la pince et aux fourchettes à bulots. Le silence se fit, et l’on entendit seulement les longs suçons sur les pattes. Une fois rassasié et le plateau vidé où ne subsistait que quelques coquilles vides. Le père noël proposa : « Et maintenant pour continuer que diriez-vous d’une viande ou d’une fine volaille ? » – « Cela fait bien longtemps que je n’avais fait un tel repas ; mais voyez-vous bizarrement je me sens encore prêt pour un supplément. Mais, je n’ai aucune idée précise, de ce que j’aurais vraiment envie de manger. Ouh ! Mais attendez, il me vient une idée. » Je me levais et j’allais fouiller dans le tas de vieux journaux et de catalogues publicitaires qui me servent à allumer le feu. Je saisis une poignée de catalogues poussiéreux et quelques peu décolorés. Il y avait exactement ce que je cherchais. Je range rarement, mais je ne perds rien. – « Voilà, j’ai trouvé, le catalogue Picard les Surgelés spécial Noël 2009. J’ouvris le catalogue. Alors, Viandes, Gibiers, bof ……A si volailles, alors Chapon, Dinde, Émincé d’Autruche, trop gros. Ah, si là, Cailles Rôties, enrobées d’une fine couche de…, farcies…, sans porc, raisin de Corinthe trempés vieux Marc, pignons, avec de légers copeaux de truffes blanches…..Voilà, ça, ça doit être bon à s’en faire jouir les papilles. Je vous donne la référence ?» – « La référence, ne servira à rien, je vais juste saisir le descriptif pour passer la commande, une ou deux par convive ? » – « Oh que d’après la photo, elles n’ont l’air pas bien grosses ; deux par personne me parait bien. » – « Et en accompagnement ? » – « Attendez, je regarde. Et je feuilletais à nouveau le catalogue. Pommes de terre soufflées, petits choux de Bruxelles, Salsifis, Cœurs de Palmier non ! A là, Marrons de l’Ardèche cuisiné à la Graisse de Canard et au jus de truffe. Référence 34-NP-066-188….. » – « C’est un excellent choix, je transmets immédiatement. Voilà, il faudra patienter quand même quinze bonnes minutes. En attendant, je vous recommande un petit trou normand, sorbet de poire, arrosé d’un petit Calva. » – « C’est pas idiot, ça nous permettra de patienter…. ». Les lumières de la cuisine se mirent à clignoter, la hotte se mit à grésiller et à s’entourer d’un drôle de halo d’où surgissait des étincelles d’argent. Ce qui réveilla Charlie qui dressa les oreilles et risqua un regard par-dessus ses pattes croisée sur son museau.….. Le père noël sorti alors de sa hotte, deux coupes de cristal bleue et blanche, garnies de sorbet, recouvert d’une tranche de petites poires cuites. Il en sortit aussi une petite bouteille au goulot serti de cire rouge qu’il me tendit. – « Vous avez un couteau pour défaire la cire et profitez pour la déboucher. » Je ne le me fis pas répéter deux fois, je reniflais le goulot de la bouteille et me régalais d’avance des fragrances qui s’en échappaient, une odeur d’alcool de pomme qui avait patienté là quelques dizaines d’années. D’ailleurs la couleur du liquide que je versais sur les coupes n’aurait pu démentir ma première impression. Je sortis d’un tiroir deux petites cuillères pour la dégustation dont j’essuyais la poussière avec un torchon. Nous appréciâmes le temps suspendu du plaisir de la dégustation dans un profond recueillement. Effectivement, quelques minutes après avoir fini nos coupes, et avoir réprimé quelques rots discrets, l’appétit revint au galop. Une fois de plus, les lumières de la cuisine se mirent à clignoter, la hotte se mit à grésiller et à s’entourer d’un drôle de halo d’où surgissait des étincelles d’argent. Mais là Charlie se leva de son fauteuil, déjà l’odeur des Cailles Farcies avaient envahi la pièce. Il se détendit de tout son long, se secoua et vint poser sa tête sur mes genoux me regardant d’un regard de mendiant gourmand et suppliant. – « Eh bien, bon appétit, à nouveau, cher ami… » dit le Père Noel. Je commençais à avoir des doutes, les sens excités par mes papilles et mon estomac, étaient en conflit avec mon cerveau. Le vin blanc bu avec les fruits de mer et les effets du « cale que va » venaient en contradiction avec mes derniers retranchements de rationalité. – « Je me suis permit de choisir le vin à votre place, puisque vous ne m’avez fait aucune suggestion. J’espère qu’un Château Cheval Blanc 2007 Rouge vous conviendra ? » m’annonça le père noël. – « En matière de Rouge, je vous fais entièrement confiance, puisqu’il transparait que c’est votre couleur préférée….selon la façon dont vous vous habillez. » Le père noël esquissa un large sourire, preuve qu’il avait aussi le sens de l’humour.

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Après ce second plat, je me trouvais fort rassasié, un léger poids sur l’estomac, je fis même don à Charlie de quelque raquignes de farces et de mon reste de marrons qu’il apprécia hautement comme à son habitude, trois bouchées gobées rapidement pour aller immédiatement regagner son fauteuil et se pourlécher les babines durant un bon quart d’heure. – « Un petit dessert, ça vous irait ? » m’interrogea le père noël. – « Écoutez, là franchement, c’était plus que rudement bon, mais j’en peux plus ». – « On ne va quand même pas aller se coucher de suite. Il faut prendre le temps de digérer, se coucher le ventre plein, ce n’est pas bon. Allez, voilà ce que je vous propose. Je vais, avec votre permission, inviter trois bonnes copines à moi, des Elfes, vous verrez ce sont trois filles formidables. A l’heure qu’il est elles ont dû terminer leur service et les chefs ont du relâcher leur surveillance. On boira une coupe de champagne ensemble. »

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– « Et comment elles vont venir ? » – « Ben, avec la hotte… » – « Mais si elles peuvent voyager avec la hotte, pourquoi vous ne vous en servez pas pour retourner chez-vous. » – « Parce qu’elle ne fonctionne que dans un sens. Elles repartiront demain matin avec la navette. Vous permettez ? » dit-il se levant et en allant sur l’ordinateur… Quelques minutes plus tard, après avoir pianoté sur le clavier et avoir affiché quelques messages, il m’annonça tout fier : « C’est Okay ! Elles vont arriver une après l’autre, elles amènent le champagne et un peu d’herbe. » Effectivement, et à nouveau, les lumières de la cuisine se mirent à clignoter, l’air se mit à grésiller et la hotte se couvrit d’un drôle de halo d’où surgissait des étincelles d’argent. Et soudain de la hotte une elfe surgie. Cette opération se renouvela deux autres fois. Elles prirent place sur le canapé. De premier abords elles étaient conformes à l’idée que je m’en faisais, plutôt petites en menues, mais bien proportionnées une poitrine généreuse, une taille fine, des hanches larges et des fesses rebondies. Le minois fort joli ma foi, comportait de grands yeux ronds, un peu comme les créatures des mangas, un nez aquilin, des oreilles pointues, une petite bouche bien dessinée pourvue de lèvres charnues. Quelque part des pommettes un peu saillantes, indiquant une origine nordique et asiatique, un peu comme les Lapons, et alors des cheveux, d’un blond rosé presque luminescent.

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– « Bien, voilà, je vais faire les présentations, de gauche à droite, Lilith, Lilouth et Luluth ; mais je continue à vous appeler, Monsieur et vous Père Noel ou Monsieur Noel. Il serait peut-être temps de finaliser les présentations. » – « Ben, moi, c’est Johan et le chien c’est Charlie. On m’appelle aussi Barbajohan.» Charlie qui passait d’ailleurs son temps à renifler les Elfes, l’odeur humaine, il connaissait comme la plupart des odeurs des animaux de notre pays, mais là, l’odeur d’elfe, il fallait qu’il étudie. – « Et moi c’est Balthazar le vingt-deuxième, ou Balthazar le vieux. » – « Mais vous ne semblez de ma génération, Balthazar, pourquoi le Vieux ? » – « Par rapport à votre cycle d’histoire terrienne, je n’ai effectivement que deux cent vingt-cinq ans, et je suis le vingt deuxième de la ligné des Balthazars. » – « Je commence à en rouler un, ou on ouvre le champagne », dit Lilith.

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– « Ben, c’est ça, si on commençait par un peu de champagne », dis-je. – « Allons-y pour le champagne », dit Balthazar.–« C’est que je ne suis pas sûr d’avoir suffisamment de coupe, sinon celles de ma pauvre mère, qui doivent se trouver dans un carton quelque part. » – « Mais nous y avons pensé, elles doivent être dans un paquet au fond de la hotte », dit Lilouth. – « Je les ai », dit Luluth. Et l’on fit péter un premier bouchon, ce qui entrainât de nombreux jappement de Charlie, non qu’il aimât le champagne mais il déteste les détonations.- « On manque un peu d’ambiance, non ? » dit Lilouth

– « Si l’on mettait de la musique et que l’on dansait ? » dit Luluth

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– « Pourquoi pas, répondis-je, mais ça fait très longtemps que cela ne m’est pas arrivé. »
– « Allez, en deux coups sur votre clavier d’ordinateur via internet, et je vous prépare tel un super DJ une dancingplaylist. » Répondit Balthazar.
– « Je débarrasse la table, on la pousse, et on range les chaises dans la cave. On va faire une super piste de danse. »dit Lilith. Je dois dire que l’ambiance, les bulles de champagnes, et quelques tafs d’herbe aidant, on s’y mit volontiers. Je n’aurais jamais pensé un jour danser la danse des canards ou la lambada dans ma cuisine avec un père noël en caleçon rouge et jaune à petits poids et trois elfes en soutien-gorge. Je dois dire que n’ayant gardé que mon caleçon long et mon teeshirt Damart Bleu décoloré par les lavages, je devais quand même ressembler un peu au grand Schtroumpf. Mais quelle rigolade !

 

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Même Charlie s’était mis de la partie en tournant en rond sur ces deux pattes arrière. Sur le coup de quatre heures du matin, l’alcool et la fatigue ayant fait son œuvre, on se décida à aller se coucher. – « Bon, dis-je, j’ai bien une chambre en haut avec un grand lit, mais elle n’a pas été chauffée depuis un grand moment. Elle doit être glaciale pour y dormir. » – « Ce n’est pas un problème, répondit Balthazar le vingt deuxième, le clic-clac une fois ouvert est suffisamment large et les elfes sont menues, Lilith et Lilouth dormirons avec moi. » – « Vous avez bien un lit, Johan, je ne prends pas beaucoup de place, vous savez, et puis on se réchauffera. » dit Luluth en me regardant d’un œil coquin. – « Oh, effectivement c’est un lit à une place, mais en le décalant un peu du mur et en se serrant on doit bien pouvoir y dormir à deux. » m’empressais-je de répondre. De ce qui se passa cette fin de nuit, je n’en ai que quelques souvenirs partiels, sinon vous dire que ce fut fort agréable.
Et bien plus tard…………
Je levais péniblement une paupière, il me sembla que le jour était contrairement à moi, levé depuis un certain temps, du fénestroun de ma chambre une vive lueur éclairait la voute de pierre chaulée au-dessus de mon lit. Je sentis tressaillir lové tout contre mon corps celui de mon elfe Luluth.


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J’en refermais les yeux de plaisir, et passais un bras par-dessus les couvertures pour l’étreindre un peu plus. Elle réagit aussitôt gratifiant mon visage de grands coups de langue et posant sa truffe froide et humide dans le creux de mon oreille. – « Charlie ! NON ! Descends de là ! » J’écoutais attentivement, mais ne perçu ni bruit, ni conversation. Je me levais et m’habillais aussitôt. Arrivé dans la cuisine, les rayons du soleil tentaient péniblement de s’insinuer au travers les interstices des volets. Personne, le clic-clac avait été replié, la cuisine était en ordre, vaisselle faite, si ce n’était le coup de balai sur le sol, j’aurais eu l’impression que rien ne s’était passé depuis la veille. Sur la poutre au-dessus de la cuisinière le réveil marquait treize heures. Je fis grand jours dans la pièce et cherchait des indices du passage de mes hôtes. Je sortis dehors, et appelait plusieurs fois : « Monsieur Balthazar, Lilith, Lilouth, Luluth ! » Mais degun ne me répondit sinon les chiens du voisin plus loin auquel Charlie se dépêcha de raconter l’histoire, en langage de chien bien sûr. Encore un sacré rêve que j’avais dû faire, un père noël perdu, une hotte magique, un repas divin et pantagruélique, et des elfes joyeuses et délicieusement dévergondées…Il me restait quand même un doute, ainsi, j’aurais tout le temps rêvé pendant cette longue nuit de Noël, durant le cours d’un sommeil qui avait duré de 22H00 la veille à ce matin, presque treize heures passées. Je fis plusieurs fois le tour des pièces de la maison, mais aucune trace, les draps, les couvertures, les oreillers, tout était à sa place. J’ouvris même les sacs poubelles et le carton aux bouteilles vides, mais pas de restes de coquilles d’huitre, ni de moules, ni de carapaces de tourteau, ou de coques d’oursins.
Il n’y avait pas de cadavres, de Pouilly Fuissé, de Morgon ou de Château Cheval Blanc, ni bouchons de champagne. Pas de doute, je m’étais encore égaré dans le monde des rêves en ouvrant la porte du sommeil.
Pourtant, dans les jours qui suivirent, on racontât par chez nous une bien étrange histoire : « Te rendes countes, la nuech de calena, l’autre choucatoun, lou pastre de damount, que renta la maihoun de Chiampoun. Ben, avia telefouna a la gendarmeria de Puget, perque avia viste un sietoun voulant se pauà per apres s’envoula du pras de Martin. » * – E alura ? – Eh bé, se sian pas boulega, ten pardi !*Tu te rends compte, la nuit de noël, l’autre ivrogne, le berger d’en haut, qui loue la maison de Chiampoun. Ben, il avait téléphoné à la gendarmerie de Puget, parce qu’il avait vu un ovni se poser et après s’envoler du près de Martin. – Et alors ? – Et bien, ils se sont pas dérangés, tiens pardi !

Allez, joyeux noël ! Bouoni festa de calena e a l’an que ven. 

 

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